Obama politiquement déstabilisé

Obama politiquement déstabilisé

Autant le fringant président américain séduit le monde qui lui trouve des qualités d’ouverture trop rares, depuis longtemps, chez ses prédécesseurs successifs, autant il semble confronté chaque jour davantage à des difficultés internes, malgré une cote de popularité au beau fixe.

Si plus de 60% des Américains continuent de lui faire confiance malgré les difficultés quotidiennes qui ne s’estomperont qu’avec l’atténuation espérée, mais lointaine, des effets de la crise, bien que le parti démocrate soit majoritaire au Sénat et à la Chambre des représentants, Barack Obama n’en rencontre pas moins des difficultés et des oppositions qui émanent, autant le dire, de son propre camp.



Cette opposition sourde a atteint son apogée avec le refus du Parlement américain, dominé par les démocrates, de voter le budget nécessaire à la fermeture du camp de Guantanamo et au transfert des prisonniers sans statut légal qui s’y trouvent encore. Au même moment, le clan Bush, qui s’est plutôt fait discret depuis l’investiture d’Obama, à travers la voix de l’ancien vice-président Dick Cheney, est monté au créneau pour vilipender « la politique sécuritaire molle » de la nouvelle administration. Et, comme par hasard, c’est quasiment le même moment qui a été choisi par le FBI pour arrêter quatre terroristes présumés, au moment où ils tentaient de faire sauter deux synagogues à New York. Le seul problème, parce que problème il y a, c’est que les quatre supposés terroristes sont des repris de justice de droit commun, qui n’ont ni l’âme ni l’étoffe de terroristes militants.

Comme dans un film d’espionnage de série B

C’est un agent du FBI qui a infiltré le groupe, a établi une vague sympathie de ses membres pour l’Islam et les islamistes, et s’est mis à les manipuler comme dans un film d’espionnage de série B, leur promettant tout ce qu’ils souhaitaient avoir s’ils consentaient à passer à l’acte, c’est-à-dire à commettre des attentats au cœur de New York. C’est lui qui a eu l’idée des attentats, qui a désigné les cibles, qui en a assuré la logistique et qui a fourni jusqu’aux explosifs, fort heureusement inopérants. C’est d’ailleurs la preuve que les quatre lascars n’ont rien de terroristes aguerris, sans quoi ils auraient découvert la supercherie.

D’autant plus que pendant les longs mois qu’a duré « la préparation », la taupe du FBI avait l’initiative et a régulièrement organisé les rendez-vous dans des lieux truffés de micros et de caméras, sans jamais qu’ils s’en rendent compte. Il suffisait donc au super héros de donner un coup de fil pour que les terroristes de pacotille soient cueillis à l’endroit et à l’heure indiqués, pris en flagrant délit. Mais il y a une erreur dans la machine – ou dans la machination devrait-on dire -, puisque les explosifs fournis pour l’opération par le James Bond des temps modernes n’étaient pas des explosifs, mais une matière inoffensive ressemblante. Si l’affaire n’était pas sérieuse, et si elle ne pouvait pas avoir des implications inouïes, y compris en dehors de l’Amérique, on en rirait presque. On pourrait tout simplement relater l’affaire dans la rubrique des insolites, comme si une bande de garnements braquait une banque avec des pistolets à eau. Il se trouve que tel n’est pas le cas. Les médias américains d’abord, ceux du reste du monde ensuite, ont réservé leurs plus belles pages à l’évènement. Non seulement d’affreux terroristes ont été arrêtés au moment où ils s’apprêtaient à commettre un carnage, mais ils ciblaient, suprême offense, des synagogues ! Ce sont donc les juifs qui sont ciblés ! C’est donc l’État d’Israël qui est, encore une fois, agressé !

Et c’est la preuve, bien sûr, que le territoire des États-Unis est toujours exposé, et toujours vulnérable… La boucle est bouclée. L’administration Bush avait raison et Barack Obama, tout président qu’il est, fait preuve d’un angélisme qui expose les États-Unis d’Amérique, qu’il n’a ni l’étoffe ni la poigne de protéger contre « l’axe du mal ! »

L’ombre d’Israël

Les concours de circonstances ne s’arrêtent pas là. Il se trouve que tous ces évènements se sont produits à peine quelques jours après le sommet Obama-Netanyahu qui, comme chacun le sait, s’est soldé par un échec dû, d’une part, au refus têtu du chef du gouvernement israélien de coopérer pour une solution juste et équitable au conflit avec les Palestiniens et, d’autre part, à la fermeté d’Obama qui lui a fait entendre que l’Amérique d’aujourd’hui n’entend pas souscrire, les yeux fermés, aux errements dangereux de son gouvernement. L’échec avéré de sa tentative de rallier la Maison-Blanche à ses vues, les pressions annoncées de l’Europe à l’occasion du sommet UE-Israël qui devrait se tenir dans quelques jours, la virée européenne mi-figue, mi-raisin de son ministre des Affaires étrangères, et la décision historique de l’ONU d’ouvrir une enquête pour crimes de guerre pendant l’offensive israélienne contre Gaza, n’ont en rien ému le patron du Likoud qui préside aux destinées d’Israël. Au contraire, il multiplie les provocations comme si, quelque part, des garanties lui avaient été données par quelque puissance occulte.

Coup sur coup il refuse, en effet, de satisfaire la demande d’Obama et du Quartet de geler la colonisation en Cisjordanie, il affirme que Jérusalem sera toujours et pour l’éternité sous souveraineté israélienne, et il annonce, à travers son chef de la « diplomatie », qu’Israël n’acceptera jamais de revenir aux frontières établies en 1967. Autant dire qu’il dit non à tout et à tous. Il dit surtout non à une paix possible. Il est impossible à un esprit rationnel de comprendre une telle attitude de défiance à l’égard non pas seulement des Palestiniens et des pays arabes, mais surtout à l’égard de ses alliés américains et occidentaux. Une seule explication pourrait justifier une telle arrogance et une telle assurance en soi du gouvernement israélien : le séjour washingtonien de Netanyahu, en dehors de sa rencontre plutôt fraîche avec Barack Obama, aura été l’occasion pour lui de s’assurer d’appuis sûrs et fidèles, capables de contrecarrer la politique novatrice et dérangeante du premier président noir des États-Unis. Si tel devait être le cas, et rien n’indique le contraire, Obama pourrait être en danger non seulement politiquement, mais aussi physiquement.

Les fantômes d’Edgar Hoover et de JFK

C’est à ce niveau du raisonnement que l’histoire de la taupe du FBI relatée plus haut prend toute sa signification. S’agit-il d’une initiative personnelle et isolée, ou le sommet de l’institution est-il impliqué dans la machination ? Sans prétendre apporter de réponse sûre, force est d’admettre qu’il serait difficile à un agent, seul et sans moyens, de mettre au point un tel plan, sur une durée si longue, et de le mener à bien, sans en référer à la hiérarchie et sans bénéficier de la logistique de l’institution qui l’emploie. Et d’abord, pourquoi les médias si prompts à rapporter l’arrestation de quatre terroristes à New York se sont faits plutôt discrets lorsqu’il s’agissait de rapporter le rôle de l’agent du FBI dans cette affaire ? Ici se pose une question qui fait appel à l’histoire des États-Unis. On ne peut pas évoquer le FBI sans que surgisse le fantôme d’Edgar Hoover, qui est resté à sa tête jusqu’à sa mort en 1972.

Or, Edgar Hoover était un personnage dangereux. Il était lié à la mafia et il était faiseur de rois. Il avait des dossiers sur tout et sur tous, et il a gardé son poste sous huit présidents consécutifs, bien que certains d’entre eux aient cherché vainement à s’en défaire. Lorsque le président Nixon a été contraint de démissionner après le scandale du Watergate, alors que le tout puissant chef du FBI venait de mourir, il a eu ce mot à son égard : « Si Hoover était encore de ce monde, jamais ça ne serait arrivé ! » C’est dire la puissance du FBI et de son chef mythique ! Le FBI est toujours aussi puissant. Mais a-t-il gardé l’esprit de ce chef détestable qui ne cachait pas son racisme, qui ne recrutait que des Blancs de souche et qui maltraitait jusqu’à ses proches collaborateurs ?

Difficile à dire. En tout cas, une institution, quelle qu’elle soit et où qu’elle se trouve dans le monde, ne peut échapper à l’empreinte de celui qui l’a faite et qui l’a gouvernée de longues années. Il se trouve que Barack Obama n’est pas assez blanc et qu’il est trop intelligent et osé pour être président des États-Unis, selon les critères de Hoover. Bien sûr, Hoover n’est plus là. Mais son esprit, son fantôme… L’establishment veille. Les frontières de l’establishment ne se situent pas entre démocrates et républicains, comme l’a si bien démontré le dernier vote du Sénat. Elles sont ailleurs. Peut-être dans quelque carnet secret d’Edgar Hoover. Et puis le souvenir de Dallas, un jour de 1963. Et l’assassinat de Kennedy qui, lui, avait encore l’avantage d’être tout à fait blanc !