Nuit du doute : Lorsque les enfants s’y mettent

Nuit du doute : Lorsque les enfants s’y mettent

Pour rien au monde, Omar, Madjid, Mehdi et Hamid, des copains d’à peine 12 ans, ne veulent rater l’évènement de ce soir.

Ils se sont donné le mot pour scruter ensemble, et ce dès le crépuscule, l’apparition du croissant du mois de Ramadhan. «L’année dernière durant la Nuit du doute, on a beau guetter le ciel mais aucun croissant à l’horizon. Pour cette fois-ci, j’espère l’apercevoir avant tout le monde», souhaite Hamid. Afin d’avoir tous les atouts de leur côté, les quatre amis qui habitent le même quartier au centre-ville, se sont donné rendez-vous chez Omar, plus précisément sur la terrasse de la maison de ses parents.

«La terrasse de Omar est un lieu élevé. Depuis cet endroit, on pourra facilement et sans obstacle guetter le croissant», explique Madjid le choix de l’endroit qui leur servira d’observatoire. A la question de savoir pourquoi affichent-ils tant d’impatience et d’attention à l’évènement, Hamid répond : «Pour la simple raison que je veux annoncer moi-même l’information à mes parents et mes voisins. Car je suis certain que cette bonne nouvelle va les réjouir. Depuis le temps qu’on attend son avènement, je souhaite que le 1er jour du Ramadhan coïncidera avec ce lundi». La Nuit du doute est aussi un moment durant lequel les quatre amis, à l’instar des autres enfants de leurs âges, prennent des résolutions relatives aux jours qu’ils consacreront au jeûne. «Même si le mois de ramadhan de cette année coïncide avec le mois d’août, j’essayerai de jeûner le maximum de jours. Au moins une semaine», promet Hamid.

LE TAMBOUR DU HÉRAUT

Comme pour les enfants nés en ce nouveau siècle, leurs aînés à pareil âge vouaient autant de culte à la nuit du doute. Elle déclenchait en eux le même sentiment d’impatience et de joie de savoir enfin quand interviendra le premier jour de ramadhan. «Je me souviens de l’année 1956 lorsque j’avais 11 ans. J’habitais à cette époque à Ténès. Comme les autres enfants de la ville durant la nuit du doute, nos parents nous offrirent des galettes, des dattes et autres gâteaux sucrés.

Pour nous, ce fut un véritable trésor en ces temps de disette. Ensemble, mes amis et moi rejoignîmes la mosquée, à l’intérieur de laquelle avaient déjà pris place les tolba et le mufti», raconte Mohamed, un cadre retraité du secteur de la jeunesse de Hadjout. Et de continuer : «Je me rappelle à cette époque où les adultes, debout dans la placette de la mosquée, avaient les yeux rivés non pas vers le ciel, mais vers le vieux Ténès. Plus exactement à la mosquée de Sidi Maiza. Ils attendaient que la lampe de la mosquée s’allume. Car si elle s’allume, cela signifie que demain c’est Ramadhan. Une fois la nouvelle, c’est-à-dire l’apparition du croissant, est confirmée, un héraut à l’aide d’un tambour parcourt durant la même nuit tous les quartiers de la ville pour apporter la bonne nouvelle. Au-delà de la joie que nous procurait à l’époque l’apparition du croissant, nous étions fiers.

Car, le Ramadhan représentait à l’époque pour nous une énième preuve que nous n’avions rien qui nous liait aux colonisateurs». En somme, même si les époques changent, l’impatience des enfants de voir le croissant du mois de Ramadhan est restée invariablement la même.