Où en est la « maison de verre » d’Abdelaziz Bouteflika ?

Où en est la « maison de verre » d’Abdelaziz Bouteflika ?

Le pouvoir multiplie les déclarations rassurantes dans la perspective de la prochaine élection législatives.

Lors de son premier mandat, Abdelaziz Bouteflika avait répondu à un journaliste sur la question du terrorisme que l’Algérie est « une maison de verre ». Donc rien à se reprocher ni à cacher.

Les années Bouteflika ont malheureusement démontré le contraire. Contrairement à ses promesses d’ouverture, de respect des droits de l’homme, on a connu un net recul des libertés. Sous prétexte de l’état d’urgence, le pouvoir a empêché les partis d’opposition de s’exprimer, d’organiser des rassemblements, méprisé le parlement, réduit au silence les voix discordantes, et instrumentalisé la justice. Sous le règne de Bouteflika, les libertés ont été mises sous résidence surveillée. « De l’Algérie qu’il avait retrouvée le 15 avril 1999, il ne reste rien, dix ans après. De ce pays qui sortait, debout, d’un combat inhumain contre le terrorisme, de ce pays qui avait retrouvé une raison de croire en lui-même et à qui la résistance à l’intégrisme avait octroyé comme une nouvelle légitimité, ce pays (…) Bouteflika en a fait une terre désespérée, neutralisée, asservie aux derviches et aux aigrefins ». (*)

Exercice de séduction

Quelques années plus tard donc après les promesses du président, voilà ses ministres chargés de vendre ses réformes. Le gouvernement craint la seule inconnue qu’il aura du mal à maîtriser : l’abstention. Aussi, l’alerte est sonné dans les arcanes du pouvoir. Selon Mourad Medelci l’Algérie est « ouverte à toutes les organisations internationales », qu’il s’agisse de « l’Union européenne ou d’autres organisations, souhaitant couvrir les prochaines élections législatives ». Le ministre des Affaires étrangères précise : « Nous sommes ouverts à l’UE et à toutes autres organisations internationales souhaitant couvrir les élections ». Mourad Medelci évoque un travail « pour une transparence totale » lors des prochaines législatives.

Le ministre a aussi souligné que les observateurs seront scindés en deux groupes. Le premier « préparatoire » et le deuxième « opérationnel ». Il a affirmé à ce propos que la mission de l’UE qui se trouve en Algérie, « aura des contacts avec la société civile et travaillera avec tous les secteurs concernés ». Concernant l’affaire de l’assassinat des moines de Tibhirine, c’est Ahmed Ouyahia qui est chargé de rassurer. De dire à qui veut bien le croire que « l’Algérie n’a rien à cacher ». Ouyahia a ajouté qu’elle « a signé des conventions de coopération judiciaire avec la France ». « Notre pays a toujours coopéré avec la justice française sur ce dossier ». Mais qu’est-ce qui fait courir tant nos ministres ? Pourtant font-ils assaut de déclarations toutes mielleuses après avoir longtemps refusé toute immixtion dans les affaires internes ? Car sur ce coup, avouons que le régime a dû ravaler son sacro-saint argument de « fierté nationale » et cet autre « refus de toute ingérence étrangère », ressassé à chaque échéance par le pouvoir et ses thuriféraires. Comme par hasard, on n’entend plus Louisa Hanoune ou les caciques du FLN vétupérer contre la main étrangère. Ont-ils perdu la voix ou plutôt été sommés de taire ?

Au-delà des déclarations lénifiantes des ministres, qu’est-ce qui a changé dans le fonctionnement du pouvoir ? A part la promesse de légalisation d’une nouvelle fournée de partis politiques qu’a fait le gouvernement de Bouteflika pour montrer sa bonne volonté ? Dans les faits, l’espace public a-t-il été affranchi de la ceinture sécuritaire qui l’étouffe depuis 10 ans ? Non. Les médias publics sont-ils devenus si publics ? L’opposition et les organisations autonomes y ont-elles droit de parole ? Non. Le chômage a-t-il baissé ? Non. La justice est-elle désormais indépendante, moins asservie qu’elle l’était ? Non.

Le serpent ne s’est pas mordu la queue. Le régime est le même. Alors que signifie ce petit théâtre des ombres joué devant une population blasée, désespérée ? Il est regrettable d’avouer que le régime gagne du temps, cette élection dont il est manifestement en train d’écrire le scénario, n’est qu’un os qu’il a bien daigné nous donner à ronger en attendant son prochain coup.

Sofiane Ayache

(*) Préface de Mohamed Benchicou de Notre ami Bouteflika, de l’Etat de rêve à l’Etat scélérat, Riveneuve éditions