Selon le directeur de l’audiovisuel au ministère de la Communication, Badreddine Mili, les pouvoirs publics «ont peur de reproduire les expériences de certains pays du Moyen-Orient et de l’Afrique de l’Ouest où l’ouverture du secteur avait débouché sur toutes sortes de dérives, le communautarisme notamment». En voici les menaces que l’Etat veut bien éliminer en amont.
Concentration aboutissant à un trust (trusting) d’abord, et capitaux étrangers ensuite ! «Autoriser ou non les journaux à posséder des chaînes de télévision ? S’ouvrir totalement, partiellement ou pas du tout sur les capitaux étrangers voulant investir dans l’audiovisuel ?», s’est interrogé M. Mili. Deux questions qui taraudent les pouvoirs publics, lesquels se demandent également s’ils doivent «limiter ou non le nombre de chaînes» qui vont être agréées. Dans l’entretien accordé aux confrères de la Chaîne III de la Radio algérienne, M. Mili a ainsi énuméré les grands axes du projet de loi sur l’audiovisuel en gestation. La régulation en constitue l’axe central. «Nous ne devons rien laisser au hasard et toutes les situations auxquelles nous pourrons y faire face doivent être tranchées dès maintenant. Il ne faut pas que la loi ouvre le champ aux interprétations qui vont produire des dépassements ou des effets contraires, à ce que nous aurions escompté», a-t-il souligné.
D’après M. Mili, «la loi sur l’audiovisuel va déterminer clairement les droits et obligations des différents intervenants sur le terrain, privés et publics, avant même que la future instance de régulation, qui sera prévue par la loi, n’élabore les cahiers des charges qui définiront à la fois la nature et peut-être même le nombre de chaînes qui vont être autorisées à être mises en service ». La loi, a-t-il ajouté, «va se prononcer sur le type de capital à constituer, la source de l’argent qui servira à l’investissement, les joint-ventures qui pourront, éventuellement, associer capitaux nationaux et étrangers ou publics et privés». De cette façon, a-t-il poursuivi, «le terrain sera absolument clair car le dispositif qui doit être mis en place réduira à sa plus simple expression toute interprétation quant au bien-fondé de la loi». Viendra après la régulation qui sera confiée à une instance indépendante : «Elle opérera des contrôles a posteriori sur les activités des chaînes privées et publiques, et ce, sur la saisine des parties prenantes ou sous forme d’autosaisine». Dans quels cas de figure, l’instance de régulation va-t-elle s’autosaisir ? Et à M. Mili de répondre : «Il n’y a pas de modèle idéal ou une régulation réussie à 100 %. Il n’y a pas réellement de chaînes de télévision indépendantes dans le monde. En Europe, à titre d’exemple, il n’y pas de secteur audiovisuel intrinsèquement indépendant et toutes les chaînes sont sous l’emprise de l’UE qui dicte des directives qui doivent être respectées à la lettre.» Et le secteur public de l’audiovisuel dans tout ça ? «Il connaît un déficit en management et dispose de ressources humaines faibles et d’assez faibles subventions. Sa survie n’est possible qu’à travers une restructuration globale. »
L. H.