L’accord destiné à mettre fin à douze ans de tensions autour du dossier nucléaire iranien a été formellement conclu hier à Vienne entre l’Iran et les grandes puissances, a annoncé, à la mi-journée, la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini. «Nous avons l’accord», a-t-elle déclaré, soulignant que les négociations étaient «achevées».
Cet accord intervient au terme de 21 mois de pourparlers et au 18e jour de pourparlers acharnés dans la capitale autrichienne, l’une des plus longs rounds de ce type depuis un quart de siècle. Ainsi, l’Iran et les grandes puissances ont conclu hier un accord historique qui rend quasi impossible, la construction d’une bombe atomique par Téhéran pendant plusieurs années, en échange d’une levée progressive des sanctions. Ce succès diplomatique referme un dossier qui empoisonnait les relations internationales depuis plus de 12 ans. «Les décisions que nous prenons aujourd’hui (hier ndlr) ne portent pas seulement sur le nucléaire iranien, mais (…) peuvent ouvrir un nouveau chapitre sur les relations internationales», a déclaré la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, à l’ouverture de la réunion ministérielle qui devait officialiser l’accord.
À ses côtés, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a salué un «moment historique», tout en soulignant qu’aucun accord «ne pouvait être parfait pour toutes les parties». L’accord ouvre la voie à une normalisation des relations économiques et diplomatiques de l’Iran avec la communauté internationale. C’est aussi la première fois qu’un accord à ce niveau lie la République islamique et les États-Unis depuis la rupture de leurs relations diplomatiques en 1980. Ce dénouement marque un succès majeur pour le Président iranien Hassan Rohani, et pour Barack Obama. Deux semaines après la réconciliation avec Cuba, le Président américain marque en effet d’une seconde pierre blanche diplomatique, la fin de son dernier mandat.
L’entente a été arrachée, à l’issue d’un marathon diplomatique entamé en septembre 2013 et dont le dernier round s’est tenu sans interruption à Vienne, ces 18 derniers jours, un final d’une longueur sans précédent. Les tractations entre l’Iran et le groupe P5+1 étaient censées se conclure le 30 juin, mais ont été prolongées à plusieurs reprises en raison de blocages sur deux ou trois «questions difficiles» finalement résolues in extremis. Les deux parties ont insisté sur la nécessité de parvenir à un «bon» accord, M. Kerry soulignant, notamment que celui-ci devrait résister à l’épreuve du temps. L’accord final régule, dans leurs moindres détails, de grands principes actés à Lausanne en avril : Téhéran s’engage à réduire ses capacités nucléaires (centrifugeuses, stock d’uranium enrichi… ) pendant plusieurs années, et à laisser les inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) procéder à des inspections plus poussées.
Ainsi, l’Iran a accepté un accès limité à des sites militaires dans le cadre du Protocole additionnel qui permet un contrôle renforcé du programme nucléaire iranien, selon un officiel iranien. «Nos sites militaires ne sont pas ouverts aux visiteurs car chaque pays a le droit de protéger ses secrets. L’Iran n’est pas une exception. Néanmoins, l’Iran va appliquer le protocole additionnel (au Traité de non-prolifération nucléaire, ndlr) et, sur cette base, fournir un accès programmé» à certains sites militaires définis par ce texte, a déclaré ce responsable. Le but est de rendre quasiment impossible la possibilité pour Téhéran de fabriquer une bombe atomique, tout en assurant à la République islamique, le droit de développer une filière nucléaire civile. En échange, l’Iran bénéficiera surtout d’une levée des sanctions internationales adoptées depuis 2006 par les États-Unis, l’Union européenne et l’Onu. Les premières sanctions pourront être levées à partir du premier semestre 2016 si la République islamique respecte ses premiers engagements, selon une source diplomatique.
En cas de violation de l’accord, elles pourront être rétablies. Les milieux économiques se tiennent prêts à revenir dans ce pays de 77 millions d’habitants, qui dispose des quatrièmes réserves de brut au monde et des deuxièmes de gaz. L’Iran, un pays de l’Opep, pourra à terme exporter à nouveau librement son brut. Les Iraniens, qui ont élu Hassan Rohani à la présidence en 2013 sur la promesse de levée des sanctions, attendaient un tel accord avec impatience. Mais les tenants d’une ligne dure en Iran aussi bien qu’aux États-Unis n’ont cessé d’exprimer leur hostilité aux discussions. À Washington, l’accord doit désormais être soumis au Congrès, contrôlé par les Républicains qui sont très méfiants envers Téhéran. Le chef du groupe au Sénat a déjà prévenu que l’accord serait «très difficile à vendre» aux parlementaires américains. Il leur faudrait toutefois une majorité de deux tiers pour faire capoter le texte. Tout en mettant en garde le Congrès contre un vote «irresponsable», le Président Obama a jugé que l’accord permettrait d’ouvrir une nouvelle ère dans les relations entre l’Iran et les États-Unis.
«Cet accord nous donne une chance d’aller dans une nouvelle direction. Nous devons la saisir», promettant aussi la levée de sanctions américaines contre l’Iran. «Si l’Iran viole l’accord, toutes ces sanctions seront remises en place», s’est-il toutefois engagé. Le Président russe, Vladimir Poutine, a salué, pour sa part, l’accord, en estimant que la communauté internationale pouvait désormais pousser «un grand soupir de soulagement» après de longues années de pourparlers. Malgré les «tentatives plaidant en faveur d’un recours à la force», les participants aux négociations entre l’Iran et le groupe des 5+1 «ont fait un choix décisif pour la stabilité et la coopération», a déclaré M. Poutine dans un communiqué du Kremlin.
«Nous sommes convaincus que le monde a poussé aujourd’hui un grand soupir de soulagement», a-t-il ajouté. «Nous comptons que toutes les parties concernées, et en premier lieu les pays des 5+1, mettent en œuvre l’accord dans sa totalité», a poursuivi le Président russe, promettant de son côté que la Russie ferait «tout son possible» pour que l’accord fonctionne. À Téhéran, le guide suprême Ali Khamenei a lui prévenu, la semaine dernière, qu’un accord n’empêcherait pas de poursuivre la lutte contre les États-Unis «exemple parfait de l’arrogance». L’application du texte «sera un processus très compliqué», selon des universitaires avertis des relations internationales. Cependant, une grande inconnue demeure, à savoir l’attitude d’Israël qui a toujours fait montre de son aversion pour ce genre de dénouement…
M. T.
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L’Algérie se félicite
L’Algérie se félicite de l’aboutissement de l’accord historique conclu, ce jour, entre la République islamique d’Iran et le Groupe 5+1, sur le programme nucléaire iranien, après de longues et laborieuses années de négociations. Importante victoire de la diplomatie et du dialogue, cet accord constitue un choix décisif en faveur de la paix et de la sécurité internationales, en ce qu’il dégage de nouvelles perspectives de stabilité et de développement pour les pays et les peuples de la région. La communauté internationale doit s’inspirer de cet exemple édifiant pour l’aboutissement des efforts en faveur du désarmement nucléaire et la non-prolifération, ainsi que la consécration du droit des États à l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire au bénéfice du développement. L’Algérie présente ses félicitations à toutes les parties ayant contribué au couronnement de ces négociations et les exhorte à œuvrer à l’application de l’accord signé. L’Algérie réitère son soutien aux efforts de la communauté internationale en faveur du désarmement, et forme le vœu que cet accord puisse concourir positivement à la réalisation de l’objectif d’un monde sans armes nucléaires.
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La communauté internationale salue la signature de l’accord
Les membres de la communauté internationale se sont félicités mardi, de l’accord nucléaire « historique » conclu à Vienne avec les grandes puissances, qui met fin à une longue série de négociations ardues ouvrant ainsi la brèche à une nouvelle ère dans les relations internationales. L’accord sur le programme nucléaire iranien scellé entre Téhéran et les grandes puissances P5+1 (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) n’a pas laissé le monde indifférent. De Washington à Moscou en passant par Téhéran, les dirigeants du monde entier ont salué l’accord en y voyant la « chance » d’une nouvelle ère dans les relations internationales.
Le président Rohani rassure
Quelques minutes après la conclusion de l’accord, le président iranien Hassan Rohani a estimé dans une allocution que l’accord était « un point de départ » pour rétablir la confiance avec les Occidentaux.
« Si cet accord est appliqué correctement (…) nous pouvons peu à peu éliminer la méfiance », a-t-il affirmé en assurant, que son pays ne chercherait « jamais à avoir l’arme nucléaire ».
Il a ajouté que la poursuite des recherches en vue d’obtenir la bombe atomique sera interdite, promettant aux pays de la région qui s’inquiètent du programme nucléaire iranien, que ce dernier n’avait jamais cherché « à mettre la pression » sur ses voisins et qu’il ne le ferait jamais.
Obama parle de « vérifications » mais pas de « confiance »
Le président américain Barack Obama a jugé pour sa part que l’accord sur le nucléaire iranien donne une « chance d’aller dans une nouvelle direction ». « Grâce à cet accord, la communauté internationale sera capable de s’assurer que la République islamique d’Iran ne développe pas une arme nucléaire », s’est félicité M. Obama, qui a fait de cette question l’une des priorités de sa politique étrangère. Cependant, il a souligné que si l’Iran ne respectait pas ses engagements, « toutes les sanctions » seraient rétablies. « Toutes les voies vers une arme nucléaire ont été coupées », a-t-il martelé.
Il a clairement fait savoir que « cet accord n’est pas fondé sur la confiance. Il est fondé sur les vérifications. Les inspecteurs auront un accès 24 heures sur 24 aux installations nucléaires iraniennes clés ».
La communauté internationale salue l’accord de Vienne
Outre Washington et Téhéran, l’accord de Vienne a été favorablement accueilli par les autres pays du groupe P5+1. A Londres, le Premier ministre David Cameron a salué un accord « historique » qui « contribuera à faire de notre monde un endroit plus sûr ».
Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon a également jugé l’accord d’ »important et historique » et peut « contribuer de manière essentielle à la paix et la stabilité dans la région et au delà ».
L’accord « représente une percée historique », a estimé le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, appelant l’Iran à respecter ses engagements.
A Paris, le président François Hollande s’est réjoui d’un accord « très important » qui démontre que « le monde avance ». Il a également appelé l’Iran à profiter de cette opportunité pour aider la coalition internationale sur le dossier syrien.
A Moscou, le président russe Vladimir Poutine a jugé que l’accord donnerait un « puissant élan » aux relations entre l’Iran et la Russie, qui « ne seront plus affectées par des facteurs extérieurs ».
Les capitales internationales ont également salué la méthode et le travail intense de négociation mené au cours des derniers mois pour sceller cet accord.
L’issue des pourparlers « démontre l’efficacité de la diplomatie et du dialogue comme contribution à la réduction du risque d’instabilité dans la région », a estimé le ministre italien des Affaires étrangères, Paolo Gentiloni.
Le monde arabe pas en marge
Signe de la portée historique de l’accord de Vienne, sa signature a fait réagir dans le monde entier largement au-delà du groupe P5+1.
En Syrie, le président Bachar al-Assad a adressé une lettre au guide suprême iranien Ali Khamenei pour le féliciter d’une « grande victoire ».
Les Emirats arabes unis ont salué un accord qui peut ouvrir « une nouvelle page dans les relations entre les pays de la région du Golfe ».
« L’Iran peut avoir un rôle dans la région à condition qu’il révise sa politique et cesse ses ingérences dans les affaires intérieures de pays comme l’Irak, la Syrie, le Liban et le Yémen », a indiqué un responsable émirati.
Après douze ans de crise, l’Iran se dirige vers une normalisation des relations économiques et diplomatiques avec la communauté internationale, au moment où le Proche-Orient est déchiré par de nombreux conflits.
La signature de l’accord a porté un coup de massue à Israël qui a mené pendant des mois une campagne déterminée contre la conclusion de l’accord sur le nucléaire iranien.