Obama réunit Karzaï et Zardari

Obama réunit Karzaï et Zardari

C’est un sommet « historique », selon Richard Holbrooke, l’envoyé spécial américain pour l’Afghanistan et le Pakistan, qui se réunit à Washington mercredi 6 et jeudi 7 mai, à l’initiative du président américain, Barack Obama. Historique parce qu’il réunit les voisins Afghans et Pakistanais et que les présidents Hamid Karzaï et Asif Ali Zardari sont accompagnés des principaux membres de leur cabinet.



Outre les entretiens à la Maison Blanche, des « mini sommets » se tiennent au ministère de l’agriculture, au FBI, etc. L’initiative avait été annoncée mi-mars par M. Obama en même temps que sa nouvelle politique – l’Afpak – pour l’Afghanistan et le Pakistan. Depuis, l’offensive des talibans s’est intensifiée contre Islamabad. A peine adoptée, la nouvelle stratégie américaine est en danger.

Hamid Karzaï, le président afghan, est arrivé à Washington, l’air satisfait. Candidat à sa propre succession à l’élection présidentielle du 20 août, il a pris soin de se faire photographier la veille du départ dans les locaux de la commission électorale, alors que l’administration Obama ne veut pas avoir l’air de soutenir qui que ce soit.

M. Karzaï a choisi comme colistier un homme qui est accusé de crimes de guerre par les défenseurs des droits de l’homme, le Tajik Mohammed Fahim. Les critiques de la presse américaine ont l’air de l’amuser. « Le Washington Post et le New York Times feraient mieux de revoir leurs commentaires. Les temps sont difficiles. Nous avons besoin d’un homme comme lui, qui pourra circuler partout dans le pays, a-t-il dit dans un débat à la Brookings Institution. M. Karzaï, ancien protégé de George Bush, tenu à distance par le président Obama, qui ne l’a eu que deux fois au téléphone depuis janvier, est d’autant plus facétieux qu’il a de grandes chances d’être élu (il a réussi à « convaincre » ses principaux rivaux de se retirer).

LG Algérie

Côté pakistanais, le président Asif Ali Zardari, veuf de Benazir Bhutto, effectue son premier déplacement à la Maison Blanche, sept mois après son entrée en fonctions. Son fils fait partie de la délégation ministérielle. Depuis que la secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, a lancé son cri d’alarme, il y a quinze jours – « les talibans sont à quelques heures de la capitale » – le Pakistan « au bord du chaos » fait la « une » des journaux. L’administration a essayé de rassurer : le président Obama a été informé par les services de renseignement, a-t-il filtré. On lui a dit que les talibans n’étaient pas sur le point de s’emparer du pouvoir, qu’aucun coup d’Etat militaire n’était imminent et que l’arsenal nucléaire pakistanais était « en sécurité » – ce qu’a fermement réitéré, lundi, le chef d’état-major interarmées, l’amiral Michael Mullen.

Devant la commission des affaires étrangères, M. Holbrooke s’est voulu rassurant. Pour le département d’Etat, les descriptions apocalyptiques n’aident pas la stabilisation à Islamabad. Pis, elles risquent d’encourager un coup d’Etat. « Le Pakistan n’est pas un Etat en faillite. C’est un Etat soumis à une épreuve extrême de la part d’ennemis qui sont aussi nos ennemis », a-t-il dit. Il a réfuté la comparaison avec le Vietnam : « Il y a des similarités. Mais aussi une différence fondamentale : l’armée du nord n’a jamais représenté une menace directe contre les Etats-Unis. »

Que faire contre l’avancée des talibans ? « Ils ont pu revenir parce qu’on a tardé à s’attaquer aux sanctuaires », a dit M. Karzaï sur le ton de celui qui n’a pas été écouté. Sur CNN, le journaliste Wolf Blitzer a posé la question au président pakistanais, en lui rappelant que Mme Bhutto s’était assise deux ans avant dans le même fauteuil. M. Zardari a plaidé pour une aide financière. « Mon gouvernement ne va pas tomber parce qu’un groupe ou un autre s’empare d’une montagne, a-t-il répondu. Nous avons une armée de 700 000 hommes. Comment pourraient-ils nous battre ? »

L’aide, justement, est en discussion ouverte au Congrès. Mme Clinton a réclamé 497 millions de dollars (environ 374 millions d’euros) en fonds d’urgence pour les forces de l’ordre et les réfugiés. Robert Gates, le ministre de la défense, a demandé 400 millions pour des équipements militaires. Au Sénat, le président de la commission des affaires étrangères, John Kerry, et son collègue républicain, Richard Lugar, ont présenté un plan d’aide non-militaire de 7,5 milliards de dollars.

Le représentant de Californie, Howard Berman, a préparé un projet de loi (the « PEACE » Act) qui prévoit de tripler l’assistance économique au Pakistan (pour la porter à 1,5 milliard de dollars par an). L’aide serait versée à condition de démontrer que l’Islamabad a « fait la preuve d’un engagement soutenu à combattre les terroristes ».

L’idée de conditions – qui rappelle la stratégie des démocrates face à M. Bush sur le financement de la guerre en Irak – ne fait pas l’unanimité. La Maison Blanche reconnaît qu’il ne devrait « pas y voir de chèque en blanc », mais n’est pas enthousiasmée par l’idée de s’enfermer dans les « benchmarks » (objectifs) et les « dates butoir » que combattait M. Bush il y a deux ans.