Le président français, qui avait espéré la mise en place d’un groupe de contact pour gérer le volet politique du “soutien” aux insurgés libyens, a été remis en place par Obama : la résolution 1973 de l’ONU se borne à la protection des civils et les frappes contre Kadhafi sont dévolues à l’Otan.
L’Otan y été représenté en force et au plus haut niveau. Washington a fini par être agacé par l’activisme de Nicolas Sarkozy que la presse américaine a perçu comme une manœuvre pour sa réélection en 2012.
Le président américain n’a cessé de réaffirmer qu’il n’était pas question pour son pays de réitérer en Libye les erreurs de l’invasion en Irak, concédant que sa transition démocratique serait une tâche difficile dont la responsabilité reviendra principalement au peuple libyen. L’Italie a assuré que la meilleure solution “pour tout le monde”, c’est que Kadhafi accepte de partir en exil. Un exil juridiquement possible tant que le Cour pénale internationale ne l’a pas encore accusé ou recherché, comme l’a souligné à Londres, la ministre espagnole des AE, Trinidad Jimenez. La perspective d’un départ sans jugement est rejeté par les insurgés : “Ses crimes ne devraient pas rester impunis.” En attendant une prochaine réunion des pays de la coalition à Qatar, la France, qui rechignait à abandonner le contrôle des frappes aériennes, travaille dorénavant sous le contrôle de l’Otan qu’Obama a chargé d’assumer l’intégralité du commandement des opérations militaires en Libye. Les forces Atlantiques relayent ainsi les Américains. Le transfert de la responsabilité des opérations des quartiers généraux américains en Allemagne à l’Otan est effectif à partir d’aujourd‘hui.
L’Otan assurait déjà depuis le début de semaine le contrôle de l’embargo sur les armes et participait également à l’imposition de la zone d’interdiction aérienne. Obama, qui ne veut pas jouer à l’aventuriste, semble tenté de s’investir dans des missions humanitaires et d’appui aux insurgés sous forme d’aides en armements.
Le locataire de la Maison-Blanche a, en effet eu, depuis le début du printemps arabe, pour souci central de ne pas apparaître comme l’instigateur de l’incendie qui a enflammé les rues de Tunis, du Caire, de Manama, de Sanaa, d’Amman, de Tripoli, de Rabat, de Damas… S’il a vite décidé qu’il fallait soutenir le changement, car le statu quo n’était tout simplement pas viable, Obama a même adopté un profil bas s’agissant de l’Arabie Saoudite qui a volé au secours de la famille régnante à Bahreïn pour mater dans le sang la révolution de la jeunesse de ce pays.
Autant d’arguments qui sont à la base de nouvelle politique étrangère des Etats-Unis que vient de définir Obama. “Je suis absolument d’accord pour dire que l’Amérique ne doit pas faire la police partout dans le monde… Mais cela ne doit pas être un argument pour ne jamais intervenir”, a-t-il plaidé pour affirmer avec force que “l’Amérique ne doit pas uniquement intervenir quand sa sécurité est en jeu, elle doit aussi parfois s’impliquer militairement au nom de ses valeurs”. C’est la nouvelle doctrine Obama en matière d’intervention militaire, annoncée lundi soir depuis l’université de la Défense de Washington DC par le président lui-même et que ses adversaires républicains ont trouvé excellente.
En clair, derrière ses ellipses, Obama a redit que l’Amérique restait le gendarme du monde, avec lui le néo-impérialisme se revêt d’un habit moralisateur. Les States, démocrates comme républicains, restent attachés à l’idée d’un rôle moral de l’Amérique dans le monde, a-t-il ponctué.
Et pour ceux qui ont des pertes de mémoire, il faut leur rappeler que lorsqu’il avait reçu son prix Nobel de la paix, Obama avait inventé le concept de la guerre “juste”. Avec la question libyenne, la démarche s’est précisée : donner l’impression de ne plus agir de façon unilatérale en privilégiant le transfert des opérations à l’Otan. L’Amérique se tiendra désormais dans un rôle de conception et de support, en se concentrant sur la prise de décision, le renseignement et le soutien logistique.
Cette approche permettrait également de réduire le coût des guerres pour les États-Unis, a précisé Obama. Sarkozy doit se le tenir pour dit : il doit ravaler ses prétentions internationales. Comme une tuile sur la tête ne tombe jamais seule, les électeurs et la classe politique française viennent de lui faire savoir que 2012 se joue en France et sur des affaires et dossier franco-français.
D. Bouatta