On aurait tant aimé…

On aurait tant aimé…
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A l’époque, nous demandions des armes pour nous défendre mais même ces armes, on nous les refusait, la France en premier.

Pour manifester leur refus de l’attaque menée contre Charlie Hebdo, les Français ont décidé de marcher hier à Paris. Un hommage aux victimes, certes, mais aussi une marche pour la République, pour les droits de l’homme et le droit des hommes, une marche pour rejeter la violence, l’intolérance et pour dire non au diktat de la bêtise.

A cette marche, il n’y a pas seulement les Français mais, venus de tous des coins de la planète, nombreux sont des responsables ou leurs représentants qui sont venus dire leur soutien à la marche, à la France et aux victimes.

Cela fait chaud au coeur de voir l’Humanité se solidariser autour d’un sujet, comme elle le fait aujourd’hui. Cela réconforte de sentir un coeur commun battre dans toutes les poitrines du monde, au rythme de la liberté et du droit à la vie.

Il n’y a pas de doute que nous pensons aux familles des victimes en ces moments difficiles, que nous condamnons sans ambiguïté l’acte perpétré contre le journal et nous condamnons toutes les formes de violence contre les humains mais cette marche, si elle nous réconforte un tant soit peu, elle ne manque pas de nous attrister et d’approfondir nos blessures.

Où était donc cette humanité, si brusquement généreuse et humaine, lorsque des centaines de nos compatriotes tombaient en Algérie sous les balles de ces mêmes assassins? Où étaient ces responsables les jours où, seuls nous pleurions nos morts une décennie durant? Où était l’Humanité et son humanité lorsque des journalistes algériens tombaient les uns après les

autres, victimes de la barbarie et de l’obscurantisme? Où étaient la solidarité humaine et la grandeur de son âme, qu’elle affiche de manière ostentatoire aujourd’hui, lorsque nous ne dormions ni de jour ni de nuit?

A l’époque, nous demandions des armes pour nous défendre mais même ces armes, on nous les refusait, la France en premier. A l’époque, l’Humanité qui est venue se promener sur les rues de Paris aujourd’hui, nous avait tourné le dos et avait même décrété un embargo contre nos aéroports, contre notre pays, contre nous, nous laissant seuls face à notre monstre, face à notre démon… Comment l’Humanité peut-elle soutenir un pays contre un acte, contre un comportement et tourner le dos à un autre pays, qui subit pourtant le même acte, qui souffre pourtant du même comportement? Qu’on me l’explique et je serais d’accord pour que l’Algérie participe à cette marche à Paris, qu’on me l’explique et je participerai à toutes les marches, moi l’Algérien qui n’avais même pas la possibilité de marcher, seul, sur mes boulevards à cause des balles assassines, moi l’Algérien qui étais abandonné par les hommes du monde, oublié par leur humanité!

Un pays, une nation, était en danger de disparition mais pourtant, personne n’avait levé le petit doigt pour nous, à part quelques amis ici et là. Même les condoléances ne fusaient pas et les gentils mots étaient rares. Nous étions doublement victimes: de la barbarie des uns et de l’inhumanité des autres. Voilà pourquoi, moi, l’Algérien, je ne comprends pas pourquoi l’Algérie a pris part à cette marche. Voilà aussi pourquoi, moi, l’Algérien, je ne comprends pas pourquoi un Netanyahu, ennemi de la liberté et du droit à la vie des Palestiniens, participe à cette marche en tant que républicain ou, pis encore, en tant que défenseur des droits des hommes à vivre.