L’expert international, Professeur en management à l’école des hautes études commerciales (HEC) de Montréal (Canada), et non moins ancien haut cadre au ministère de l’Energie durant les années 1970-1980, qui garde un œil sur les évolutions de l’économie algérienne, ne voit pas la situation actuelle comme étant prometteuse, lui qui avertit quant à des conséquences qui peuvent s’avérer graves, si des mesures sérieuses ne sont pas prises pour stopper l’hémorragie, et engager l’économie nationale sur le terrain de la compétitivité.
Au moment où le gotha des experts jazze à propos des conséquences de la chute brutale des prix des hydrocarbures, et leur impact sur l’économie nationale, le Professeur Aktouf, connu pour son franc parler, regrette le fait que rien n’ait été fait, sachant que «la chute des prix des hydrocarbures, même intense et brutale, était tout à fait prévisible», dira-t-il dans une déclaration à notre quotidien Le Chiffre d’Affaires.
«Rien donc de surprenant ni d’inattendu dans tout cela depuis quelques années: notre gouvernement aurait dû commencer à s’y préparer et prendre des mesures drastiques d’adaptation il y a au moins 2 ou 3 ans !», ajoute-t-il.
Ainsi, et pour ce qui est des mesures prises par le Gouvernement, notamment celles allant dans le sens d’une certaine austérité, M. Aktouf reste dubitatif en s’exclamant: «Quelle austérité supplémentaire pourrait-on donc infliger à ce pauvre peuple Algérien qui vit déjà dans la super-austérité (pour ne pas dire dénuement pour bien des gens) depuis des décennies!?»
«Surtout pas de plan d’austérité !»
Evoquant au passage les mesures concernant la maitrise de la dépense, notamment dans son volet relatif aux importation, le Pr Aktouf dira que la «balance commerciale algérienne n’a pratiquement jamais été que gouffre d’importations sans limites d’à peu près tout, et surtout, de pas loin de 80 ou 90% de ce que l’Algérien consomme par jour».
A propos de l’opération «consommons algérien», l’expert la qualifie tout bonnement de «farce» car, explique-t-il, «pour consommer algérien, encore faut-il qu’il y ait production algérienne de ce que l’on consomme!»
Et la solution? Aktouf qui se dit foncièrement «anti-néolibéral achevé», estimant qu’«aucun plan d’austérité n’est bon pour rien!», dira que «la seule et unique «solution adaptée» serait le contraire de l’austérité, mais avec un renflouement des financements de l’État et un minimum de satisfaction des besoins criants du peuple qui métraient à contribution les titanesques fortunes privées, occultes…, afin de financer un vaste plan de relance – notamment en vue de productions locales pour consommation locale.»
«Des mesures loin d’être adéquates»
Cela l’emmène à dire que les mesures prises jusque-là par le Gouvernement, ne peuvent servir à grand-chose. «Tout ce que je vois là c’est du total ’’n’importe quoi’’», tranche-t-il sans ménagement.
Sur le plan de la finance, l’expert qui commente les dernières mesures prises par le ministère des finances, concernant la maitrise de la parité du dinar, l’expert estime que le fait de vouloir stopper la dévaluation par l’entremise de mesures bancaires «reviendrait à tenter d’assécher le plus possible la circulation et la masse du numéraire en dinar (emprunts, salaires, investissements, importations, budgets publics, financements des exportations…) ou tenter d’en rehausser la valeur par achats massifs à l’aide de devises fortes. Or, on sait que nos réserves en devises sont déjà en deçà de ce qu’il faudrait pour les besoins courants du pays. On sait aussi qu’il faut en compenser la baisse en rentrées pétrolières : donc imprimer l’«équivalent» en dinars si on veut éviter la paralysie de nombre de secteurs et des défauts de paiements dont les effets dominos peuvent être insondables.»
«Une économie qui a besoin d’être profondément restructurée»
Pour lui, les mesures à prendre doivent inclure la nécessité d’investir dans le l’exploration de nouvelles réserves pétrolières, faire face aux hausses d’importations, et la compensation de la hausse des prix mondiaux des produits importés.
Pour ce qui est de l’ouverture du capital public au secteur privé, M. Aktouf estime «toute ‘’ouverture au privé’’ se solde par quelques gains de fort court terme, et par des pertes structurelles de long terme.» Ce qui sous-entend que le privé ne saurait apporter de la plus-value à une économie qui a besoin d’être profondément restructurée suivant des models qui ont déjà fait leurs preuves, estime l’expert.
Par Lyazid Khaber