Novembre, la fin de l’illusion coloniale

Novembre, la fin de l’illusion coloniale
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Le 1er novembre 1954, à minuit, des édifices officiels dont des casernes, des commissariats de police et des brigades de gendarmerie sont la cible d’attentats qui feront 9 morts et 4 blessés parmi les Français. C’est le début de l’insurrection armée annonciatrice de l’indépendance de l’Algérie.

Alors que le principal parti nationaliste se morfondait dans une profonde crise et que ses activistes croupissaient dans les geôles coloniales après le démantèlement de l’Organisation spéciale, la branche armée du MTLD, chargée de préparer la guerre révolutionnaire, des actions armées, d’apparence désordonnées, éclatèrent dans la nuit de la Toussaint, dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, à travers toute l’étendue du territoire.

Très vite, les autorités coloniales vont comprendre le sens de ces opérations armées, qui plus est dirigées contre des symboles forts de la présence française en Algérie.

C’est le début de la guerre révolutionnaire, la même à laquelle la France a dû faire face en Indochine, et que lui déclare, maintenant, le FLN, une formation politique encore inconnue, mais avec laquelle elle devra compter jusqu’en 1962.

LG Algérie

Les opérations décidées par le groupe restreint de militants rescapés de l’OS (les 21, puis les 6) sont en effet signées de ce sigle qui, au fil des années, va s’affirmer en fait comme le porte-flambeau de la lutte pour l’indépendance. Mais, convaincus que l’Algérie était définitivement pacifiée et que les Algériens, terrassés par les terribles massacres de mai 1945, n’allaient plus relever la tête, les autorités coloniales,

ébranlées certes par l’audace des assaillants, attribuèrent la paternité de ces actes à un complot orchestré par Le Caire et exécuté par des Algériens manipulés par les services secrets égyptiens.

C’était sous-estimer les immenses capacités du mouvement national et, surtout, la volonté des algériens d’en finir avec le système inique et profondément injuste du colonat.

Le 1er novembre, expliqueront plus tard les principaux animateurs du mouvement nationaliste radical, n’est en fait que l’aboutissement d’une longue lutte menée par le peuple algérien pour son affranchissement de l’occupation coloniale. Cette lutte, qui n’a pratiquement pas cessé depuis le débarquement du corps expéditionnaire français à Sidi Fredj en 1830, jusqu’aux dernières batailles livrées par les katibas de l’ALN à l’armée française dans les massifs des Aurès, le nord Constantinois, la Kabylie et les frontières Est et Ouest.

Novembre 1954 se situe, en réalité, dans le prolongement de la résistance populaire, incarnée d’abord par les tribus de l’Algérois, les Kabyles et les Hadjouts qui opposèrent de farouches batailles aux soldats du duc de Bourmont, ensuite par l’Emir Abdelkader et El Hadj Ahmed Bey,

et enfin par les grands chefs de tribus Zeghdoud à l’Est, Bouchachia au Sahara central, El Mokrani au Centre et Bouamama au Sud-Ouest. Et l’on passe sur les révoltes spontanées mais vite réprimées des Zaatcha de Biskra, des Bajouda d’In Salah, des Touareg du Hoggar ou des Righa du côté de Aïn Torki, sans omettre les Icheridène dirigés par Lalla Fatma n’Soumer.

On ne peut en effet comprendre le sens de cet événement historique qu’en se référant à la condition ignominieuse faite au peuple algérien. Dépossession, mise sous séquestre des terres et des biens, politique de la terre brûlée et expéditions punitives ont réduit le peuple algérien à la misère. Plus grave, la conquête française a provoqué un véritable désastre démographique entre 1866-1867, qui vit la population «indigène» diminuer de plus de la moitié.

Implacable, le système colonial imposa le code infamant de l’indigénat, détruisit les bases matérielles de l’enseignement, réduisit les élites à la misère, priva le peuple de sa religion.

Cette politique dite de pacification ne fit, en réalité, qu’accroître le sentiment anticolonial et cultiver le sens du patriotisme et du nationalisme parmi les couches les plus évoluées de la population, lesquelles, à leur tour, l’inculqueront,

avec parcimonie certes, et les maigres moyens que leur permettra leur condition, à d’autres Algériens d’extraction très modeste. Novembre 1954 a été aussi le fait de l’intelligentsia algérienne, si faible au plan numérique, mais très forte au plan de la propagation des idées.

Abdelkader Medjaoui, Abdelhalim Ben Smaïa, Mohamed Ben Cheneb et Abdelhamid Benbadis, entre autres, feront partie de cette élite qui comptera pour beaucoup dans l’éveil de la conscience nationale. Les survivants de Novembre pourront en témoigner.

Par Ali Laïb