Discrètement mais sûrement, l’Algérie s’impose comme l’un des rares pays arabes à posséder un programme nucléaire civil structuré, conforme aux standards internationaux. Avec deux réacteurs de recherche opérationnels, une législation nucléaire robuste et d’importantes réserves d’uranium, le pays se distingue dans un paysage régional longtemps marqué par des projets avortés ou abandonnés.
À l’instar de l’Égypte, du Liban et de l’Irak, l’Algérie a exploré la voie nucléaire dès les années 1980, mais en privilégiant une approche strictement civile. En 1983, un accord de coopération avec la Chine a permis la construction du réacteur Es-Salam à Aïn Oussara (15 MW), mis en service en 1993. Un second réacteur plus modeste, à Draria, est également utilisé à des fins de formation et de recherche.
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Contrairement à d’autres pays de la région, l’Algérie n’a jamais été au cœur de soupçons de dérives militaires. Le pays a adhéré dès 1992 au Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), et s’est engagé, depuis, à garantir la transparence de ses installations. L’adoption en 2019 de la loi n° 19-05 encadrant les activités nucléaires a été saluée par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

L’AIEA salue l’exemplarité juridique de l’Algérie
Présente récemment à Alger, la juriste Christelle Drillat, représentante de l’AIEA, a souligné « la rigueur législative remarquable de l’Algérie en matière nucléaire ». Lors d’un atelier national consacré au droit nucléaire, elle a insisté sur l’importance d’un cadre juridique robuste pour garantir une utilisation pacifique des technologies atomiques.
L’AIEA a d’ailleurs choisi Alger pour abriter, en 2025, un cours avancé de droit nucléaire en langue française, un fait inédit qui témoigne de la crédibilité acquise par le pays dans ce domaine sensible.
Un potentiel stratégique en suspens
Sur le plan des ressources, l’Algérie figure parmi les pays les mieux dotés en uranium dans la région MENA. Avec environ 29 000 tonnes de réserves situées principalement dans le massif du Hoggar, le pays occupe le troisième rang régional après l’Arabie saoudite et l’Égypte. Toutefois, un moratoire sur leur exploitation est en vigueur depuis 2012, pour des raisons stratégiques et environnementales.
La mise en valeur de ce potentiel se heurte à plusieurs défis : investissements lourds (plus de 2 milliards de dollars estimés), absence de cadre réglementaire spécifique à l’exploitation minière nucléaire, et préoccupations écologiques dans des zones sensibles.
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Alors que plusieurs pays de la région – comme l’Arabie saoudite avec son projet de 17 GW nucléaires ou l’Égypte avec la centrale de Dabaa – intensifient leurs ambitions nucléaires, l’Algérie pourrait à moyen terme reconsidérer sa position. La transition énergétique mondiale, la pression climatique et la nécessité de diversifier les sources d’énergie offrent un contexte favorable à l’essor du nucléaire civil.
Des partenariats technologiques avec la Chine ou la Russie, déjà actives dans le secteur, pourraient accélérer ce virage stratégique, si le pays décide d’activer cette option.
Loin des velléités militaires ou des échecs retentissants observés dans d’autres capitales arabes, l’Algérie a bâti un programme nucléaire civil discret mais solide, axé sur la formation, la recherche et la santé. Avec ses ressources naturelles et son cadre légal salué à l’international, elle dispose désormais des atouts nécessaires pour transformer son potentiel atomique en levier stratégique au service de son développement.