Enquête réalisée par Mehdi Mehenni
En quoi consiste la mission d’une commission de daïra, si lors d’une opération de relogement, une famille occupant quatre cellules bénéficie de 18 logements et d’autres familles nombreuses se retrouvent entassées dans des F2 et F3 ? A quel critère obéit une telle opération si un célibataire bénéficie d’un appartement et deux familles se voient partager un seul toit ? L’opération de relogement de Diar-El-Kef, à Bab-El-Oued, en septembre 2011, suscite des interrogations.
Faut-il préciser, qu’au départ, un recensement officiel datant de 2006 révèle que le site de Diar-El- Kef, situé dans la commune de Oued Koreich, daïra de Bab-El- Oued, dans la wilaya d’Alger, comptait 270 cellules, dont 25 de construction illicite, occupées par 315 familles. Vu l’extrême exiguïté de ces demeures qui datent de l’ère coloniale, les autorités locales préfèrent employer le terme «cellule» plutôt qu’«appartement» ou «logement ». Avant la dernière opération de relogement de septembre 2011, le site a connu deux opérations de recasement, ce qui n’a, d’ailleurs, point contribué à faire diminuer le nombre des familles occupant ces habitations précaires. La preuve est que, outre le nombre de constructions illicites qui est passé à 67, l’opération de septembre 2011 a ciblé 333 bénéficiaires dont 89 relogés sur place (dans des appartements réaménagés) et 242 recasés hors site, dans la somptueuse et récente citée de Aïn Melha, à Gué-de- Constantine. Parmi ces bénéficiaires, 37 ont refusé de rejoindre les appartements aménagés à Diar El Kef et exigent d’être affectés hors site, 8 ont, par contre, rejoint les nouveaux appartements mais sans libérer les anciennes cellules, et 26 autres ont rejoint leurs nouveaux logements à Aïn Melha, tout en laissant des membres de leurs familles occuper leurs anciennes cellules. La Wilaya d’Alger a d’ailleurs accusé réception le 21 novembre 2011 d’une pétition où les mécontents de l’opération relogement de Diar-El-Kef crient à l’injustice et font état de graves dépassements.
L’imam et les 18 logements
Dans cette pétition de 42 signataires, dont le Soir d’Algérie détient une copie, il est signalé que le président du comité du quartier de Diar-El-Kef, avec qui l’APC de Oued Koreich et la daïra de Bab-El-Oued (la commission) ont coordonné l’opération de relogement, a pu obtenir 18 logements pour l’ensemble des membres de sa famille qui n’occupaient pourtant que quatre cellules. Le président de ce comité de quartier, dont la fonction officielle est imam et qui logeait dans une baraque érigée sur une terrasse, a bénéficié d’un F4. Sa mère, qui vit seule, a eu droit à un F2, selon toujours le même document. La liste des bénéficiaires arrêtée par la circonscription administrative de Bab-El-Oued à la veille de l’opération de relogement, et dont nous détenons-également une copie, le confirme. Mieux encore, une famille occupant 2 cellules s’est vu attribuer 6 logements et une autre habitant une cellule a bénéficié de 5 logements. Sur quel principe a été effectué le démembrement familial qui consiste en le relogement d’une partie de la famille hors site et de l’autre sur place ? Car ce principe obéit d’abord à une certaine équité qui prend en considération le nombre des membres de chaque famille, leur situation patrimoniale… S’il convient de prendre comme exemple cette vieille dame paralysée qui vit avec ses trois filles et ses cinq garçons et qui n’a bénéficie que d’un appartement F4, alors que plusieurs célibataires ont eu droit à un logement, comme l’attestent les documents en possession du Soir d’Algérie, sur quelle base a-t-on procédé ? Surtout que selon lesdits documents, une autre dame a bénéficié, elle, son fils et ses deux filles de 3 appartements dont deux hors site, à Aïn El Melha.
Entre la daïra, l’APC et le comité de quartier
Comment un citoyen qui a déjà bénéficié d’un logement social, et un autre qui a bénéficié d’un lot de terrain puissent chacun être relogés lors de cette opération ? Comment quelqu’un qui n’habite pas le site puisse, à son tour, bénéficier d’un appartement et comment encore peut-on attribuer à un célibataire de 30 ans un logement et mettre en même temps trois personnes, entre frères et sœur, dont la moyenne d’âge est de 40 ans, sous un même toit ? Surtout que la liste des bénéficiaires arrêtée par la circonscription administrative de Bab-El-Oued compte au moins 20 célibataires. Comment, enfin, attribue-t-on un logement sur site au cinquième étage à une dame de 80 ans vivant seule, alors que des appartements au rez-de-chaussée ont été attribués à des célibataires et à de jeunes couples ? Et la liste des anomalies du genre est encore longue. Cela renseigne sur le flou qui a entouré cette opération, le cafouillage qui a caractérisé son organisation et les passe-droits qui prédominent dans la répartition des logements. Cela amène également à s’interroger sur le rôle de la commission de la daïra de Bab- El-Oued dans l’organisation de cette opération. Si les membres du comité de quartier ont profité pleinement de leur position et de leurs contacts quasi permanents avec l’APC de Oued Koreich et la daïra de Bab-El-Oued pour bien se servir, qu’en est-il des autres familles marginalisées ? Affaire à suivre…
M. M.