Ould Kablia : circulez, il n’y a rien à voir au sud !

Ould Kablia : circulez, il n’y a rien à voir au sud !

Le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Daho Ould Kablia, a mis à profit samedi, l’installation des nouveaux walis pour revenir sur la situation dans le sud du pays et déroulé un argumentaire bien huilé.

Ould Kablia



Le ministre de l’Intérieur estime en filigrane de son discours qu’il n’y a pas de chômage au sud du pays. Pas plus qu’il n’y a de problème entre chaambas et mozabites qui pourrissent la vie d’une des plus belles régions d’Algérie. Ni d’ailleurs de corruption à Sonatrach jusqu’à ce que l’onde de choc ne viennent de capitales occidentales.

Le pouvoir cultive l’art d’éluder les problèmes. Ce n’est pas nouveau sous le ciel d’Algérie. Au lieu de tenter d’apporter des réponses, il préfère pousser la poussière sous le tapis. Circulez, il n’y a rien à voir.

Dans son intervention samedi le ministre de l’Intérieur a fait même dire (les a-t-il consulté seulement ?) que les habitants de cette région « reconnaissent que l’Etat fait le maximum pour eux ». Dans un pays où les sondages relèvent de la science fiction, on serait bien intéressés de savoir comment Ould Kablia avance que les gens du Sud sont « reconnaissants » vis-à-vis de l’Etat. Oui, comment le ministre a recueilli les avis des habitants du Sud ? A-t-il fait du porte-à-porte, comme dans ces grands moments de démocratie participative ? Assurément non, puisque ce n’est pas la première qualité de l’actuelle équipe d’écouter la voix du peuple. Donc mystère. Qu’importe ! Pour DOK, « au cours de nos dernières réunions, nous avons observé l’engagement des populations et des notables du Sud pour confirmer leur reconnaissance vis-à-vis de l’Etat et l’engagement à défendre les objectifs du gouvernement au profit de cette région »,a-t-il souligné.

Comme à chaque fois que des manifestations surviennent pour dénoncer le népotisme, le chômage, les passe-droits, le pouvoir sort son arme fatale : les chiffres de ses plans quinquennaux et les milliards qui donnent le tournis, dépensés depuis une décennie. Le ministre de l’Intérieur a indiqué que sur les trois plans quinquennaux (2000-2012), une enveloppe de 495 milliards DA a été dégagée pour toutes les willayas du Sud, dont 122 milliards DA pour la wilaya d’Illizi durant la même période.

Le ministre a également évoqué la réalisation de routes et l’alimentation en eau potable de la wilaya de Tamanrasset à partir de la ville d’In Salah, le lancement prochain de projets du chemin de fer devant relier Bechar à Adrar et Touggourt vers d’autres wilayas du Sud, dans le cadre de la stratégie de développement du Sud. Une batterie de réalisations qui devraient faire taire les grincheux et les opposants ! Non ?

A la lumière de toutes ces « réalisations », Ould Kablia, les populations du sud n’ont qu’à bien se tenir. Concernant les problèmes évoqués par la presse, Ould Kablia a indiqué que ce sont des « sensibilités » et « non pas de problèmes politiques ». « Il n’y a pas de problèmes politiques dans le Sud et ceux qui en parlent sont sur une fausse voie », a-t-il affirmé. Comme du temps du parti unique et du printemps berbère dans les années 1980, Ould Kablia invoque l’unité nationale. « Il y a un seul pays, l’Algérie. On n’oppose pas le Nord et le Sud », a-t-il ajouté.

Ould Kablia défouraille, attaque et d’en prend à ces voix qui s’élèvent de cette région traditionnellement paisible. Bien entendu, pour le ministre il n’y a pas de « problèmes politiques » puisque les gens de ces régions ont tout. Tout le reste n’est qu’accessoire. Les chômeurs bastonnés, arrêtés et condamnés sont dans le tord, estime le ministre. La liberté de manifester ou de donner un avis contraire à la vulgate officielle ne figure pas dans les tablettes du ministre de l’Intérieur qui feint au passage d’ignorer que tous les problèmes des hommes sont pourtant politiques.

Ici comme ailleurs, comme toujours, le pouvoir continue à ignorer les problèmes soulevés par la population, il demeure sourd à ces voix qui pourtant montent subrepticement. A contre-raison il refuse de voir que la société connaît de formidables mutations, devient plus exigeante. Pourtant, nombre d’économistes et de politologues ne répètent : « L’Algérie va droit dans le mur ». Pendant ce temps le pouvoir s’écoute parler.

Hamid Arab