L’affaire de l’Egyptien suspecté d’être un agent de renseignement pour le compte d’un organisme non déterminé, injecté en juillet 2008, sous le déguisement de travailleur contractuel, dans le complexe pétrochmique d’Arzew, sera devant la justice le 27 novembre.
Mohamed Ahmed Mohamed Ibrahim, 27 ans, condamné, le 16 novembre 2009, à 15 ans de réclusion pour «espionnage», sera rejugé par le tribunal criminel d’Oran, aux côtés de sa complice, une Algérienne originaire de Sétif, qui avait écopé, elle, de 10 ans d’emprisonnement pour « trahison ». L’affaire retourne devant le tribunal suite à un double pourvoi en cassation formé par les accusés et le parquet général.
Le premier procès s’était achevé par la reconnaissance des deux mis en cause comme coupables, preuves matérielles à l’appui, mais, toutefois, avec plusieurs zones d’ombre non dissipées. Parmi les questions restées alors sans réponse, trois sont fondamentalement importantes. Pour qui, quel circuit de renseignement, quelle institution, quel Etat… roulait ce présumé espion au scaphandre ? Quelle est la valeur, la pertinence et l’usage projeté des photos -travail d’amateur en somme- prises en sa possession, le corps du délit ?
Quelle est la relation excate de ce collecteur d’infos avec sa présumée complice, une mère au foyer résidant à Sétif, et en quoi consistait le rôle de celle-ci ? A l’évidence, ce ne sont pas ces pistes non suffisament éclairées ou carrément inexplorées sur lesquelles s’était basée la défense pour se pourvoir devant la cour de cassation, mais plutôt sur des points de droit, des aspects procéduraux.
D’après les faits consignés dans le dossier d’accusation, ce jeune Alexandrin de 24 ans est entré en Algérie le 2 juillet 2008 pour officialiser un contrat de travail avec une entreprise égyptienne, dénommée Sub Sea Petrolio Services, un sous-traitant de la filiale Société de gestion des terminaux d’hydrocarbures (STH), de Sonatrach. Plongeur sous-marin, il est spécialisé dans les manoeuvres de montage, entretien et réparation en milieux poreux et marin.
Au niveau de la zone pétrochimique du port d’Arzew, il intervenait notamment sur les pétroliers, les méthaniers et le dock flottant. A peine a-t-il bouclé trois mois dans ce chantier naval et pétrolier qu’il sera dans le point de mire de la sécurité portuaire. Deux faits ont éveillé les soupçons autour de cet étranger.
Deux colis postaux qui lui ont été envoyés, portant le nom du destinataire, «Mohamed El-Askandarani El-Ghaouas» (Mohamed l’Alexandrin le plongeur), et une valise qu’il devait recevoir de la part d’une amie.
Comme il ne pouvait pas quitter l’enceinte portuaire sauf cas urgent bien précis, il chargeait tel ou tel collègue de travail d’aller lui ramener les colis du bureau de poste de la ville et également un porteur de courrier travaillant comme receveur d’autocar dans la ligne interwilayas Sétif-Oran. Un agent de sécurité n’a pas hésité à informer ses supérieurs sur le comportement du technicien égyptien. Mis en filature et sous écoute, une souricière lui sera tendue.
Le 21 octobre 2008, le porteur de courrier sera arrêté en possession d’un CD qui, après exploration, s’est avéré contenir douze photos de sites stratégiques du complexe pétrochimique et des infrastructures portuaires d’Arzew, interdites à la photographie.
Le «messager» qui devait remettre le CD de l’Egyptien à la même femme qui l’avait chargé d’acheminer la valise à l’expéditeur, dit ignorer complètement le contenu et la nature du CD. Selon lui, il n’a fait qu’acheminer un colis d’un client à un client, comme le font beaucoup de chauffeurs de taxi et de receveurs de bus.
Grâce au numéro de téléphone, l’expéditrice de la valise a été identifiée puis arrêtée. C’est une femme au foyer, résidant à Sétif, mère d’un enfant d’un an et demi. Les cadeaux alléchants que cette femme envoyait à l’Egyptien, dont des parfums de marque, une valise contenant des habits de luxe pour la dot de la soeur de l’Egyptien, une somme de 1.000 euros pour que ce dernier puisse réhabiliter son appartement à Alexandrie, ont conforté les doutes des enquêteurs.
Houari Saaïdia