Les années se succèdent et se ressemblent pour les rapports de la Cour des comptes sur la situation budgétaire du pays : les dysfonctionnements et les irrégularités continuent de souiller la gestion des ressources financières de l’Etat sans que cela inquiéter personne. Le laxisme et l’incurie se sont érigés, semble-il, en système de gouvernance.
L’Année dernière, la Cour des comptes a épinglé dans son rapport relatif à l’exercice budgétaire de l’année 2010, plusieurs départements ministériels et leurs démembrements sur les dysfonctionnements qui les caractérisent, notamment en matière de gestion des projets de développement.
Des dépenses fiscales de 430 milliards DA au niveau du ministère des Finances sans justificatifs, la tolérance à l’égard de l’informel et des contribuables défaillants, des surcoûts, des faiblesses dans le recouvrement des recettes générales de l’Etat qui totalisent, à fin 2010, 7 713,99 milliards DA, des subventions accordées illégalement à des associations, des crédits mobilisés pour des organismes non encore crées et détournements de projets de microcrédit, etc., sont autant de récriminations enregistrées par la Cour des comptes.
Mieux encore, nous sommes régis par un système déclaratif, les services des impôts, relève la cour, n’ont pas les moyens de vérifier la véracité des déclarations qui s’apparentent beaucoup plus à celles sur l’honneur.

En fait, ce sont les mêmes griefs qui ont été retenus contre les différentes institutions, lors de l’élaboration du rapport sur l’exercice budgétaire de 2011, avec cette précision que le document est allé au fonds des choses et en faisant dans le détail. En ce sens que les magistrats de la Cour des comptes ont passé au crible chaque secteur et ses subdivisions. Même le sport n’a pas échappé à ses griffes, alors qu’elle ne s’y attardait pas auparavant. C’est ce qui explique que le document est plus volumineux que le précédent.
On se souvient que l’année dernière, le ministre des Finances a reconnu qu’il y avait des dysfonctionnements, mais a promis de les corriger pour que cela ne se reproduisent plus, et moderniser les administrations sous sa tutelle. A propos des surévaluations des projets, dont les chiffres donnent le tournis, Karim Djoudi avait affirmé que plus aucun projet ne sera mis en chantier sans que son étude ne soit mûrie et ficelée.
Cependant, force est de constater que rien n’a été fait, sinon très peu. Autrement l’institution de contrôle des administrations publiques ne se serait pas donné tout ce mal et serait certainement passé à autre chose. D’ailleurs la Cour des comptes a été plus loin en accusant de manière indirecte l’administration fiscale de corruption, en relevant qu’il y a eu octroi d’avantages fiscaux indus, sans pour autant identifier les bénéficiaires.
Rien d’étonnant, la corruption est un acte décriminalisé par la loi de 2006, emboîtant le pas à l’amendement du code pénal de 2001 élaboré par Ahmed Ouyahia, alors ministre de la Justice Garde des Sceaux. Même si les peines encourues par le corrupteur et le corrompu atteignent les 20 ans de prison ferme, ils échappent à la réclusion criminelle, ce qui n’est pas pareil. C’est dire si certains textes de la république n’entachent pas sa crédibilité et battent en brèche tous les discours, qualifiés par beaucoup d’acteurs politiques de professions de foi.
Cela est démontré également par les dernières déclarations du premier argentier du pays qui, à l’occasion du débat sur le projet de loi d’orientation budgétaire, est allé jusqu’à soutenir son directeur des impôts en affirmant que les 8.000 milliards de dinars d’impôts non recouvrés sont irrécupérables et donc à inscrire dans le registre des pertes et profits. Ce qui est scandaleux. Il démontre que la force de l‘Etat est loin d’être rétablie. Parce qu’un Etat fort et de droit ne l’est que par l’application stricte et rigoureuse des lois.
D’ailleurs, on se souvient qu’un responsable en charge de lutte contre la corruption avait affirmé que 60% seulement des élus locaux ont fait leur déclaration de patrimoine. Ce qui est une violation flagrante de la loi qui dispose que tout élu est dans l’obligation de déclarer ses biens, celui des enfants et époux et/ou épouse dans le mois qui suit son élection. La déclaration doit être affichée à l’entrée de l’APC ou l’APW et lisible pour les citoyens. Cela signifie que 40% de ces élus sont passibles de poursuites judiciaires qui n’ont pas été engagées. Un laxisme qui ne s’explique guère.
Faouzia Ababsa