Pour justifier sa décision de faire revenir la France dans la structure militaire intégrée de l’Alliance atlantique, Nicolas Sarkozy devait faire une triple démonstration : ce rapprochement ne brade en rien l’indépendance nationale ; il ne constitue pas une rupture avec ses prédécesseurs ; enfin, ce retour complet dans l’OTAN n’affaiblira pas la défense européenne.
Le président de la République, qui s’exprimait, mercredi 11 mars, lors d’un colloque organisé à l’Ecole militaire par la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), a longuement insisté sur les deux premiers points, glissant rapidement sur le troisième.
Cette intervention du président, qui précède le débat formel prévu à l’Assemblée nationale le 17 mars, a pris la forme d’une longue réfutation, souvent agacée, des accusations dont il est l’objet.
La plus sensible est celle d’une trahison de l’héritage du général de Gaulle, puisque c’est le chef de la France libre qui avait décidé, en mars 1966, de quitter le commandement militaire de l’Alliance. « Qui peut prétendre savoir aujourd’hui ce que ferait le général de Gaulle ? », a demandé le chef de l’Etat.
Citant à plusieurs reprises Jacques Chirac et François Mitterrand qui, selon lui, ont initié ce rapprochement avec l’Alliance atlantique, M. Sarkozy a longuement évoqué les étapes de ce « processus continu » qui s’est fait « sans le dire » (la France a recommencé à siéger au comité militaire de l’Alliance en 1995). Lui, a-t-il souligné, abat ses cartes dans la transparence.
M. Sarkozy a consacré une grande part de son discours à réfuter l’accusation d’un « alignement » sur les Etats-Unis, et à expliquer que la décision symbolique pour la France de reprendre « toute sa place » dans l’OTAN, ne remet pas en cause l’indépendance nationale. Il n’a pas d’états d’âme à appartenir à la « famille occidentale », et estime que ce serait « folie » que de s’affranchir d’un accord de sécurité avec les Etats-Unis, via l’article 5 (le mécanisme de défense collective) du Traité de Washington.
Visiblement irrité, le président de la république s’est inscrit en faux contre la thèse selon laquelle la France aurait été obligée de participer à la guerre contre l’Irak, en 2003, si elle avait fait partie, à l’époque, de la structure militaire intégrée : « Mensonge ! Mensonge ! Contre-vérité ! », s’est-il exclamé, en faisant manifestement allusion à Dominique de Villepin, alors ministre des affaires étrangères, qui a défendu cette thèse.
ÉCONOME D’EXPLICATIONS SUR LA DÉFENSE EUROPÉENNE
Il est temps pour la France de revenir dans la structure militaire intégrée, a assuré M. Sarkozy, parce que « c’est l’intérêt de la France et c’est l’intérêt de l’Europe », et parce que ce retour « conforte l’indépendance nationale ». Une fois rentrés, a-t-il insisté, nous aurons notre place dans les grands commandements de l’OTAN.
Il n’a pas été plus précis, bien que l’on connaisse l’intention des Américains de confier à des généraux français le Commandement allié pour la transformation (de l’Alliance), basé à Norfolk, et le commandement régional de Lisbonne, chargé de la Force de réaction rapide (NRF).
Le premier est un commandement stratégique dont le rôle est important s’agissant de la modernisation de l’Alliance, alors que le second a perdu de sa pertinence, depuis que les alliés ne sont plus capables d’apporter des contributions militaires suffisantes à la NRF.
M. Sarkozy a été économe d’explications concernant la défense européenne, dont il avait dit, il y a un an, que sa relance était la condition du retour dans le commandement militaire de l’OTAN. « C’est fait », s’est-il borné à constater.
Or, au-delà des petites avancées européennes longuement rappelées par les ministres des affaires étrangères et de la défense, Bernard Kouchner et Hervé Morin, les deux projets qui incarneraient une véritable autonomie de la défense européenne – un quartier général chargé de la conduite et de la planification des opérations européennes, ainsi qu’une agence européenne de défense dotés de moyens substantiels – restent embryonnaires.
Nicolas Sarkozy ne s’est pas montré plus prolixe pour expliquer en quoi le retour de la France dans la structure militaire intégrée permettra une relance de la défense européene, laquelle bute sur une carence de capacités militaires. Si nous ne les développons pas, a-t-il constaté, celle-ci sera « une défense de papier ». Il ne s’est pas davantage appesanti sur le risque, pourtant réel, que les alliés européens interprètent la décision française comme un constat d’échec de la défense européenne.