Emeute à Baraki, sit-in à Oued Ouchayah et ébullition dans plusieurs quartiers et bidonvilles, suite aux opérations de relogement inscrites dans le cadre de la lutte contre l’habitat précaire.
La banlieue d’Alger s’embrase pour un logement.
Décidément, pour chaque opération de relogement inscrite dans le cadre de la lutte contre l’habitat précaire, des émeutes s’éclatent entre les forces de l’ordre et des citoyens qui s’estiment lésés de leur droit légal à un logement décent.
Lorsque les procédures règlementaires en vue de bénéficier d’un logement se heurtent à des blocages de tout bord, le recours à l’affrontement devient ainsi, pour ces citoyens, la seule alternative pour faire entendre leurs voies face à des responsables locaux qui ne manient de façon majestueuse que le langage des fausses promesses.
C’est d’ailleurs ce qui s’est passé, hier, au niveau du quartier d’El Baraka, à la daïra de Baraki, dans la banlieue d’Alger où une centaine de jeunes ont décidé d’entrer en affrontement avec les forces de l’ordre qui se sont dépêchés sur les lieux dès les premières heures afin d’étouffer une manifestation pacifique prévue par les citoyens pour décrier la gestion des responsables locaux en matière de relogement.
Perchés sur les toits ou dissimulés derrière les murettes de leurs habitations, si visiblement précaires, les manifestants ont usé de pierre, de bouteilles de verre et des pneus brûlées pour repousser les éléments de la police anti-émeute qui répliquent difficilement et de la façon la plus prudente étant donné que l’affrontement s’est déroulé au coeur même de ce quartier.
Sur place, nous avons trouvé des femmes, des hommes âgés et des jeunes filles en ébullition mais aussi désespérés de voir de plus en plus leur vie basculer du mauvais au pire. Ils contemplaient de loin leurs enfants qui font face aux forces de l’ordre. Ces familles qui occupent les 160 foyers que compte ce quartier construit à l’époque coloniale, n’ont pas eu leur dose de bonheur durant toutes les opérations de relogement que la capitale a connu depuis le début de l’année en cours.
Elles revendiquent leur droit au logement à l’instar de leurs voisins à qui la première tranche du quota leur a été octroyée en 2008. Deux années se sont succédé et plusieurs opérations de relogement ont été effectuées et le nouveau toit tant espéré par cette population demeure toujours une désillusion, de l’encre sur papier, une promesse sans lendemain. Pourtant, les familles sont recensées et les dossiers ont été déposés depuis une belle lurette.
Dans le désarroi, ces familles s’estiment lésées et exclues de leur droit, et ce, au moment où des milliers de logements ont été distribués dans le cadre du programme de lutte contre l’habitat précaire de la wilaya d’Alger. « Nous, on nous rebat les oreilles que par de fausses promesses.
On ne peut pas patienter davantage. Si on se tait, personne ne prendra en charge nos requêtes. Nous avons décidé de tenir un sit-in et déléguer six personnes afin de discuter de notre situation avec le chef de daïra. Mais au lieu de voir ce responsable venir nous rassurer, il nous envoie les forces de l’ordre.
C’est lui qui a transformé notre action pacifique à une émeute. C’est lui qui nous a provoqué », nous affirmera un des citoyens. « Ici à Baraki, il n’y a pas de crise de logement, il ya une crise de gestion et une envolée de Tchipa (corruption)», ajoute une dame avant que les éléments de la police antiémeute ne foncent soudainement sur la foule qui nous a entouré. Plus de peur que de mal.
C’était juste pour disperser certains jeunes qui ne voulaient guère observer un répit. Il importe de signaler qu’au moment de l’affrontement, le wali délégué et le P/APS-c de la commune de Baraki sont curieusement absents. Ils ont déserté leurs bureaux pour fuir leurs responsabilités, estime un des citoyens de cette localité d’Alger.
La colère et la perplexité minent de plus en plus l’esprit des occupants du quartier les Palmiers de Oued Ouchayah. Après avoir procédé, samedi soir, à la fermeture du tunnel en guise de protestation contre l’exclusion et les inégalités en matière de relogement dont sont victimes, plusieurs citoyens ont observé un sit-in dans l’intention de soulever leurs problèmes avec le wali d’Alger, devant l’oeil vigilant de la brigade anti-émeute dépêchée sur place.
Si l’affrontement avec les forces de l’ordre s’est cessé, la colère reste immuable sur leurs visages des 600 familles occupant le quartier. Les citoyens disent qu’ils sont indubitablement prioritaires d’être relogés.
Ils occupent des baraques et ils vivent dans la plus ignoble des misères. Ils sont considérablement frustrés de ne pas être parmi les bénéficiaires, alors que d’autres quartiers moins affectés et moins détériorés ont vu leurs rêves exhaussé.
Ils tentent vaille que vaille de trouver une éventuelle sortie de crise, pourvue qu’ils quittent ce qu’ils appellent la « jungle ». « On vit au milieu des rats et des serpents. On est constamment confronté au risque de l’effondrement du tunnel. Les conditions sont inimaginablement invivables », affirme-t-on sur les lieux.
« S’ils nous considèrent Algériens qu’ils nous donnent notre droit. Et s’ils ne considèrent pas comme tel qu’ils nous disent de changer de pays », s’écria un des pères de famille. Selon lui, c’est le wali délégué d’El Harrach qui jette de l’huile sur le feu, en leur déclarant que leur situation l’importe peu.
Au moment où nous mettons le papier sous presse, les choses se sont terminées comme elles avaient commencées. Il n’y rien de joyeux à l’horizon. La patience résistera-t-telle devant la négligence ?
Hamid Mohandi