On leur avait dit de rester là dans un petit abri, pendant que la France entreprenait des essais nucléaires dans le Sahara. Ces essais, beaucoup ne se remettront jamais.
«Un expert épistémiologique vient de rendre un rapport à la justice française établissant un « lien vraisemblable » entre les retombées radioactives des essais nucléaires français en Algérie et en Polynésie et les cancers de personnes présentes sur place à l’époque», rapporte le quotidien algérien francophone El-Watan .
Ces expertises ont été réalisées à la demande d’Anne-Marie Bellot, juge d’instruction chargée de l’enquête à la suite de la plainte déposée fin 2003 par l’Aven (Association des victimes des essais nucléaires).
Ces essais nucléaires effectués en Algérie et en Polynésie de 1960 à 1996 auraient fait plus de 100.000 victimes potentielles.
Cette nouvelle expertise marque donc une étape importante dans la reconnaissance des victimes des essais et ouvre la voie à une possible indemnisation des malades.
«En rassemblant de nombreux éléments, j’ai pu construire un faisceau de présomptions qui permet de dire que le lien entre les retombées radioactives et les cancers est vraisemblable pour certains des cas expertisés. Même si d’un point de vue scientifique on ne pourra jamais affirmer avec certitude telle ou telle causalité et ce, pour une raison simple: ces cancers ou ces leucémies ne sont pas uniquement causés par les radiations», confie au Parisien Florent de Vathaire l’un des auteurs de l’expertise.
A cette considération scientifique, s’ajoute le problème des archives et de la non communication d’informations classées «Secret Défense».
Des défaillances ont pourtant été maintes fois soulevées par les associations de victimes du nucléaire.
«Les instruments de contrôle de la radioactivité qu’utilisaient l’armée et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) n’étaient pas adaptés pour détecter toutes les formes d’exposition aux rayonnements», précise l’expert.
Ce qui confirme la version des agents, persuadés qu’ils ont servi de cobayes. Mais également celle des habitants de la région de Reggane et d’Aïn Enker, dans le sud de l’Algérie, théâtre de dix-sept essais nucléaires au début des années 1960.
Rappelons que les négociations des accords d’Evian avaient été mises à mal par la question du Sahara. La France voulait garder le contrôle de ce territoire, riche en gaz et pétrole, où elle effectue par ailleurs des essais nucléaires. Mais finalement De Gaulle cède le Sahara au FLN.