Le sommet qui se tient aujourd’hui à Abuja ne fait pas que préparer la guerre, il s’agit aussi d’un conseil de médiation en plus d’un conseil de sécurité Abdelkader Messahel y représentera le président de la République Abdelaziz Bouteflika pour porter son message aux présidents de la CEDEAO et du Nigéria. Un message, pas forcément une caution !
verra un certain nombre de pays non ouest-africains rejoindre ceux de la CEDEAO pour participer à une concertation sur les voies et moyens de résoudre la crise du nord du Mali, occupé par divers groupes armés depuis le mois d’avril dernier.
Une séance de travail dans le prolongement de celle qui a débuté hier entre les 15 pays membres de la CEDEAO qui se penchent depuis des semaines sur l’élaboration du format d’une intervention militaire susceptible de libérer les régions maliennes occupées. Comme exigé par le Conseil de sécurité de l’ONU avant toute résolution avalisant ladite réponse régionale par les armes.
Du rang de chefs d’Etat, les discussions du Conseil de Médiation et de Sécurité de la CEDEAO pourraient aboutir à une feuille de route marquant un tournant dans la préparation de la riposte militaire.
Paradoxalement, sont conviés des pays comme l’Algérie qui n’ont jamais adhéré à ce plan de sortie de crise en lui opposant l’approche du dialogue, distinguant les groupes affiliés au terrorisme international à combattre et la rébellion autochtone aux revendications nationales avec laquelle il reste possible de dialoguer.
Les dernières déclarations de la mouvance Ansar Eddine accréditant la thèse d’Alger. D’autres partenaires beaucoup moins concernés sur le plan géographique, tels le Maroc, l’Afrique du Sud et la Libye, seraient aussi invités à participer aux travaux avec les risques de perceptions forcément divergentes d’une problématique sécuritaire que les quatre pays du champ, tels la Mauritanie, le Niger, le Mali et l’Algérie, traitent et subissent depuis des années.
C’est donc une réunion à grand risque à laquelle va participer Abdelkader Messahel, ministre algérien délégué aux Affaires africaines et maghrébines, représentant le président Abdelaziz Bouteflika dont il porte le message adressé au président de Côte d’Ivoire et président en exercice de la CEDEAO, Alassane Ouattara, et au président du Nigeria, Goodluck Jonathan, comme l’a indiqué l’APS.
A grand risque parce qu’il se pourrait qu’on tente habilement d’obtenir la caution de l’Algérie, notamment pour cette intervention militaire qui prévoirait désormais 5 500 hommes au lieu des 3 300 initialement envisagés, avec un quota d’environ 2 000 soldats venant de pays hors CEDEAO, s’il faut croire la dépêche de l’AFP d’hier faisant allusion à la possible participation de l’armée algérienne.
Avec cependant un bémol prudent : «L’Algérie, qui pourrait jouer un rôle-clé dans le cas d’une opération armée, grâce à l’importance de ses moyens militaires et à la compétence de ses services secrets, a exprimé jusqu’à présent sa préférence pour une sortie de crise par le dialogue.
Le pays a une frontière commune de 1 400 kilomètres avec le Mali», précise l’Agence française de presse rappelant aussi que la France ne compte prendre part à la guerre que sur un plan logistique, c’est-àdire sans envoyer de soldats sur le terrain.
Dilemme africain A moins de deux semaines de l’expiration du délai théorique fixé par les Nations unies pour laisser le soin à la communauté régionale de «collaborer avec le gouvernement malien par intérim, l’Union africaine, les autres pays du Sahel, les partenaires bilatéraux et les organisations internationales, notamment l’Union européenne, avec le concours du secrétaire général de l’ONU, en vue de dégager des options détaillées définissant les objectifs, les moyens et les modalités du déploiement d’une force régionale au Mali», le front interventionniste peaufine son canevas politico-militaire pour une aventure plus qu’incertaine, de l’aveu de nombreux spécialistes des questions sécuritaires de cette envergure.
Si incertaine que les interventionnistes eux-mêmes continuent de vouloir croire au dialogue à l’instar de Kadré Désiré Ouedraogo, le président de la Commission de la CEDEAO, réitérant que «la CEDEAO devrait continuer à avoir une double approche dans la résolution de cette crise, avec d’un côté la poursuite des tentatives de dialogue politique et de l’autre une pression militaire sur les groupes islamistes armés.» Paradoxe ou dilemme africain…
Alors faut-il encore penser qu’il y a dans cette réunion d’aujourd’hui au Nigeria l’objectif d’exercer une pression médiatique à l’endroit des rebelles qui ont envahi le nord du Mali en même temps que l’accomplissement d’une formalité onusienne ? Les réserves des experts militaires sur la possibilité du lancement immédiat des hostilités contre les envahisseurs nous poussent à le suggérer. On comprend, par la même occasion, pourquoi l’Algérie se risque à prendre part à la réunion d’Abuja.
Nordine Mzalla