Cinquante-huit ans, jour pour jour, après le déclenchement, le 1er Novembre 1954, de la Révolution algérienne et cinquante années après l’indépendance, peu de choses est su sur cette «séquence» de notre histoire, celle de la période de la guerre 1954- 1962, l’une des plus dévastatrices du vingtième siècle et, davantage encore, sur la teneur réelle des accords d’Evian qui régissent toujours les relations algéro-françaises.
– Tout est dans ces accords-là, en fait, notamment dans ses clauses secrètes qui demeurent en grande partie un mystère bien gardé des deux côtés de la Méditerranée. Pour preuve, et si depuis 2009 la classe politique en Algérie, la société civile et toutes les entités composant «la famille révolutionnaire » chapeautée par le Front de libération nationale ne cessent de réclamer la «repentance et les excuses de la France pour ses crimes en Algérie», personne ne s’est jamais posé la question qui compte vraiment : pourquoi, à aucun moment, aucun responsable officiel algérien, Bouteflika en tête, n’a fait sienne une telle revendication ? Oui ! les faits sont têtus : jamais l’Algérie officielle n’est allée jusque-là, et ce, depuis Ben Bella. Depuis le 3 juillet 1962 et l’accession au pouvoir de ce dernier, convenue entre de Gaulle et Jamal Abdenacer, l’histoire de la Révolution algérienne est otage du clan de Oujda dont l’Algérie subit encore les conséquences du putsch de 1957 avec l’assassinat de Abane Ramdane. Dans aucun manuel de l’histoire nationale il est écrit, par exemple, que les accords d’Evian stipulent, dans une clause secrète, que les archives de ce que les Français appellent «la guerre d’Algérie» ne seront pas rendues publiques pour une durée de soixante-quinze ans à compter du 3 juillet 1962 ! Et encore : sous Sarkozy, la France allonge cette période, via un décret non publiable, jusqu’à cent ans ! L’objectif d’une telle clause est évident : le jour où les archives liées à cette période de notre histoire seront à la portée du public, aucun des acteurs physiques de la guerre et de l’après-guerre immédiat ne sera de ce monde. Beaucoup de mythes tomberont lorsqu’on saura, par exemple, que les essais nucléaires français dans le Sahara n’ont cessé qu’après la mort de Houari Boumediène, ou qu’à l’indépendance, les statistiques confirmées par diverses sources crédibles et qui étaient au cœur même des événements font état de 6 000 à 8 000 combattants de l’Armée de libération nationale (il s’agit de l’armée de l’intérieur) qui ont survécu à la guerre et à l’infernale machine militaire coloniale. En face, le corps de la Harka était composé de 200 000 à 300 000 harkis en uniforme. Sans parler des autres collaborateurs et autres traîtres en civil. Le peuple algérien qui a subi dans sa chair les atrocités inhumaines d’une colonisation abjecte d’abord, et qui payera un lourd tribu dans sa lutte armée contre une puissance mondiale, vivra un autre cauchemar durant l’été 1962 lorsque les troupes de Houari Boumediène et de Ben Bella, stationnées en Tunisie, font route vers Alger. Un assaut contre l’armée de l’intérieur sortie exsangue de huit années d’une terrible guerre et qui n’a pu faire face à l’armada de Boumediène et de Ben Bella. C’était le début de ce que Ferhat Abbas appellera «l’indépendance confisquée».
K. A.
Le retour d’exigence de reconnaissance du crime colonial français
Reconnaissance du crime colonial en Algérie par la France, ni la repentance ou encore moins la réconciliation historique ne sont pour demain.
D’aucuns pensaient que la reconnaissance en octobre dernier par le président François Hollande des massacres commis par la France le 17 Octobre 1961 sur des milliers d’Algériens à Paris était un geste d’une très grande portée qui allait apaiser les relations entre les deux pays, contribuer à tourner la page d’exigence de la reconnaissance de crimes coloniaux perpétrés par la France en Algérie et faciliter les discussions entre les deux parties lors de la visite d’Etat en Algérie, début décembre, du président Hollande. C’était compter sans la sortie, à deux jours de la célébration du 1er Novembre 1954, de Mohamed- Cherif Abbas, ministre des Moudjahidine, qui vient de rappeler que les Algériens veulent une «reconnaissance franche des crimes perpétrés à leur encontre» et sans une déclaration précédente, celle de Farouk Ksentini, président de la Commission des droits de l’homme, plus tranchée encore, demandant à la France de se repentir. La pression est là, le lourd passé colonial s’invite non seulement au débat mais il vient perturber l’image idyllique d’un ciel sans nuages que beaucoup se sont précipités à dessiner après la déclaration de Hollande sur les massacres du 17 Octobre. La commémoration du 58e anniversaire du déclenchement de la guerre d’Algérie – le 1er Novembre 1954 — offre naturellement l’occasion de rappeler que les Algériens se sont alors engagés dans la décolonisation de leur pays, la plus longue et la plus meurtrière décolonisation à travers le monde. Ces meurtres sont loin d’être reconnus par l’Etat colonial qui les a perpétrés et qui a attendu 1999, soit 45 ans après son déclenchement, pour que le terme approprié de guerre d’Algérie soit reconnu par la France qui la qualifiait jusque-là d’événements. Gauche ou droite successivement au pouvoir en France faisaient la sourde oreille jusqu’à cette reconnaissance des massacres du 17 Octobre par Hollande. «Nous voulons comme vous, nous tourner vers le futur et essayer d’en faire un avenir de paix et de prospérité pour les jeunes de nos pays», écrivait dans une lettre, à l’occasion du 14 Juillet dernier, le président Bouteflika à son homologue français. Il ajoutait : «Il faut un examen lucide et courageux du passé.» Comme pour lui indiquer qu’il a été bien entendu, Hollande, dans sa déclaration de reconnaissance des massacres du 17 Octobre, évoque précisément ce terme de lucidité. Mais cela est loin de ce qui était attendu, et Farouk Ksentini comme Cherif Abbas, alors que la réaction officielle sur la reconnaissance de Hollande promise par le ministre des Affaires étrangères n’est toujours pas intervenue, il semble que cette réponse a été déléguée à un membre du gouvernement — le ministre des Moudjahidine — laissant ainsi une marge de manœuvre aux responsables de l’Etat pour moduler leur position en fonction de la conjoncture bilatérale du moment. Dans sa déclaration à l’APS, Mohamed Cherif Abbas considère que la reconnaissance par Hollande des massacres du 17 Octobre «est d’abord politique vu la manière dont elle a été conçue». Le ministre des Moudjahidine ne précise pas ce qu’il entend par «politique » et l’on est tenté de penser qu’il considère que Hollande devant arriver en Algérie, cette reconnaissance n’est que conjoncturelle, ou qu’elle n’a été consentie que pour les retombées économiques que pourrait engendrer sa visite après ce positionnement. Toutes ces supputations pourraient fonctionner si l’on n’occulte pas le fait que Hollande — quand bien même il serait partisan, fortement convaincu des crimes coloniaux, ce qui n’a pas encore été totalement prouvé — est obligé pour l’instant de ne pas trop heurter les nostalgiques de l’Algérie française, tellement puissants encore dans l’Hexagone. Quant aux officiels algériens, s’ils ne se sont pas manifestés eux aussi «franchement», c’est parce que ce passé colonial non encore reconnu alimente la scène politique et fait oublier quelque peu les difficultés internes du présent. La réconciliation historique entre les deux pays n’est sûrement pas pour demain.
Khedidja Baba-Ahmed
www.khedidja_b@yahoo.fr
Ces Algériens d’origine européenne victimes de l’oubli
Par Hassane Zerrouky
En ce 58e anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération nationale, un hommage sera rendu à ceux qui sont tombés pour l’indépendance du pays. Parmi eux, il y avait beaucoup d’Algériens d’origine européenne ou issus de la communauté juive. Certes, depuis quelques années, on commémore la mort d’Henri Maillot, de Fernand Yveton, voire de Maurice Laban. Octobre 1988, surtout, a permis cette ouverture politique, quoique imparfaite, qui fait que depuis 1989, un tabou a été brisé, que dans une certaine mesure «il est interdit d’interdire », du moins en ce qui concerne la mémoire. En effet, qui aurait imaginé en 1980, à l’époque du parti et de la pensée uniques, que Mohamed Harbi, Dahou Djerbal, Benjamin Stora, Gilbert Meynier et d’autres universitaires ou acteurs de la guerre de Libération nationale, animeraient des conférences à Alger sur le mouvement national ? Et quoi qu’on en pense, pas un jour ne passe sans que la presse se fasse l’écho de témoignages et de récits d’acteurs du mouvement national, de comptes-rendus de débats sur le passé de notre pays, qui chacun à leur manière, nous aide à nous approprier une part de notre histoire. C’est dans ce contexte, dans le cadre de cette chronique, je rendrai donc hommage à ces militants d’origine européenne en s’appuyant sur le livre Le Camp de Lodi de Natalie de Funès, journaliste au Nouvel Observateur. J’ai découvert ce livre grâce à l’ancien journaliste d’ Alger républicain et ancien détenu de Lodi Jean-Pierre Saïd. J’y ai découvert l’histoire de ces Algériens d’origine européenne dont le combat et le sacrifice pour l’indépendance nationale n’ont pas été payés de retour. Pas la moindre «petite» reconnaissance. Rien. De 1955 à 1960, le centre d’internement de Lodi, près de Médéa, verra passer en moyenne 150 «hébergés» terme officiel désignant les prisonniers. Particularité de ce camp : c’est le seul réservé aux «Européens», c’est «le camp des pieds-noirs». L’ouvrage de Nathalie Funès, Le Camp de Lodi, Algérie 1954-1962, éclaire cet aspect tout à fait méconnu de la guerre d’Algérie, en s’appuyant sur les archives provenant des «Archives nationales d’Outremer» d’Aix-en-Provence et sur les témoignages d’anciens prisonniers. Enfermés de façon arbitraire, sur simple arrêté préfectoral, sans motif d’inculpation, sans procès, ni jugement, ces «hébergés» s’entassent dans des conditions épouvantables de surpopulation qu’ils dénonceront à maintes reprises dans des pétitions et lettres aux ministres qui ne sortiront évidemment jamais du camp. Qui sont-ils ? Des militants communistes dès l’automne 1956, comme René Justrabo, ancien maire de Sidi-Bel-Abbès et ex-représentant de l’Assemblée algérienne, ou comme les frères Meyer et Gabriel Timsit qui, ayant écopé d’un an avec sursis, resteront trois ans à Lodi. Ou encore Jean Farrugia, arrêté après avoir participé au détournement des armes d’Henri Maillot, «l’opération la plus symbolique de l’entrée en guerre, Henri Alleg juste après avoir subi «la question», des pieds-noirs indépendantistes », écrit l’auteure. Ou notre ami Maurice Baglioto dit Momo. Et nombreux sont ceux parmi les prisonniers, qui, comme Farrugia, ont déjà connu les camps nazis durant la Seconde Guerre mondiale. Mais Lodi verra arriver aussi les frères Perles, toute la famille (le père, la mère, les quatre sœurs et les deux plus jeunes frères) arrêtée une nuit de 1957 à El-Harrach par les paras de Bigeard alors que seul l’aîné, Roger, membre du PCA (Parti communiste algérien), militait, et qui resteront au camp jusqu’en 1960. La grève générale du 28 janvier 1957, suivie par les «hébergés», marquera un durcissement des conditions de détention à Lodi. Les prisonniers seront privés de tout contact avec l’extérieur, ils ne pourront plus voir leurs avocats. Quand ils les verront arriver en février 1957, ce ne sera pas pour s’occuper de leurs dossiers mais parce qu’ils viendront grossir les rangs des détenus. Ainsi, Albert Smadja et Elie Guedj ne seront libérés qu’en 1958. Dans le camp, les prisonniers s’organisent. Et quand le 13 mai 1958, à Alger, la foule européenne menée par les Lagaillarde, Ortiz, Susini, hurle «Tous à Lodi ! Tous à Lodi !» pour faire la peau à ces «traîtres», les détenus fabriquent à l’insu des gardiens toutes sortes d’armes artisanales, décidés à vendre chèrement leur peau ! Nathalie Funès relate les itinéraires individuels de ces hommes de toutes conditions qu’un même engagement anticolonialiste va amener à subir l’arbitraire, la répression, la torture. «Le moral n’est pas bon», écrit l’auteure jusqu’à ce jour de mars 1958 où «ils avaient assisté à un combat (…) comme dans un film en technicolor » entre l’ALN et l’armée française. Au grand dam du directeur du camp déplorant dans un rapport transmis à ses supérieurs que la plupart des détenus s’étaient «réjouis» de voir un avion abattu par l’ALN s’écrasant juste devant les barbelés entourant le camp. A l’indépendance, après le coup d’Etat du 19 juin 1965, la plupart d’entre eux, à qui la nationalité algérienne n’avait pas été accordée d’office, sont interpellés et expulsés vers la France ! Voilà comment ces fils de la terre algérienne ont été remerciés !
H. Z.
Nathalie Funès, Le Camp de Lodi, Algérie 1954-1962. Ed. Stock. Paris.
ILS S’AFFRANCHISSENT DE PLUS EN PLUS DE L’HISTOIRE OFFICIELLE
Les Algériens fiers
Elle est loin, de plus en plus loin, l’époque, cette triste époque, où des lycéens bien de chez nous étaient sortis dans la rue pour revendiquer leur dispense des cours d’histoire. Un acte qui constituait, en fait, le summum du désintérêt, voire de l’aversion des générations, notamment post-indépendance, pour leur passé.
M. Kebci – Alger (Le Soir) – Un passé tout ce qu’il y a pourtant d’aussi glorieux et légendaire qui, à force d’être trituré et fossoyé par les partisans de la 25e heure, a fini par être perverti et produire au bout, l’exact effet inverse chez les populations, même contemporaines de ces hauts faits de bravoure et de suprême sacrifice pour la mère-patrie. Ne dit-on pas qu’à force de sacraliser le passé, on compromet le présent et on assassine l’avenir ? Et pour ne parler que de l’Histoire de la glorieuse Révolution de Novembre 1954 dont nous fêtons, aujourd’hui, le 58e anniversaire, celle-ci a été tellement pervertie qu’elle a fini par ne rien signifier pour grand nombre, cinquante années après le recouvrement de l’indépendance. Mais il ne pouvait point en être autrement quand cette Histoire a de tout temps constitué l’apanage exclusif du pouvoir sur laquelle il a érigé son règne, contraignant au silence toute autre version qui pouvait contredire la sienne. Les jeunes Algériens n’ont-ils pas eu vent de l’ «existence» d’Aït- Ahmed qu’à la faveur du multipartisme ayant permis la légalisation de son parti, en 1989 ? Ces mêmes jeunes n’ont-ils pas fait connaissance d’un autre acteur du mouvement national, Mohamed Boudiaf, que lorsque ce dernier a répondu, une fois de plus, à l’appel de la patrie en janvier 1992 pour être assassiné moins de six mois plus tard ? Des ténors aux côtés de bien d’autres qui n’ont eu droit qu’à une évocation furtive dans les manuels scolaires quand ils n’y figurent tout simplement pas. Des «omissions » loin de relever du hasard car rentrant dans le sillage d’une vaste entreprise de sacralisation d’une révolution pour mieux s’en servir à ne point s’en rassasier. Fort heureusement que certains des véritables acteurs de cette mémorable épopée, et certainement pour libérer leur conscience au crépuscule de leur vie, livrent, ces derniers temps, leurs témoignages sous forme de mémoires. Une nouvelle littérature qui, depuis, dame le pion à celles, classiques, avec un engouement sans précédent perceptible notamment chez les jeunes générations qui n’ont de la Révolution qu’une vague et approximative idée. On se rappelle, fort-à-propos, de l’intérêt qu’a suscité, en mars 2010, le livre consacré par Saïd Sadi à l’un des chefs historiques de la Révolution, le Colonel Amirouche. Plus de 60 000 exemplaires ont été vendus en moins d’un mois et l’auteur en est actuellement à sa troisième édition avec une version en arabe sur demande pressante d’un lectorat de plus en plus large, se recrutant dans les diverses couches de la société. Un ouvrage qui a, aussi, suscité, bien d’intenses débats plus que toutes les autres publications qui ont vu le jour, soit avant ou après. Ce qui dénote, on ne peut plus clairement, de l’intérêt que portent les jeunes d’aujourd’hui à leur Histoire qu’ils espèrent, enfin, débarrassée des pesanteurs de légitimité que des «esprits» veulent à tout prix pérenniser pour éterniser leurs «acquis». Il reste que l’édition dédiée à l’Histoire du pays, celle rapportée par ses véritables acteurs, n’est qu’à ses débuts. Il est à espérer que les langues se «délient» de plus en plus, ce qui permettra un maximum de témoignages et donc d’éclairages à même de constituer la matière première pour les historiens, appelés tôt ou tard à s’y intéresser et s’y appesantir.
M. K.
NOVEMBRE À BRUXELLES, OU CES BELGES QUI ONT COMBATTU POUR L’ALGÉRIE
Nedjmaet le Front du Nord
De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari
Le 1er Novembre à Bruxelles se célébrait, ces années-là, chez Serge Moureaux, avocat du FLN et redoutable porteur de valises. Quelques passagers clandestins de l’époque, Mohamed Boudiaf, O. Boudaoud, Ali Haroun, M. Cherif Fellidj… chez Moureaux tout y passait : armes, vrais-faux documents, pièces d’identité sorties de chez Cudell, celui du Font du Nord…
Situé avenue du 11- Novembre, à quelques encablures du quartier européen, l’appartement, propriété de Serge Moureaux, collectif des avocats du FLN et redoutable porteur de valises, était un repaire, un nid d’indépendantistes, une «cache de fellaghas », selon la police française. Y ont séjourné Ali Haroun, Omar Boudaoud, Cherif Méziane, Fellidj et des anonymes, véritables héros, discrets, beaucoup parmi eux sont morts depuis… De la promotion de Nejdma en passant par la représentation de L’homme aux sandales de caoutchouc ou le Cadavre encerclé, la délivrance des vrais-faux documents, l’accueil des résistants, l’acheminement des armes pour le FLN, la Belgique a été de toutes les luttes pour l’indépendance de l’Algérie. La Belgique a constitué dans les années de résistance (1954-1962) une véritable base arrière pour le FLN. Lorsqu’on évoque la Fédération de France du FLN, c’est un concept opératoire, alors qu’en définitive, cette structure englobait les réseaux suisses, allemands, suédois, danois et, notamment, belges. Guy Cudell, décédé, ex-ministre, ex-bourgmestre, ayant occupé des responsabilités de premier plan, ici, a écrit un ouvrage rendant hommage aux Belges, les Européens qui ont soutenu l’indépendance de l’Algérie. Ils avaient toutes et tous, un seule et unique motivation : la justice. D’un mot, ils agissaient en leur âme et conscience et par principes. L’ouvrage de M. Cudell, Le Front du Nord, est un témoignage précieux, une pièce maîtresse dans le dispositif anti-colonial. Lorsqu’en France, la situation devenait intenable, l’étau se resserrait autour des militants FLN, la Belgique offrait des possibilités réelles de survie, d’existence politique et de continuité de combat. Les pièces de théâtre de Kateb Yacine Le Cadavre encerclé, L’homme aux sandales de caoutchouc notamment étaient représentées à Bruxelles pour contourner la censure de France. Nedjma, le roman qui a ébranlé l’ordre colonial, a eu sa véritable promotion ici. Yacine lui-même a séjourné à plusieurs reprises en Belgique, en tant que militant, metteur en scène ou homme de lettres.
A. M.
Dans les yeux des enfants…
Comment les enfants d’aujourd’hui voient le 1er novembre et que représente-t-il pour eux ? Nés des décennies plus tard, ils considèrent que cette date est importante dans l’Histoire de l’Algérie.
Rym Nasri – Alger (Le Soir) – Elève en 2e année moyenne au CEM d’El Gharnati de Aïn Benian, Katia affirme que le 1er novembre constitue le déclenchement de la guerre de libération de l’Algérie. Une date qu’elle a connue à travers les récits de ses parents bien avant l’école. «La veille du 1er novembre, des groupes de scouts me réveillent à minuit. Ils défilent dans la rue au son d’une fanfare et de l’hymne national, drapeau algérien à la main», raconte-t-elle. A l’école, poursuit-elle, «j’ai appris que c’est aussi l’Aïd Ethaoura (fête de la révolution). D’ailleurs à quelques jours du 1er novembre, le prof nous fait un cours sur cette date et nous demande de préparer un exposé sur l’évènement», se souvient-elle. Pour cette collégienne de 12 ans, le 1er novembre est également lié à des noms de chouhada et de moudjahidine. Des martyrs dont elle a découvert le parcours à travers les différents livres qu’elle a lu sur ces héros de la Révolution nationale. Elle cite ainsi certains martyrs tels que Zighoud Youcef, le colonel Amirouche, Hassiba Ben Bouali et Ourida Medad. Grâce aux documentaires diffusés à la télévision, Katia assure qu’elle a pu enrichir ses «connaissances» sur la guerre de Libération nationale et les différentes dates et évènements mais surtout «voir les photos des nombreux martyrs et combattants». Agé de 14 ans, Zineddine est également élève en 2e année moyenne. Scolarisé à Dellys, cet élève passe les vacances de novembre chez ses grands-parents, à Alger. Pour lui aussi, le 1er novembre est la date du déclenchement de la guerre de Libération. Mais le garçonnet se trompe sur l’année. «C’est le 1er novembre 1962», dit-il avant que son ami Mourad rectifie : «Nonnnn, c’est le 1er novembre 1954», lance-t-il. Pourtant Zineddine assure qu’il a pris conscience de cette date dès son jeune âge grâce à ses grands-parents. «Mon grand-père et ma grand-mère m’en parlaient depuis que j’étais tout petit. A l’école, les leçons d’histoire reviennent chaque année sur cet évènement de l’Histoire de l’Algérie», explique-t-il. Il se rappelle ainsi des sorties qu’organisait son école primaire au Maqam Echahid (sanctuaire du martyr) à El Madania en ce jour symbolisant «la libération du peuple algérien de la colonisation française ». Même son de cloche chez son ami Mourad, âgé de 11 ans. Ses premières «connaissances» sur cette date proviennent de ses grands-parents. «C’est le jour du déclenchement de la guerre de Libération en 1954. Les livres que j’empruntais de la bibliothèque de l’école m’ont permis de connaître d’autres évènements de l’histoire de la révolution algérienne et les noms des martyrs et des différents responsables de la guerre d’Algérie», souligne-t-il. D’ailleurs, Mourad s’attelle à la préparation d’un exposé sur la date du 1er novembre 1954. Demandé par sa maîtresse, ce travail doit être remis à la reprise des cours dès dimanche prochain. Pour ce faire, cet élève en 5e année à l’école Inb Ennass de Sidi M’hamed a consulté des livres d’histoire et collecté des informations sur ce sujet. «C’est une date très importante de l’Histoire de mon pays», dit-il.
R. N.
Le rôle prépondérant des jeunes d’Alger
Le rôle joué par la ville d’Alger dans la préparation du déclenchement de la Révolution du 1er Novembre 1954 a été prépondérant, ont rappelé, hier, les anciens moudjahidine invités au forum d’El Moudjahid. Pour les intervenants, les jeunes d’Alger se sont mobilisés pour créer une force et agir au bon moment pour le déclenchement de la Révolution.
F.-Zohra B. – Alger (Le Soir) – Alger a été la ville principale dans la préparation du 1er Novembre, ont réaffirmé les invités du forum d’ El Moudjahid. «En 1953 et 1954, l’opération était déjà mûre, mais sa préparation n’a été possible que grâce aux jeunes de la ville d’Alger. Ainsi, lors de la Seconde Guerre mondiale, un groupe de jeunes, à leur tête Mohamed Belouizdad, avec notamment Yousfi M’hamed et M’hamed Bacha Tazir, a agi au moment qu’il fallait», relatent les conférenciers qui diront, par ailleurs, que chacun d’entre eux avait pris sous sa houlette un des quartiers d’Alger, en vue de sensibiliser et surtout d’encadrer les jeunes en prévision de la préparation du déclenchement de la Révolution. Lors de cette période aussi, selon les intervenants, il y a eu une grande activité, notamment pour ce qui est de l’acquisition des armes. «En 1947, ces jeunes sont devenus une force qui a pu arriver au congrès de 1947», ont souligné les conférenciers qui ont mis l’accent sur la déception de ces acteurs de la Révolution lors de la crise qui a secoué le mouvement, avant que l’option de l’action armée ne soit retenue. «C’est à Alger que tout s’est décidé et la ville, avec ses groupes qui ont été constitués, était au rendez-vous», ont souligné les présents. Pour sa part, Amar Bentoumi évoquera Mohamed Belouizdad qui était un militant de la première heure d’abord au Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) et enfin au Comité révolutionnaire d’unité et d’action (Crua), dont le but était d’aller vers une action armée. «Toutefois, Messali Hadj a décidé de la tenue d’un congrès pour ses militants et l’unité n’était plus possible à cette époque», a expliqué Amar Bentoumi, rappelant que Mohamed Boudiaf a, par la suite, contacté tous les membres de l’Organisation secrète sur le territoire national. Cette situation a abouti à la réunion des 22 et la préparation de la Révolution à Alger. Parmi les premières étapes figurait, selon le conférencier, la préparation de bombes dans une ferme à Khraïcia. Toutefois, a-t-il rappelé, les cinq opérations effectuées à Alger n’ont pas eu l’impact matériel attendu mais ont plutôt permis un impact politique ainsi que sur l’opinion publique. Il notera qu’à cette période, la plupart des opérations avaient échoué à Alger. Le conférencier dira également avoir été contacté par Rabah Bitat à l’époque, pour défendre des fidayine emprisonnés par l’armée française. «Quand je les ai rencontrés à l’époque, vu leurs actions armées sur le terrain, ils étaient considérés comme des pestiférés, ils avaient sur eux des traces de torture mais arboraient aussi un moral d’acier», se souvient Amar Bentoumi. Parmi les moudjahidine emprisonnés figurait Bouadjadj, capturé la première semaine de novembre, soit juste après le déclenchement de la Révolution. La conférence organisée avec la collaboration de l’association Mechaâl Echahid a été aussi l’occasion de rendre hommage au défunt moudjahid Mohamed Merzougui, membre du groupe des 22.
F.-Z. B.