«Ils préfèrent la marche car les forces de l’ordre vont intervenir pour l’empêcher, pour montrer à l’opinion nationale et notamment étrangère qu’ils ont en face d’eux un régime répressif et policier.»
Dans une interview qu’il accordée à France 24, le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales a réitéré le principe d’interdiction des marches à Alger, avant de faire une comparaison entre la réalité qui prévaut en Algérie et celle des pays voisins (Tunisie et Egypte). Sans pour autant omettre d’aborder le problème de la lutte antiterroriste contre Al Qaïda au Maghreb et dans les pays du Sahel.
«Le contexte actuel n’a pas joué pour nous, pour la simple raison que l’idée de lever l’état d’urgence est assez ancienne. La dernière fois qu’on en a discuté c’est au cours de l’été dernier. L’état d’urgence n’a pas été levé à cause de ce qui s’est déroulé au mois de janvier écoulé…
Ce n’est pas accidentel, mais ça a peut-être précipité la décision», a précisé le ministre de l’Intérieur, Daho Ould Kablia. Concernant l’interdiction de la marche d’aujourd’hui, à laquelle a appelé la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), le ministre de l’Intérieur a déclaré que «les initiateurs de cette marche n’ont pas encore déposé de demande… Mais sur le principe, je pense qu’elle ne sera pas autorisée… Il y a d’autres moyens de s’exprimer.
Nous savons qu’à travers cette marche ce n’est pas l’expression d’idées ou de revendications qui est avancée. Nous leur avons déjà proposé une salle de réunions pour s’exprimer en toute liberté, ils ont refusé. Ils ont préféré la marche parce qu’ils savent que lorsqu’elle n’est pas autorisée, les forces de l’ordre vont intervenir pour l’empêcher,
c’est ce qu’ils cherchent… Ils veulent une confrontation avec les forces de l’ordre pour montrer à l’opinion nationale et notamment étrangère qu’ils ont en face d’eux un régime répressif et policier». Par ailleurs, le ministre a déclaré qu’«il y a une accélération de toutes les mesures prises pour des réformes en Algérie, dont les revendications essentielles que sont le logement et l’emploi».
«Les révolutions en Tunisie et en Egypte peuvent être récupérées par des forces étrangères»
Interpellé sur la situation dans les pays voisins, il a précisé que «la situation en Algérie est différente de ce qui se passe ailleurs. Nous avons des indicateurs positifs. Les problèmes en Tunisie sont d’une autre nature. C’est une société bipolaire, avec une classe moyenne qui est très à l’aise et une classe populaire beaucoup plus pauvre. Il y a eu un développement déséquilibré qui a touché certaines régions et pas d’autres. Chez nous, la répartition des projets de développement est beaucoup plus équitable…
Il y a des moyens plus importants chez nous». Interpellé pour donner son avis sur ce qui s’est passé en Tunisie et en Egypte, le ministre a déclaré que «les événements en Tunisie et en Egypte ne seront positifs que s’ils se traduisent par une situation qui soit au bénéfice des populations qui ont engagé ces actions…
Ce qui m’inquiète, c’est que ceux qui ont pris en charge la gestion de la transition n’aillent vers d’autres directions qui ne travaillent pas l’intérêt des citoyens, et l’influence extérieure peut faire que les citoyens de ces pays gagnent en liberté, mais pas en souveraineté… Je suppose qu’il y a une ingérence indirecte en faisant développer des slogans qui n’étaient pas ceux auxquels se sont engagés les Tunisiens au départ par exemple».
En ce qui concerne la lutte antiterroriste dans la région du Sahel, Ould Kablia précisera que «la coopération régionale en matière de lutte opérationnelle marche mal, parce que les moyens sont disproportionnés, l’Algérie peut mettre beaucoup plus de moyens que le Mali, le Niger ou la Mauritanie… Par ailleurs, ces pays sus-cités ont des accords avec d’autres puissances qui peuvent nous créer des problèmes d’une autre nature…
Le fait que l’Algérie s’associe avec un pays non concerné directement et qui ne partage pas les mêmes valeurs religieuses peut se retourner contre nous et contre le pays en question». Questionné sur la présence d’unités militaires françaises dans les pays frontaliers avec l’Algérie, l’orateur explique que «s’il y a des troupes françaises à nos frontières, cela ne menace pas l’Algérie, mais peut créer un sentiment de rancœur chez les populations des pays où se sont installées ces unités militaires».
Khaled Haddag