L’ère du “parasitisme” économique
L’état de nos ports résume la situation de notre économie : trop dépendante des recettes d’exportation d’hydrocarbures et des importations pour son fonctionnement et l’approvisionnement de la population en biens de consommation. Ces infrastructures saturées constituent toujours un goulot d’étranglement. Elles sont source de surcoûts, résultant des longs délais d’enlèvement des marchandises et, du coup, du mécontentement des opérateurs.
Le port d’Alger, le plus important du pays, illustre de façon plus parfaite la face burlesque de la gestion du pays. Outre la corruption ancrée dans le fonctionnement de certains services, la fréquence des scènes de disparition de conteneurs, l’existence d’activités informelles encouragées par la complicité d’agents de l’État, sans évoquer les scandales récurrents d’enlèvements des marchandises sans dédouanement ou de fausses déclarations de valeur, d’espèce ou de poids qui traduisent in fine l’anarchie et l’absence d’un État fort. Les décisions gouvernementales telles que le Crédoc, bien qu’atténuées par la dernière mesure d’allégement de la Banque d’Algérie, ont non seulement allongé les délais d’enlèvement des marchandises mais aussi pénalisé particulièrement les petites et moyennes entreprises de production et le Trésor avec une croissance des charges accentuées par les insuffisances de la chaîne logistique. Paradoxalement, après plus de deux ans de mise en œuvre, aucun bilan de leur efficacité n’a été dressé.
Au demeurant, au regard de ces tendances dangereuses du commerce extérieur, les centres de décision sont interpellés. En effet, les lobbies de l’importation et de l’informel continuent non seulement de détourner la réglementation à leur profit mais d’imposer leur diktat au marché, entraînant une concurrence déloyale, s’effectuant au détriment des entreprises de production et des intérêts des ménages.
Pis, la situation est devenue telle que le poids des lobbies de l’importation et de l’informel s’apparente à une question de sécurité nationale. En effet, si le pouvoir de décision venait à s’échapper aux gouvernants, c’en est fini du développement durable du pays et des aspirations de l’Algérie à devenir un grand pays émergent.
Mais la situation est bien plus complexe qu’on la présente : une collusion d’intérêts entre certains hauts fonctionnaires, les lobbies de l’importation et de l’informel parasite la gouvernance actuelle du pays, d’où de multiples contradictions dans la panoplie de mesures arrêtées par les pouvoirs publics. Quand bien même les décisions seraient les meilleures au monde, elles passent à la trappe, faute d’application sur le terrain. En fait, le système politique algérien semble fonctionner ainsi : un mode de gouvernance plus préoccupé par la répartition de la rente au profit des puissants que des intérêts suprêmes de l’État, suivant une terminologie officielle. En termes triviaux, la gestion du pays actuelle néglige la prise en charge efficace des besoins de collectivité nationale.
Et tant que ce mode de gouvernance n’aura pas changé, on assistera à cette inflation de mouvements de protestation portés notamment par des cohortes d’étudiants, de paramédicaux, de médecins et autres fonctionnaires qui battent régulièrement ces jours-ci les pavés d’Alger. Il entretient le malaise des citoyens et des entrepreneurs qui n’augure sûrement pas une dynamique économique et sociale, à même d’atténuer les tensions sur l’emploi et le logement et d’ériger l’Algérie en pays prospère au revenu réel par habitant certainement beaucoup plus élevé.