Oran : La pagaille des constructions illicites

Oran : La pagaille des constructions illicites

Malgré le gigantesque programme de construction de logements initié par le gouvernement, le phénomène des constructions illicites ne cesse lui aussi de prendre de l’ampleur dans toutes les villes du pays et c’est le cas aussi à Oran et particulièrement à la limite du périmètre urbain de la ville. les concentrations les plus importantes se situent dans la zone d’El Hassi, Coca, Pont Albin, Chtaïbou, cité Amal et surtout Sidi Chahmi, sans oublier le hameau du stade Habib Bouâkeul et enfin à proximité du cimetière de Aïn Beïda où la construction illicite est favorisée par le raccordement de l’énergie électrique par Sonelgaz.

Ce regroupement illicite se caractérise aujourd’hui par un préjudice d’abord à la circulation automobile et ensuite à l’environnement par le dégagement quotidien dans la nature des eaux usées, sans pour autant que les responsables concernés n’interviennent pour mettre un terme à ce genre de violation de la loi. Les différentes tentatives timides et pour la forme, menées dans le passé par les autorités locales pour mettre fin à ce phénomène sont restées vaines.

En effet, il a été constaté qu’à chaque fois qu’une zone est soumise à un contrôle, les constructions illicites réapparaissaient dans d’autres parties de la périphérie urbaine. Même dans la zone d’activité (zone industrielle) de Misserghin, dans la zone de Saint Pierre, une cinquantaine d’habitations illicites sont apparues depuis peu. L’objectif, à chaque fois, est mettre l’Etat devant le fait accompli.

Selon des responsables de l’urbanisme contactés, pour mettre fin aux constructions illicites, il est indispensable, disent-ils, de placer ce phénomène à un niveau régional dans un plan d’affectation et d’utilisation des sols à court à et à long terme. Les responsables reconnaissent que les actions ponctuelles menées jusque-là se sont toutes avérées inefficaces. Ils ajoutent que la mise en place de ces plans, leur application et leur suivi rigoureux ne devra laisser aucun espace marginalisé, non affecté qui risquerait d’accueillir ce type d’urbanisation sauvage.

Parallèlement à ce schéma général, une étude de tous ces noyaux devrait aboutir à une meilleure connaissance de ce phénomène et des mécanismes qui lui ont donné naissance, ce qui permettrait sans doute d’apporter des solutions pour mettre un terme à son existence. D’ailleurs, ce phénomène s’est transformé en fait accompli devant tous les responsables concernés.

Des constructions illicites en location

Le phénomène des constructions illicites est devenu aussi un business. Les  » constructions  » sont vendues et revendues, d’autres en location, une vraie mafia s’est érigée qui gangrène la vie sociale en Algérie, face à des autorités impuissantes, devant ce phénomène, qui a même impliqué des élus locaux, dont certains ont favorisé l’illicite pour gagner des voix lors des élections.

Approchés, un groupe de citoyens a déclaré que les vrais coupables de cet illicite qui a clochardisé Oran sont les élus des assemblées APC et APW qui par leur inertie ont permis ce phénomène. D’autres citoyens, nous ont indiqué que des élus et d’anciens membres de l’autorité locale ont eux aussi occupé illégalement des biens, ont construit aussi sans acte de propriété, ni permis de construire, des villas, des carcasses et des locaux à usage commercial.

Le premier noyau de cette concentration d’habitat illicite est apparu sur les terres rocheuses et marginalisées, puis s’est étendu peu à peu sur les terres forestières, comme c’est le le cas de Canastel et El Hassi (Coca) et enfin sur les terres agricoles publiques avoisinantes. Le choix de ce site reculé et caché s’explique d’abord par le souci d’échapper à tout contrôle administratif, et aussi celui de conserver partiellement le mode de vie rural. La majeure partie des occupants des constructions illicites, est venue d’autres wilayas, certains ont même donné en location leurs terres agricoles et leurs maisons, pour rejoindre la grande ville, acquérir un véhicule pour s’adonner au transport clandestin.

Des regroupements par origine géographique

Les origines géographiques de nouveaux venus sont très diverses : Oranie, centre et centre-est du pays, les hauts plaines, l’Atlas saharien, pays limitrophes (Maroc) et émigrés. Ce phénomène a favorisé aussi des regroupements en plusieurs noyaux qui se sont constitués en fonction de l’origine géographique. Ainsi, les originaires de l’Oranie se regroupent dans la zone appelée  » Ronka « , ceux des Hautes Plaines (essentiellement Tiaret) dans une partie appelée  » Oued Tiartia « , et ceux de Setif, de Naâma, de Saïda, et d’El Bayadh se regroupent dans la partie centrale de Pont Albin appelée  » El Hassi « .

L’exemple de la population du Pont Albin est édifiant à plus d’un titre. Déjà en 1987, cette population s’élevait à environ 5000 habitants soit 0,8 % de la population totale de la commune d’Oran. La pyramide des âges de cette population est une image réduite à celle de l’ensemble de l’Algérie (une base très large et un sommet pointu). Le taux des personnes mariées était de 34 % et le nombre d’enfants scolarisés très élevé. Le nombre de construction illicite était s’élevait à 773. Les surfaces des habitations varient de 100 à 1000 mètres carrés.

Quelle est la situation aujourd’hui après 28 ans ? Personne n’est capable de donner des statistiques ni de donner des raisons objectives qui ont permis aux constructions illicites de s’étendre à l’infini et pour cause les responsables et les élus de cette époque ne sont plus là aujourd’hui pour expliquer quoi que ce soit.  » Qui devrons nous accuser de cette carence et de cette fuite en avant des responsabilités  » s’interroge un membre de l’autorité.

Trafic en tous genres

Pour un grand nombre d’occupants illégaux de terrains domaniaux, leur seule justification est leur  » droit au logement « . Certains justifient l’occupation et l’appropriation avec des actes sous seing privé, n’ayant aucune valeur légale. D’autres sont des locataires de leur habitation. Beaucoup sont ceux qui ont profité de l’absence de l’autorité pour s’approprier des terrains et y construire des maisons destinées à la revente ou à la location, au mépris de la loi. Le cas de Haï Bouâmama, (El Hassi), où une personne, se prétendant  » influente  » s’est accaparée un terrain de 3000 m2, pour le revendre ensuite en lots de terrain à bâtir, en promettant à ses acheteurs de les régulariser ensuite. Cette personne est connue à Oran, pour avoir profité du beurre et de l’argent du beurre.

Dans cette pagaille générée par l’illicite, seuls les bons citoyens, respectueux des lois, continuent de souffrir du défaut de logement ou pour d’autres en attente depuis des années de la délivrance d’un permis de construire. La plupart se retrouvent aujourd’hui ballottés par une bureaucratie réfractaire aux bonnes volontés et aux méthodes légales.

Les nouvelles autorités de wilaya ne cessent, il est vrai, de prendre un certain nombre de décisions de nature à contenir ce phénomène en essayant dans certains cas de démolir et de reloger, dans d’autres d’apporter des aménagements, ailleurs de régulariser etc… Mais la tache s’avère difficile et ardue tant le phénomène a pris au fil des ans une ampleur gigantesque.

Pour rappel, il aura fallu d’importants renforts des services de sécurité pour permettre aux engins de la commune d’Oran, d’investir la forêt dite de « Coca », à la périphérie d’Oran, et certaines zones de la Corniche supérieure, pour entamer l’opération de démolition des constructions illicites érigées sur le domaine forestier. Dans la daira de Gdyel, 295 constructions illicites, tous types confondus, ont été détruites par les autorités locales, au douar Douma dans la commune de Ben Fréha.

Dans le secteur urbain de Bouamama, à l’ouest d’Oran, Les services de la daïra d’Oran ont procédé à la démolition des constructions illicites. 400 familles ont ainsi été relogées dans des logements neufs à Hai El Yasmine à l’est d’Oran. Les exemples sont nombreux de démolitions-relogements alors que la poussée de construction anarchiques n’a pas cessé pour autant.