Oliver Stone, doublement oscarisé, lors de sa conférence de presse
«Ce qui me pousse à tenir le coup est la colère contre le mensonge», a souligné le réalisateur américain, regrettant l’absence totale de démocratie aux USA.
Voici un célèbre réalisateur américain qui n’a pas sa langue dans sa poche. Le 34e meilleur réalisateur au monde était l’invité hier du Festival international du cinéma d’Alger prévu du 29 novembre au 5 décembre 2011, mais pour cause de planning chargé, il ne pourra rester parmi nous mais s’envolera aujourd’hui pour le pays d’Obama, là où la démocratie manque cruellement à l’appel, a-t-il fait savoir hier lors d’un point de presse animé à la salle Ibn Zeydoun. Oliver Stone, 62 ans, doublement oscarisé et des séquelles à l’ouie suite à la guerre du Vietnam, a su répondre à toutes les questions en français, fleuri d’accent anglais. Sa mère, pour rappel, étant française. Le parrain du Festival international du cinéma engagé dira avoir été agréablement «frappé» suite à sa rencontre lors d’un dîner avec la ministre de la Culture et d’autres femmes, sans doute des moudjahidate, lesquelles lui ont parlé de l’indépendance de l’Algérie. Deux projets le retiennent aux Etats-Unis actuellement, à savoir un long métrage intitulé Les Sauvages sur des trafiquants de drogue en Californie avec dans les rôles principaux, Selma Hayek et Benito Deltoro, et l’autre intitulé L’histoire non racontée des USA, un travail colossal qui dure depuis 4 ans. «Je ne connais pas beaucoup de choses sur l’Algérie sauf l’histoire que j’ai lue. C’est le pays de la Bataille d’Alger, le premier a être décolonisé. J’apprends toujours quand je vais dans un pays. J’admire l’esprit d’indépendance que vous avez» a-t-il déclaré en substance. L’auteur de Platoon (1986) et Né un 4 juillet 1989, mais aussi de Comandante (2003) et Looking for Fidel (2004), consacrés au président cubain Fidel Castro en parlant de l’histoire actuelle, il estimera que c’est aux cinéastes arabes de faire des films sur leurs révolutions et pas aux autres. A la question de savoir quel est le film de sa carrière dont il est le plus fier, Oliver Stone dira qu’avec le temps il continue d’apprendre et d’évoluer, donc à supporter toute sa filmographie. «Chaque film m’a appris quelque chose. Un film ça demande beaucoup de travail. Il faut que ça marche. C’est très important de finir un film.» L’histoire se répète mais ne s’améliore pas pour autant, semblait-il penser en évoquant la guerre d’Irak. Avant, a-t-il reconnu «je n’ai pas compris la guerre», aujourd’hui, Oliver Stone a un avis bien tranché sur la question. «La révolution humaine ça n’en finit pas, ça continue, c’est une bataille.» Mais l’Amérique pour lui a changé depuis Ronald Reagan. C’est pire! «L’argent est vénéré, c’est devenue sacré. L’argent tue l’esprit. On n’a pas de méthodes démocratiques pour le régler. Bush, un homme superficiel, a voulu entrer en Irak (…). Les médias sont devenus corrompus. Mais je reste optimiste…» Evoquant le sens premier de son travail, Oliver Stone dira qu’il n’est pas journaliste mais «dramatiste» dans la mesure où il veut une histoire qui soit «au plus près de la vérité de l’Amérique contemporaine et dire comment elle a changé. Tu ne peux pas mentir et un film c’est un document. Ça reste!» A la question bien délicate mais légitime de savoir pourquoi les USA soutiennent toujours Israël, Oliver Stone qui marquera une pause de réflexion dira tout bonnement: «Si on était une démocratie, il n’y aurait pas ça. L’influence est très forte en politique». Avouant admirer les documentaires de Michel Moore, le réalisateur de l’opposition américaine nous fera savoir un peu plus loin que les Américains ne s’intéressent pas aux problèmes de l’étranger et n’ont pas d’empathie envers eux. C’est dit. Oliver Stone tiendra à souligner le côté narcissique des Américains bien que malins aussi d’après lui. Il soulignera le risque de ne plus assez regarder le monde, le cinéma et surtout nous-mêmes à force de se connecter sur les réseaux sociaux. «Les images de Youtube etc. sont une continuité d’images. On a plus de formes d’expressions, en même temps les gens regardent de moins en moins. Si l’on regarde trop d’images on devient bête. Il faut parfois se déconnecter et rester seul avec soi-même…». Ce qui le pousse à poursuivre sa passion, malgré les difficultés (et les procès dont il est souvent l’objet), notamment, a-t-il indiqué, «la colère contre les mensonges». Et d’expliquer: «Avant, on disait que c’est le communisme qui allait régir le monde. Aujourd’hui, c’es la guerre contre le terrorisme. C’est devenu pire. Je vois une machine, un système énorme. C’est un grand dragon. C’est un système qui va détruire le monde et les médias sont hypnotisés. On perd, mais le plus important est de rester.» Pour Oliver Stone, la classe moyenne aux USA est une victime car même sous le règne d’Obama rien n’a évolué. «C’est la même chose. Le système américain reste à la droite. Il n’y a même pas de centre.» Notons qu’Oliver Stone a été honoré, hier soir, à la Cinémathèque d’Alger où a été projeté son film documentaire South of the border sur la gauche latino-américaine, fondé sur des interviews notamment des présidents vénézuélien Hugo Chavez, brésilien Luiz Inacio Lula da Silva et cubain Raul Castro. Il rencontrera par ailleurs des professionnels du cinéma et visitera la capitale.