Cent et un jours de grève et cela peut encore durer! Mohamed-Omar Sahnoun, médecin à l’hôpital Zmirli d’Alger, est l’un des porte-parole du Collectif autonome des médecins résidents (CAMRA). A DNA, il raconte les cent jours ce bras de fer qui oppose depuis le 28 mars 2011 les résidents au ministère de la Santé. Témoignage à la première personne.
« Notre mouvement ne dure pas depuis cent jours. Il remonte à plusieurs mois déjà. Il y a un véritable ras-le-bol dans toutes les structures sanitaires pour plusieurs raisons. Raisons pédagogiques, manque de moyens, rémunération sans parler du problème de statut du médecin résident. Et ces problèmes occupaient nos discussions presque tout le temps.
Nous étions dans le désarroi et nous discutions d’éventuelles solutions et sorties de crise. La goutte qui a fait déborder le vase était cette idée du ministère de tutelle de consacrer le service civil, plutôt une mesure transitoire, par le rendre obligatoire. Nous avons alors commencé à nous mobiliser. D’abord à travers Facebook avant de tenir notre première réunion à l’hôpital de Bir Traria (El Biar). C’était au mois de janvier 2011.
Notre première action était ainsi de tenir un sit-in au CHU de Mustapha. Plutôt de se rassembler aux côtés des professeurs et docents qui ont répondu à l’appel de leur syndicat mais, en affichant notre autonomie à travers des pancartes sur lesquelles a été transcrit le nom de notre Collectif.
Pour dire que nous sommes là, présents. Et c’est ainsi que nous avons présenté notre plateforme de revendications. Elle compte plusieurs points tous importants pour mieux exercer notre profession et avoir droit à une formation de qualité.
Nous avons surtout demandé de lever l’obligation sur le service civil et de le réformer de manière à faire bénéficier les malades du Sud et des contrées isolées d’une prestation sanitaire correcte. Parce que le manque de plateaux techniques dans ces hôpitaux ne nous permet pas d’exercer nos spécialités.
Les questions pédagogiques ont été aplanies dans le cadre de la conférence des doyens des facultés de médecine à laquelle nous avons pris part et qui a été satisfaite par le ministère de l’enseignement supérieur.
Le ministère de la Santé campe sur ses positions et ne veux rien entendre à propos du service civil. C’est la pomme de discorde entre nous et le ministère. Après le premier sit-in, nous avons tenu un autre, puis deux autres, puis d’autres devant la présidence, au niveau des CHU…puis deux grèves cycliques, la première de deux jours, la deuxième de trois jours.
Le ministère est resté indifférent à nos revendications. Nous avons été invités à prendre part aux réunions des trois commissions installées au niveau de la tutelle pour se pencher sur les questions du statut, du régime indemnitaire, le service civil…Nous avons refusé d’y aller la première fois parce que nous n’avons pas reçu d’invitation officielle.
Après une deuxième invitation, nous avons pris part aux travaux de la seule commission du statut et boudé les deux autres du moment que le ministère refusait de mettre sur la table des négociations la question du service civil.
Depuis, de réunion en réunion, de commission en commission, le ministère a campé sur sa position. Bref, notre mouvement a commencé à s’installer dans la durée.
Nous avons confié à deux collègues le soin de prendre contact avec les résidents des autres CHU, de Constantine, d’Oran, de Blida où les résidents étaient déjà en place et plutôt structurés dans lesdits hôpitaux. Nous avons décidé d’aller vers une grève illimitée à partir du 27 mars.
Je précise seulement une chose, que tout se décide lors des assemblées générales. Nous ne sommes pas des représentants syndicaux pour décider de quoi que ce soit au nom d’un bureau ou d’un mandat. Nous sommes plutôt des courroies de transmission. Nous avons été élus ou désignés par nos collègues pour transmettre leurs décisions.
Vinrent alors les interpellations par la police. C’était après la première marche que nous avons conduite à l’APN. Tous les collègues interpellés sont aussitôt relâchés après avoir été écoutés par la police. Nous avons été brutalisés lors de la marche du 1 juin (d’El-Mouradia où ils étaient empêchés de tenir un rassemblement devant la présidence, ils ont défoncé le cordon de sécurité pour marcher jusqu’à la place du 1er mai).
Lundi 4 juillet on a été empêchés par la police de tenir notre rassemblement à El-Mouradia, devant la présidence, il y a eu beaucoup d’arrestations. La police leur a fait signer des PV et relâchés.
Nous étions peut-être incompris au début mais nous leur avons prouvé que ce n’est le régime indemnitaire qui nous tient à cœur mais plutôt le malade. Nous assurons le service minimum. C’est vrai que nous avons brandi la menace de les arrêter mais c’était pour faire pression suite aux arrestations lors de la marche du 1er juin.
A aucun moment nous n’avons arrêté les gardes. Des ponctions sur salaire ont été opérées de manière aléatoire au mois juin dernier pour nous dissuader de continuer la grève. Pour ce mois de juillet ce sera pire. Mais nous poursuivrons notre mouvement.
Notre détermination n’a pas été entamée. Nous sommes par ailleurs disposés à dialoguer avec la tutelle pour trouver des solutions.
Ce qui nous manque est d’exercer notre profession, de revoir les malades, nous sommes des médecins après tout. »