«Même dans les pays les plus libertins on ne voit pas de séquences insolentes auxquelles nous assistons impuissants», a regretté une femme d’un certain âge.
Se mouiller les gambettes dans la mer est l’un des loisirs «démocratiques et populaires» depuis la nuit des temps. Rien de tout cela n’est perceptible dans la quasi-totalité des plages d’Oran et ce, à la faveur des changements comportementaux. Ce droit «inaliénable» risque de se transformer en un luxe inaccessible. Profiter des ressacs de la grande bleue est devenu un véritable casse-tête chinois pour tous les citoyens lambda.
Aucun des baigneurs ni des estivants ne termine sa journée telle qu’il l’a souhaitée: dans la paix. A Oran, les difficultés se multiplient à commencer par la sempiternelle problématique de la circulation. Se rendre d’Oran-ville aux plages de la côte Ouest n’est, dans la plupart des cas, pas une mission aisée. Emprunter la route de la corniche inférieure ou celle de la corniche supérieure est synonyme à l’exposition aux interminables bouchons de circulation en pleine chaleur. Les routes, à la fois exiguës et dangereuses, n’empêchent pas les chauffards d’imposer leur diktat en s’adonnant à des jeux et des courses souvent aux conséquences irrémédiables.
Coup de volant, dépassement et autre manoeuvre dangereuse obligeant les «petits» chauffeurs et piétons à se ravaler sur la droite de peur d’être percutés ou fauchés. Du mythique fort Lamoune jusqu’à l’entrée de la somptueuse plage des Andalouses, le même constat est à relever: la circulation est bloquée sur plusieurs tronçons.
Le diktat des «parkingueurs»
Les bonnes plages autorisées à la baignade sont tellement exiguës qu’elles n’arrivent pas à contenir les nombreux vacanciers qui y affluent chaque jour. Cette situation fait souvent la bonne affaire des «parkingueurs» qui tirent d’énormes dividendes. Pour preuve, ils se disputent les espaces à transformer en parkings aux espaces à louer dès la rentrée en vigueur de chaque saison estivale. «Aucune réclamation n’est permise ici, payer et se taire sinon la matraque fera l’affaire», a déploré un estivant rencontré sur la plage des Andalouses.
Dans les plages de la côte ouest d’Oran, peu de parkings sont gérés légalement, le reste, partagé par des bandes de voyous, est constitué de parkings illégaux. «Chaque saison, les mêmes problèmes et les mêmes histoires reviennent», ont déploré plusieurs estivants. Cela se passe au su et au vu des autorités locales. Bien qu’ils affichent «parkings gardés», ces «parkingueurs» ne gardent que les grandes recettes qu’ils engrangent sans se soucier des centaines de voitures qui stationnent. «Ici, nous sommes obligés de guetter et de surveiller nos véhicules, ces pseudos gardiens nous oublient dès qu’on leur verse la dime imposée», a affirmé un autre estivant venu de la wilaya d’Alger.
Ce n’est pas tout. Le manque de commodités est long à énumérer, à commencer par l’inexistence de l’éclairage dans plusieurs plages alors que le nombre de sanitaires installés ne répond pas aux attentes des estivants tellement il est limité. Ajouter à cela la question de la salubrité publique.
Cette problématique n’est pas près de connaître un épilogue heureux tant que la responsabilité est partagée par certains estivants qui manquent grandement de civisme et des pouvoirs locaux figés dans leur passivité et le laisser-aller. Toutes ces taches noires n’empêchent pas les estivants à se hasarder.
L’absence de civisme, l’ignorance de certains estivants gagnent du terrain. Ils prennent de l’ampleur à la faveur du laisser-aller et de la passivité des autorités censées réprimer tout acte pouvant porter atteinte à la bienséance de centaines de familles. Nos plages ne sont plus pudiques.
Troubles de l’ambiance estivale
Des dizaines d’estivants bafouent «royalement» tous les interdits dont l’arrêté de la wilaya qui stipule l’interdiction du port du maillot de bain en ville et dans les agglomérations. Cette interdiction, qui est toujours en vigueur, a été décrétée depuis les années 1960.
Son application est tributaire de l’humeur de toutes les autorités. Ainsi, des jeunes, se mettant torse nu, sillonnent les artères et les rues des différentes localités du chef-lieu de la daïra de Aïn El Turck. Jusque-là tout va bien. Mais des dizaines d’autres estivants, voire des centaines, déambulent dans les villes côtières presque tout nus, hormis les petits maillots de bain. Ces scènes à la fois insolentes et désagréables alimentent davantage le mécontentement des familles, qui ne cessent de crier à l’abandon en revendiquant la mise en application de la loi. «Même dans les pays les plus libertins, on ne voit pas de séquences insolentes auxquelles nous assistons impuissants», a regretté une femme d’un certain âge, ajoutant que «dans un passé récent, les transgresseurs de la loi étaient remis à l’ordre par les gendarmes et les policiers, sinon au pire des cas, ils étaient passibles d’une amende».
«D’où sont venus ces comportements qui ne sont pas les nôtres?» s’est-elle demandé, recommandant «la nécessité de réprimer sévèrement ces va-nu-pieds qui empestent nos journées en circulant en maillots de bain et les pieds nus». De tels comportements sont tellement banalisés qu’ils sont en passe de se transformer en standards nationaux dans une société, certes, ouverte d’esprit, mais tant pudique et réservée. Les aveux ponctués par des dénonciations tombent à flots. Les Oranais sont écoeurés de voir leurs plages, rues et ruelles, restaurants, bars et hôtels transformés en boîtes sordides abritant tous les maux.
Le grand péché: le bikini
Tous les maux se «conjuguent» dans la station balnéaire de Aïn El Turck. Cette ville touristique, par excellence, bat chaque année tous les records.
Les fléaux antisociaux ne manquent pas. Les dénonciations aussi. «Nous n’interdisons à personne la baignade, mais que ces estivants nous respectent», a recommandé un sexagénaire qui garde intacts les bons souvenirs de la baignade d’antan. «Nous attendions impatiemment l’arrivée de la saison estivale pour accueillir nos visiteurs que nous servions dans un respect mutuel», a-t-il ajouté. «Rien de cela ne reste dans les temps dits modernes», a-t-il regretté.
Et une autre femme de lui emboîter le pas en affirmant que «j’ai aperçu un couple déambulant en maillot de bain en plein milieu de la ville».
Le tremblement de terre qui a frappé dernièrement Alger et ses environs a, contre toute attente, ravivé les «humeurs» et les «appétits» de ces intégristes qui ne se lassent pas de «décréter» leurs «interdits» et leurs «haram» qu’ils inventent tout en tentant de les mettre en oeuvre, quitte à user de violence. Ils commencent par s’inviter «diplomatiquement».
Peu de femmes bravent leurs lois, des centaines, voire des milliers, se sont soumises avant qu’elles soient soumises. Si du côté masculin, la tenue de plage est standardisée autour d’un short de bain, la femme a l’embarras du choix en optant pour la djellaba, maillot de bain et bikini. «Un mec barbu a voulu m’apostropher pendant que je portais mon bikini, il s’est tu et a changé de place, lui est ses compagnons, lorsque je l’ai menacé de déposer plainte», a affirmé une jeune femme résidant en France, venue en vacances en Algérie.
Là est un cas rare qui ose s’affirmer, elle est traitée de tous les noms d’oiseaux dès qu’elle est vue portant un…bikini. Elle est dévisagée des pieds à la tête par tous les estivants qui l’entourent.La jeune ressortissante hausse le ton en affirmant: «Je ne renonce pas au port de mon deux-pièces, ceci dit je m’installe là ou je veux, me mettre dans la tenue dans laquelle je me sens à l’aise et tant pis pour ces frustrés qui me dévisagent à longueur de journée.» Et d’ajouter: «Heureusement que je connais des gens qui partagent mes idées sinon je serais prise à partie là où je passe.».