Ils osent bloquer une batterie de lois soumises par le gouvernement : La revanche des députés

Ils osent bloquer une batterie de lois soumises par le gouvernement : La revanche des députés

Les experts et professionnels invités par les commissions à exprimer leur avis sur les projets de lois, témoignent de l’indépendance des élus.

Plusieurs importants textes législatifs passent difficilement du statut de projets à celui de lois au sens plein du terme. Si pas mal de ministres parviennent à réussir l’exercice de passage, après l’adoption de leurs textes en Conseil des ministres, ensuite par la commission de l’Apn habilitée, pour finir en plénière, votés en bonne et due forme par la majorité des députés, d’autres n’ont visiblement pas la même chance et leur copie fait le va-et-vient entre l’assemblée législative et le pouvoir exécutif. Ces projets, à l’image de celui de la loi sanitaire et plus récemment, celui sur les télécommunications électroniques, n’ont pas passé le cap des commissions. Celles-ci, dont la mission est de plancher sérieusement sur les projets de lois gouvernementales, sont composées d’élus de la nation. On aura compris que la majorité des députés qui y siègent appartiennent aux partis de l’alliance présidentielle. On peut croiser dans ces commissions des députés «novices», dont c’est la première législature, souvent perdus dans leurs papiers et enclins à faire passer tout ce que leur propose le gouvernement. Cela est un fait établi que peu de politiques peuvent remettre en question. Mais ces mêmes commissions contiennent en leur sein de véritables députés aguerris, capables de lire entre les articles d’une loi et débusquer les incohérences, susceptibles de bloquer tout un secteur d’activité. Les débats en commission de l’Apn prennent de l’étoffe à chaque législature. Cela aussi est un fait. Le profil des candidats aux élections législatives est de mieux en mieux «élaboré» et cela peut se voir dans les débats en commission. Même si les animateurs des discussions autour d’un projet, déposé par le gouvernement, ne sont pas nombreux, les quelques voix qui s’élèvent ont le mérite d’exister au sein de l’instance législative. De fait, le texte de l’Exécutif n’est pas vu comme une «affaire à expédier» par certains députés, mais comme un objet de critique. Chaque disposition fait l’objet d’une remarque et lorsque le sujet est trop technique, les commissions n’hésitent pas à faire appel à des spécialistes du domaine de compétence du texte législatif. Avec, en prime, des experts qui apportent la contradiction aux thèses gouvernementales.

Cela contribue à jeter un éclairage nouveau aux intentions de l’Exécutif et permet de déceler des failles. Ce qui se passe réellement, c’est que les députés se «permettent» un panel bien plus large de professionnels pour leur consultation. Cela leur confère une vision plus «panoramique» que celle que leur propose l’Exécutif dans ses projets de lois. En effet, il est assez rare que les ministères qui élaborent des avant-projets de lois sortent du cadre, quelque peu restreint, des conseillers attitrés des départements ministériels. Le regard neuf des commissions de l’APN met la lumière sur des zones d’ombre, que les hauts fonctionnaires des ministères et même le Conseil des ministres n’ont pas bien apprécié.Outre le «forcing» des députés de l’opposition qui siègent, eux aussi, faut-il le rappeler, dans l’ensemble des structures de l’APN, le travail en commission n’est pas ce qu’on pourrait croire. Il existe certes des élus à côté de leurs sujets, d’autres versés principalement dans les petites combines politiciennes et des petites affaires, mais ce ne sont pas ces personnages-là qui font les lois à l’APN. D’ailleurs, les experts et professionnels invités par les commissions à exprimer leur avis sur les projets de lois, témoignent de l’indépendance des élus. Et cette posture ne date pas de la dernière législature.

En 2012 déjà, fait remarquer le directeur de L’Expression, Ahmed Fattani, le projet de loi sur le Code de l’information a été amendé sur sa proposition par la commission. On se souvient que le gouvernement proposait 5 années d’expérience pour prétendre au poste de directeur de publication et accorder la propriété du titre à l’entreprise éditrice. M.Fattani, par la force de l’argument a réussi à convaincre à faire doubler le nombre d’années d’expérience et accorder la priorité du titre au journaliste professionnel et non pas à la puissance de l’argent. Les amendements ont été votés en plénière, contre l’avis du pouvoir exécutif. C’est dire que le député a un pouvoir dans le système politique algérien. Affirmer que ce pouvoir est limité est une évidence. Mais il existe bel et bien et les élus de la nation qu’on accuse de n’exister que pour lever le bras en plénière, bossent sérieusement, pour une partie d’entre eux, tout au moins. Le témoignage de M.Fattani peut être démultiplié, notamment ces derniers mois où les lois assez complexes, faut-il en convenir, sont scrutées à la loupe et renvoyées de manière «amicale» pour une seconde lecture, lorsque l’amendement n’est pas envisageable au regard de certaines incohérences. Cette législature, qui en est à ses premiers mois d’activité, a montré un sens appréciable, pour certains députés, d’une volonté d’exercer un mandat populaire au sens plein du terme. L’appartenance à la majorité parlementaire n’interdit pas la critique d’un texte de l’Exécutif. Ces députés le font dans la discrétion d’une salle de commission parlementaire. C’est leur devoir d’être discrets. Ceux de l’opposition font leur travail de contrôle en commission et le font savoir en plénière. C’est cela la démocratie. Celle de l’Algérie est encore imparfaite, mais elle a le grand mérite d’exister. Pour preuve, les députés prennent leur revanche face à l’omniprésent pouvoir exécutif.

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