Les recettes financières provenant de la drogue sont estimées entre 400 et 600 milliards de dollars dans le monde et se placent en «deuxième position après la vente d’armes et troisièmes après le pétrole», a déclaré, hier, M. Chebira Mahieddine, économiste, dans une journée d’étude au Conseil de la nation. Cet universitaire qui s’intéresse aussi bien à la question du blanchiment d’argent qu’aux réseaux de la drogue a été invité pour débattre des «répercussions socio-économiques du trafic de drogue».
Plusieurs pays, qu’ils soient d’Asie, d’Amérique, d’Europe ou d’Afrique, tirent un argent fou de ce produit dévastateur. A titre d’exemple, le Maroc qui est un des grands producteurs et qui alimente fortement le marché international, accapare des recettes substantielles de ce trafic. Elles avoisinent les «13 à 14 milliards de dollars par an, soit deux fois les revenus du tourisme», selon des données officielles. La culture du cannabis couvre 51% des revenus des familles marocaines. C’est pourquoi il est difficile d’envisager une reconversion de ces exploitants. Une aide de l’Union européenne, pour réduire indirectement son exportation dans ces pays et ailleurs a été envisagée pour des cultures de substitution dites «alternatives» comme les céréales mais «les superficies réservées au cannabis n’ont pas l’air de diminuer», disent les spécialistes. Il est vrai que les revenus qui échouent dans l’escarcelle des «agriculteurs» ne représentent que 1% des sommes colossales générées par ce «juteux» trafic.
Autre inquiétude des observateurs, les superficies affectées à la culture des diverses drogues «ont tendance plutôt à augmenter de 38%», selon des statistiques de l’ONU. L’effet dévastateur est là, alors que le prix d’un kg de cacao rapporte 2,5 francs CFA dans les pays d’Afrique subsaharienne, la culture du cannabis, elle, permet à l’agriculteur d’engranger cent fois plus, c’est-à-dire 250 francs CFA.
Ces sommes d’argent qui seront recyclées dans les investissement immobiliers, surtout, sont nuisibles à l’économie puisqu’elles induisent «un dérèglement des circuits économiques et financiers», note cet économiste, avec pour résultats un «renchérissement de l’offre, des réajustements monétaires, l’inflation, l’augmentation des taux d’intérêt…»L’exemple nous vient des USA, où l’argent de la drogue a eu pour conséquence une baisse de la productivité évaluée par l’auteur à 110 milliards de dollars. Le gouvernement consacre sur un autre plan 15 milliards à la prise en charge des malades des effets de la drogue mais aussi 18 milliards au dispositif de répression policière ou judiciaire de lutte. Les narcotraficants ont trouvé des moyens astucieux pour recycler leur pactole, à l’image, plus récemment du «rachat en quantité de l’or» ce qui a, en conséquence, fait «flamber le marché». Pour M. Chebira Mahieddine, les mêmes effets produisent les mêmes conséquences et l’ont peut voir les mêmes tendances nuisibles dans le cas de l’Algérie. Ainsi, le conférencier affirme observer «un important mouvement de recyclage de l’argent issu du terrorisme et du commerce de la drogue». Il s’agit de l’achat de biens immobiliers, de bijoux de valeur, de création de sociétés fictives… Ces créneaux sont les supports de ce blanchiment d’argent mal acquis. Le conférencier ne donne pas de chiffre précis sur ce phénomène mais avance pour ce qui est de l’immobilier plus de «200.000 transactions» liées à ces réseaux.