La troisième et dernière journée du colloque international sur les générations engagées et les mouvements nationaux au Maghreb, qu’a organisé à Oran le CRASC, a abordé l’apport et l’engagement des artistes algériens dans la lutte pour la préservation du lien social et identitaire ainsi que l’affirmation du nationalisme chez les Algériens durant la période coloniale.
A ce propos, Mme Anissa Bouayed de l’université d’Aix-en-Provence (France), citée par l’APS, dira dans sa conférence «Entrée en peinture au moment de la guerre de libération nationale» que cette «résistance culturelle» s’est illustrée par le combat contre l’esthétisme colonial dans lequel se sont engagés les artistes algériens dont les trois peintres Choukri Mesli, M’hamed Issiakhem et Mohamed Khadda. Ces trois artistes ont d’abord prôné la rupture avec l’école orientaliste, d’inspiration colonialiste, avant de proposer un style et un esthétisme au service de la cause nationale, expliquera l’universitaire. Nés durant les années 1930, les trois artistes peintres ont subi à l’instar d’autres figures de la culture et de l’art algériens, comme Mohamed Dib et Kateb Yacine, le «choc» des massacres du 8 mai 1945 perpétrés par la soldatesque coloniale, a expliqué la conférencière.
Toutefois, si ces trois artistes sont, en effet, représentatifs de la «génération de la guerre» qui, en prônant la rupture avec l’ordre colonial et ses représentations, ont fait leur choix d’hommes et d’intellectuels, ils ne sont pas les chefs de file dans ce combat, expliquera Mme Bouayed. Car le radicalisme anticolonial fut porté dès le début du XXe siècle par les deux frères Racim, Omar et Mohamed. Les positions politiques de l’aîné des Racim lui ont d’ailleurs valu un emprisonnement de près de dix années dans les geôles coloniales. Il faut cependant souligner que le combat pour la préservation des repères identitaires et culturels s’est poursuivi même après l’indépendance.
Car il s’agissait d’agir et de réagir contre l’entreprise d’acculturation et de déculturation du peuple algérien érigée en politique par le colonisateur. C’est dans cette perspective que s’est inscrit le mouvement artistique «Aouchem» constitué par, entre autres, Khadda, Mesli, Issiakhem, Baya, Benanteur, Abdoun, Saïdani, Benbaghdad, Dahmani et Chegrane. «Comment être un artiste algérien, faire de l’art algérien, développer une culture ancrée dans le terroir, renouer avec sa mémoire et les traditions culturelles sans régression et sans rester dans le folklore.»
C’est ce qui a marqué la production picturale du défunt Khadda, a témoigné lundi dernier à Alger son épouse Nadjet Khadda. «Aouchem» (en arabe dialectal «tatouage», qu’on retrouve chez les vieilles de la paysannerie algérienne, NDLR) défendait une peinture non figurative qui s’inspire de ces signes propres à la culture populaire algérienne et utilise des supports empruntés au quotidien du peuple. La première exposition du groupe Aouchem a eu lieu en 1967. Mais d’autres artistes ont dénoncé cette «appropriation» par un groupe de symboles qui appartiennent à tous. Une polémique s’ensuivra, sans pour autant atténuer la portée de l’action. Bien au contraire, un débat autour de la culture et de l’identité est né. C’était un bon début…