Fauchés par des rafales de diables à l’heure du diable. Rabah, Brahim et Karim sont morts jeudi 18 août, peu de temps après minuit, criblés de balles tirées par un groupe terroriste dans le village El Vil, dans la daïra de Maatkas, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Tizi Ouzou. Les trois victimes seront enterrées samedi 20 août dans le cimetière du village.
Deuil et colère se sont abattus sur ce patelin adossé aux maquis de Sidi Ali Bounab, tanières des terroristes d’Al Qaïda au Maghreb. C’est le cinquième attentat à Tizi en cinq jours.
La mort est venue roder une première fois mardi 16 août dans le village Ighil Aouane, distant de quelques centaines de mètres d’El Vir. Vers 22h30, deux hommes armés dont un dénommé El Mancho, originaire de Boumerdès, pénètrent à Ighil. Ils se présentent devant le domicile de Mohand (appelons ainsi car il refuse de divulguer son identité) et tapent à la porte.
Les deux individus venus extorquer de l’argent sont alors reçus par une décharge de plomb qui leur a vite fait comprendre les intentions de Mohand de ne pas verser l’impôt révolutionnaire. Les coups de feu donnent l’alerte dans le village.
« Nous sommes des moudjahine…»
Les terroristes détalent avant de s’arrêter à l’entrée du maquis pour faire face aux gens du village. « Nous sommes des moudjahine, hèlent-ils les villageois qui leur font face des centaines de mètres plus loin. Nous sommes venus récolter la dime du djihad. Nous ne vous ferons pas de mal. Nous ne nous en prenons pas aux citoyens et aux civils… »
Les villageois leur conseillent plutôt de ne plus remettre les pieds à Ighil Aouane sous peine d’être combattu par les armes.
El Mancho et son acolyte disparaissent dans la nuit pour regagner les maquis de Maatkas écumés depuis des années par les activistes d’Al Qaïda.
La mort a épargné ce soir là les habitants d’Ighil. Elle n’épargnera pas ceux d’El Vir.
Ils sont venus prélever l’impôt du djihad
Jeudi 18 août, peu avant minuit. Un groupe armé composé d’au moins trois personnes pénètre dans le village d’El Vil. Dans la chaleur de cette nuit de ramadan, de nombreux jeunes sont encore dehors. C’est le cas de Brahim, 25 ans, chômeur. Karim se trouve à la place du village. Les terroristes l’interpellent et le prennent en otage par le groupe. Ils demandent alors d’appeler ses proches pour qu’ils viennent payer l’impôt du djihad.
Le frère de Brahim qui suivait la scène du balcon de la maison donne l’alerte. Quelqu’un accourt vers l’école du village pour faire retentir la sirène dont le sifflement déchire l’air. Des hommes accourent, certains munis de leurs fusils de chasse, vers la place. Dans ce petit hameau qui a pris les armes depuis 1994 pour faire face aux groupes armés du GIA ou du GSPC, la résistance n’est pas un vain mot.
Rabah, une rafale dans le dos
Rabah, 48 ans, transporteur, ancien membre des GLD (groupe de légitime défense) des supplétifs de l’armée dans la lutte anti-terroriste, sort de sa maison avec son fusil. Alors qu’il s’approche du groupe terroriste, il est accueilli par une rafale de Kalachnikov tirée dans son dos. Rabah s’écroule, le dos criblé et la tête presque éclatée.
Karim, son neveu, 27, chômeur, sort également de la maison un fusil à la main. Il est accueilli lui aussi par une rafale tirée dans son dos. Karim tombe, le corps criblé de balles.
Mourad, le frère de Rabah, a eu plus de chance. Blessé au bras, il est aujourd’hui hospitalisé à Tizi Ouzou.
Brahim exécuté à bout portant
Brahim lui a connu un sort funeste. Otage des terroristes, il est exécuté à bout portant par une rafale. Trois hommes, tous proches, sont assassinés en quelques minutes ce nuit de jeudi 18 août à l’heure du diable. Le forfait accompli, le groupe prend la fuite, descend un oued sec et disparait dans le maquis.
Depuis jeudi, des familles sont en deuil et une population est en colère.