Oussama Jouili était ministre de la Défense dans le gouvernement transitoire libyen, avant de démissionner, lui et ses collègues, le 23 novembre 2012, pour laisser place au gouvernement provisoire de la Libye.
Il évoque, dans cet entretien, la situation sécuritaire du pays, les frontières algéro-libyennes, la guerre au Mali et ses conséquences sur la sécurité de la Libye et de la région. Oussama Jouili, qui avait échappé, en avril 2012 à Kufrah, dans le sud de la Libye, à une tentative d’assassinat attribuée à Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), compare les moyens algériens et libyens de lutte antiterroriste.
Le Temps d’Algérie : Quelles sont les raisons de l’affrontement récent de Benghazi qui a couté la vie
à des dizaines de personnes ?
Oussama Jouili : La raison c’est le fait que des jeunes soient en possession d’armes, situation à laquelle il faut ajouter les difficultés rencontrées dans l’organisation de ces jeunes par leur recrutement, par exemple, dans un corps des services de sécurité. Tout ça est à l’origine de nombreux affrontements armés, dont celui de Benghazi.
Ces difficultés sont de quelle nature, justement ?
Ce sont des difficultés liées à des erreurs dans la jurisprudence et des erreurs contenues dans quelques lois. J’étais ministre de la Défense dans le gouvernement transitoire jusqu’au 23 novembre 2012 et nous avons travaillé dans le sens à trouver une solution à ce problème. Je suis sûr que l’actuel gouvernement travaille, lui également, pour trouver une solution à cette situation.
Quelle est la situation sécuritaire actuelle en Libye ?
La situation est actuellement stable, mais les affrontements récents de Benghazi ont été une catastrophe.
Il y a, malgré tout, des incidents armés de façon presque régulière en Libye…
En réalité la situation sécuritaire est difficile. Il s’agit, cependant, souvent d’actes individuels.
Deux Italiens ont, il y a quelques jours, découvert un engin explosif placé sous leur véhicule en Libye. Les ressortissants étrangers sont-ils toujours menacés dans ce pays ?
Les attaques menées contre les ressortissants étrangers en Libye sont motivées par des rumeurs faisant état de l’existence de nombreux espions en Libye. Ces rumeurs excitent les jeunes qui, croyant cibler les espions étrangers activant en Libye, s’attaquent à des ressortissants d’autres pays. Personnellement, je ne crois pas que les deux Italiens ciblés par le placement de cet engin explosif agissent contre les intérêts de la Libye puisque l’Italie a soutenu le soulèvement contre Mouammar El Kadhafi.
Les services de renseignement des pays du Sahel ont créé l’Unité de fusion et de liaison (UFL) pour coordonner la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée dans cette partie du continent africain. La Libye qui était en guerre, participe-t-elle, actuellement, pleinement, à l’effort de l’UFL ?
Il y a eu une rencontre les 12 ou 13 mars 2012. J’étais, à l’époque, ministre de la Défense. Le contrôle des frontières est l’affaire de tous et nous avons, donc, tous intérêt à coordonner nos efforts dans ce combat. Il faut que soit réuni un ensemble de principes accepté par tous, comme il est nécessaire qu’il y ait une position commune contre le terrorisme.
On dit que l’offensive militaire menée par l’armée française et les armées de pays africains contre les organisations terroristes au nord du Mali a fait fuir ces derniers vers le sud de la Libye où ils auraient établi leur nouveau sanctuaire…
Les terroristes qui se dirigeaient de la Libye vers le Mali prennent, actuellement, le chemin inverse. C’est-à-dire qu’ils se dirigent, maintenant, du Mali vers la Libye. Je ne suis, donc, pas étonné que le sud de la Libye soit transformé en nouveau sanctuaire des terroristes fuyant le nord du Mali. L’Algérie avait raison quand elle s’était exprimée contre la guerre au Mali. Elle en connaissait les conséquences. L’Algérie a pourtant les moyens de faire face à la nouvelle reconfiguration géographique du terrorisme après l’offensive militaire au nord du Mali. La Libye, elle, ne dispose pas de ces moyens.
La Libye avait, il y a quelque temps, annoncé la fermeture de ses frontières avec l’Algérie. Qu’en est-il?
La fermeture des frontières est chose inutile. Les contrebandiers peuvent, maintenant, se déplacer des deux côtés des frontières par d’autres canaux.
M. A.