Le 17 septembre et le complot sioniste. L’appel anonyme à manifester le 17 septembre prochain en Algérie a fait réagir le ministre algérien de l’Intérieur Dahou Ould Kablia.
Dans une déclaration publiée jeudi 15 septembre dans le journal arabophone Ennahar, le ministre accuse des « parties étrangères » en relation avec « l’entité sioniste » de fomenter des troubles dans le pays. Il annonce également que l’enquête des services de sécurité prouve qu’il se passera rien ce jour là.
Un appel anonyme circulant depuis août dernier sur les réseaux sociaux, notamment sur Facebook, appelle les Algériens à sortir dans les rues samedi 17 septembre pour manifester contre le pouvoir algérien.
Enquêtes des RG
Préoccupés par cet appel, les services de sécurité ont donc multiplié ces dernières semaines les investigations pour tenter de connaitre les auteurs ainsi que leurs motivations.
Les RG (Renseignements généraux) ont ainsi discrètement interrogé certains animateurs des réseaux sociaux algériens pour recueillir des informations sur cette présumée manifestation.
Ils ont également « musardé » sur la toile pour tenter d’en savoir davantage sur cet appel.
Certains internautes algériens ont confirmé à DNA qu’ils ont fait l’objet d’une surveillance de la part de policiers alors que d’autres ont été sollicités pour fournir des informations sur ce fameux appel.
Ce que confirme à mots ouverts le ministre de l’Intérieur.
« Si c’était des gens de l’intérieur, nous les aurions démasqué et arrêtés, mais les indices nous orientent vers des parties étrangères en relation avec l’entité sioniste », a affirmé le ministre de l’Intérieur sans donner davantage de précisions au quotidien Ennahar.
Le fameux 17 septembre
Selon ce journal, M. Ould Kablia en veut pour « preuve » la date choisie: la signature des accords de Camp David entre l’Egypte et Israël a eu lieu le 17 septembre 1978 et les massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila ont été perpétrés les 16 et 17 septembre 1982.
Un complot sioniste donc…
Au terme de ces investigations, le ministre algérien s’est déclaré confiant qu’il ne se passera rien ce jour-là car selon une enquête menée par les autorités il y a « réticence générale quant à ces appels malveillants ». « Ces appels ne trouvent aucun écho et il n’y aura ni manifestations ni troubles à cette date », a encore déclaré le ministre.
Flicage
Démasquer et arrêter les auteurs de ces appels malveillants, affirme Ould Kablia. Pourquoi donc ?
Des Algériens n’ont-ils pas le droit d’appeler à manifester contre le régime le 17 septembre ou un autre jour de l’année ? Manifester contre le pouvoir serait-il devenu un acte malveillant, séditieux, passible d’arrestation et de traduction devant les tribunaux ?
Les propos du ministre de l’Intérieur trahissent une volonté des autorités de museler l’expression libre à travers des opérations de surveillance et de flicage dignes des années du parti unique.
Si le ministre exclut que l’appel, toujours anonyme, soit l’œuvre d’Algériens, il ne dit pas moins que ce sont des étrangers, de connivence avec des sionistes qui sont derrière ?
Qui sont donc ces étrangers ? Quelle est cette entité sioniste qui s’est liguée contre le pouvoir d’Alger ? Pourquoi le ministre qui a accordé une importance à cet appel en lançant une enquête se garde-t-il de divulguer l’identité des auteurs de ce complot, préférant ainsi se réfugier derrière le très confortable vocable « entité sioniste » ?
BHL, l’ennemi extérieur
A la vérité, le ministre l’Intérieur ne se fait que l’écho de plusieurs écrits relayés autant sur la toile et que dans les colonnes d’une partie de la presse algérienne laissant croire que le philosophe français Bernard Henry Lévy (BHL), natif de la ville de Béni-Saf, dans l’ouest d’Algérie et connu pour ses sympathies avec Israël, serait derrière cet appel.
BHL instigateur d’une prétendue révolte le 17 septembre en Algérie ?
Il n’existe pas la moindre déclaration officielle de BHL ni sur ce fameux appel du 17 septembre ni sur l’Algérie. Si le philosophe et écrivain s’est longuement épanché dans les médias français et internationaux sur la révolte en Libye, si encore il a soutenu à bras le corps les rebelles libyens qui se sont insurgés contre le régime de Kadhafi, il n’a pas fait la moindre déclaration sur l’Algérie. Du moins, depuis que cet appel pour une manif en Algérie le 17 septembre a été lancé.
Le seul « étranger » à avoir publiquement évoqué l’appel du 17 septembre est le porte-parole militaire du CNT, Ahmed Banni, dans une interview accordée jeudi 25 août à la chaîne BBC.
Interrogé sur le soutien supposé accordé par Alger au régime de Khadafi, Banni affirmait ceci : « Tout le monde sait qu’l y a des appels sur Facebook pour manifester le 17 septembre, je suppose… » Sans plus.
Propagande
Le ministre algérien de l’Intérieur est-il alors une autre victime de la propagande lancée sur la toile et dans les colonnes de certains journaux d’Alger ? C’est fort possible.
A voir les arguments qu’Ould Kablia est met en avant pour expliquer la main sioniste (17 septembre 1978, signature des accords de Camp David entre l’Egypte et Israël et 17 septembre 1982, massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila au Liban), l’on est tenté de croire que le ministre de l’Intérieur fait preuve d’une extrême légèreté dans ses accusations.
La main de l’étranger
Main étrangère, entité sioniste, 17 septembre 1978, 17 septembre 1982, les arguments sont, à tout le moins, bancals.
Mai ce n’est tant cette légèreté qui inquiète de la part du ministre de l’Intérieur. Ce n’est pas non plus sa disponibilité à invoquer « la main de l’étranger ».
De par le passé, d’autres responsables algériens se sont exercés à faire appel à cette antienne, la main de l’étranger, pour tenter de justifier ou d’expliquer des troubles en Algérie.
C’est plutôt la détermination du ministre de l’Intérieur à « démasquer « et « arrêter » les auteurs présumés des « appels malveillants » à manifester en Algérie le 17 septembre 2011 qui inquiète.