Deux entretiens, deux points de vue : celui d’André Parent, le conseiller diplomatique de Sarkozy, sur la situation sécuritaire au Sahel se différencie par quelques aspects de celui de Shari Villarosa, l’attachée du département d’Etat chargée du contre-terrorisme, et le complète. Notamment depuis l’irruption du cas libyen à la frontière avec l’Algérie. Deux positions significatives du déroulement de la conférence d’Alger. Récit des travaux d’un rendez-vous tant attendu.
Les participants à la conférence internationale sur le terrorisme, qui s’est ouverte hier au palais des Nations, ont tout particulièrement insisté sur l’urgence de la mise en œuvre d’une approche collective et globale pour combattre le terrorisme.
Les représentants de ces pays de la région du Sahel n’ont pas omis de souligner l’absence d’une stratégie militaire ainsi que le faible niveau d’équipement en matériels sophistiqués et de la surveillance militaire. Tous les participants ont mis en exergue la situation explosive dans le Sahel, et pour cause la circulation des armes, notamment suite au conflit libyen, et ses répercussions sur l’ensemble des pays de la région dont l’Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger.
A commencer par les pays du champ du Sahel, qui appellent à un engagement international ferme et clair pour venir à bout de ce fléau mais aussi les pays du Conseil de sécurité (Etats-Unis, France et Angleterre) et l’UE, qui ont promis un partenariat poussé avec les pays de la région dans leur stratégie de lutte contre le terrorisme.
Dans son discours d’ouverture, le ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel, a fait remarquer que les pays du champ du Sahel, sur la base des échanges permanents de leurs évaluations respectives, sont parvenus à une perception commune de la menace que fait peser sur notre région le terrorisme et ses interconnexions avec le crime transnational organisé.
« Ils ont aussi convenu, a-t-il ajouté, d’intégrer de manière opérationnelle la dimension de développement et de lutte contre la pauvreté en tant que paramètre fondamental pour assurer des conditions de sécurité et de paix durables dans la région ».
Le ministre délégué a souligné que les pays ont développé un cadre juridique de coopération à travers des conventions bilatérales, judiciaires et autres, lequel arsenal juridique se voit conforté et renforcé par les mécanismes mis en place dans le cadre de notre stratégie régionale qui englobe quatre dimensions, politique, militaire, sécuritaire, et de développement. Selon Messahel, ce partenariat devrait couvrir le volet normatif et l’impératif de tarir toutes les sources de financement du terrorisme, y compris en prohibant le paiement de rançons.
« Ces revenus permettent en effet aux groupes terroristes d’acquérir des armes, d’attirer de nouvelles recrues et de se procurer des moyens logistiques et d’intendance. Le paiement de rançons, s’ajoutant à la charge émotive suscitée par la caractère abject des prises d’otages, est de nature à encourager les groupes terroristes à recourir toujours davantage à ce procédé barbare qui assure une large médiatisation à leurs activités ».
Notre conférence prend une dimension particulière eu égard aux risques liés aux répercussions de la situation, notamment celui de nouveaux flux incontrôlés d’armes de tous calibres vers le Sahel.
Lui succédant, le ministre malien des AE, Soumeylou Boubeymaiga, a, pour sa part, mis en relief les armes de plus en plus sophistiquées et dangereuses qui circulent dans la région : « Nous avons intercepté un convoi de terroristes surarmés roulant en 4×4 en possession de Simpex, un matériel explosif utilisé dans la fabrication des bombes dangereuses. Ils détenaient également une quantité considérable d’armes ». Il a ajouté qu’il était impératif d’organiser cette rencontre pour savoir ce que nous avons fait et ce qui nous reste à faire.
Notre travail consiste à mettre l’accent sur l’aspect sécuritaire. Force est de reconnaitre que notre dispositif militaire (CEMOC et UFL) est loin d’être opérationnel. Le conflit libyen et la circulation des armes commande une synergie conséquente », a-t-il relevé. Selon le ministre malien, plus de 50 tonnes de drogue circule dans la région. De son côté, le ministre nigérien, Mohamad Bazoum, a exhorté l’Algérie à être « plus vigoureuse dans son rôle de leadership ». Car selon lui, la configuration sur la question de la sécurité « date d’un certain âge ».
Il regrette l’absence d’un bilan concret pour « mesurer l’impact et pour connaître les avancées enregistrées dans ce domaine ». Le chef de la diplomatie mauritanien, Baba Ould Hamdi, a, quant à lui, mis en exergue les difficultés pour surveiller les frontières, car l’absence d’équipements de surveillance fait défaut et annihile tous les efforts des Etats face à des hommes suréquipés.
Il a appelé les décideurs à prendre des décisions hardies à moyen terme. Pour la représentante américaine, Mme Sherry Villarosa, responsable au département d’Etat de lutte antiterroriste, à la tête d’une délégation qui comprend des diplomates, des militaires et des juristes, les Etats-Unis ne peuvent, à eux seuls, combattre le terrorisme ».
Aussi comptent-ils mettre à la disposition (de ces pays) des « appuis permanents pour la sécurité dans les frontières, notamment à travers des opérations militaires, ainsi que l’échange de renseignements ». Les Etats-Unis vont « lancer, à la fin du mois en cours, un forum mondial sur le terrorisme à New York.
L’Algérie présidera un groupe de travail sur le Sahel », a-t-elle révélé. Le chef de l’Africom, le général Carter Ham, a plaidé, lui, pour une stratégie globale pour lutter contre un ennemi commun : « Le mot partenariat a été lancé. Alors tous ensemble nous devons apporter nos appui et soutien et non pas chercher un rôle de chef de file. » Selon le général américain, la prolifération des armes et des explosifs, à travers des systèmes mobiles et facilement transportables, connaît une nette croissance entre les terroristes localisés dans le Sahel et ceux de l’est africain ».
Le conseiller spécial du président Sarkozy pour les questions de sécurité, André Parant, a estimé que cette initiative est opportune : « Nous devons agir ensemble pour vaincre le terrorisme. L’Algérie paie un lourd tribut. L’attaque de Cherchell nous rappelle que ce phénomène n’est pas terminé. Le rôle primordial doit revenir aux pays de la région.
Nul ne peut se substituer à eux ou décider à leur place. Seule une action collective déterminée peut apporter une solution définitive. La France a répondu aux aspirations des gouvernements de la région. » La dégradation de la situation au Sahel n’est plus une simple hypothèse, ajoute le Monsieur sécurité de l’Elysée qui milite pour une action rapide pour relever le défi malgré l’immensité du désert.
Enfin, Robin Savin, le conseiller du Premier-Ministre britannique, a indiqué que les développements en Lybie et la menace d’Al Qaida en Algérie et dans d’autres pays « requièrent une attention de notre part ». Selon lui, la Grande-Bretagne sera aux côtés des pays comme l’Algérie dans le domaine de la lutte antiterroriste. Des ateliers seront organisés avec l’Algérie au mois d’octobre prochain, a-t-il précisé.
Pour le responsable de l’Union européenne, Manuel Lopez Blanco « le printemps arabe et le conflit libyen ont des conséquences directes sur le Sahel. La crise en Lybie est venue rendre la situation complexe dans la région à travers la circulation d’armes de tous calibres et le refoulement des personnes vers leurs pays d’origine. Ces situations peuvent compromettre l’avenir de ces nations », soutient-il. L’UE a mis en place une unité logistique et stratégique pour soutenir l’effort des pays du champ du Sahel, le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest.
Mahmoud Tadjer