Fondateur et président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, laïque), Saïd Sadi est une figure de l’opposition. Ce médecin psychiatre de 62 ans a lancé, le 15 janvier, un mot d’ordre de boycottage de l’élection présidentielle du 9 avril à laquelle aucun des « poids lourds » de la vie politique locale ne participera face au président Abdelaziz Bouteflika, qui brigue un troisième mandat.
Pourquoi avoir décidé de ne pas participer à l’élection présidentielle alors que vous étiez candidat en 1995 et en 2004 ?
Nous assistons aujourd’hui à une tragi-comédie en trois actes. Le premier, c’est le coup de force constitutionnel du 12 novembre 2008, par lequel le chef de l’Etat s’est octroyé le droit de briguer une présidence à vie. Le deuxième acte s’est produit lors de l’annonce officielle de sa candidature, le 12 février, quand il a convoqué toutes les institutions pour les sommer de se transformer en comité de campagne électoral à son service exclusif. Le troisième acte, c’est la fraude annoncée le 9 avril, concernant autant le taux de participation – seul enjeu de cette opération – que le score du chef de l’Etat. Un score qui sera digne des traditions brejneviennes !
Ne pas vous présenter n’est-il pas une forme de désertion ?
On ne peut pas sauver en même temps l’Algérie et le régime. Aujourd’hui, il serait irresponsable de s’impliquer dans des jeux politiques biaisés qui sont à l’origine d’un désastre. Les responsables les plus lucides du sérail ont d’ailleurs eux-mêmes décidé de ne pas concourir le 9 avril. Les jeux sont faits et ils le savent.
L’élection, dans les conditions actuelles, est moins que jamais l’occasion de permettre l’expression libre des citoyens. Le boycottage est donc un devoir, et même une exigence patriotique. Bouteflika, c’est le Mugabe (le président du Zimbabwe) de l’Afrique du Nord.
Cela dit, il n’est pas la cause du naufrage de l’Algérie. Il en est une conséquence caricaturale. Si grave que soit sa responsabilité, il ne faut pas oublier que l’Algérie est d’abord victime d’un système prédateur.
Si l’opposition refuse de participer à l’élection, que fait-elle pour tenter de changer les choses ?
L’opposition est en permanence sur le terrain. Elle fait un travail de proximité quotidien malgré la répression et la censure. Simplement, ça ne se voit pas.
Si le pouvoir est disqualifié, c’est en partie à cause de son échec social et économique, mais aussi grâce au travail de l’opposition démocratique qui n’a jamais désarmé. Nous ne sommes pas visibles, je vous le répète. Je suis député, responsable d’un parti politique légal, et pourtant, en dehors des « fenêtres » électorales, je n’ai pas pu dire un mot à la radio et à la télévision publiques ces huit dernières années.
Mais nous ne baissons pas les bras. Si le parti unique est tombé en 1988, c’est grâce au travail de l’opposition. C’est toujours par effraction que la démocratie est entrée en Algérie. Le multipartisme, le pluralisme syndical ou la liberté d’association ou de presse – des acquis fragiles, mais qui existent – ont été arrachés grâce à nous.
Notre tâche, dans l’immédiat, c’est d’être sur le terrain, aux côtés de nos concitoyens, pour donner un écho à leur exaspération.