Le soleil se lève en ce lundi 1er novembre 1954 sur une journée censée être une journée comme les autres pour l’écrasante majorité des Algériens, c’est-à-dire une autre journée oppressante faite d’humiliations et de privations. Cette journée est fériée car elle coïncide avec une fête chrétienne : la Toussaint.
La communauté des pieds-noirs est aux aguets et ceux qui disposaient du téléphone avaient été informés sur les événements qui s’étaient produits à zéro heure. Mass media le plus moderne en ce début de la seconde moitié du XXe siècle, la radio est le moyen de communication le plus rapide. Ce sont les pieds-noirs qui en disposent et les bulletins diffusés par les chaînes captées en Algérie ne sont pas rassurants. La défaite de l’armée française à Diên Biên Phu hante encore les esprits des colons. Ces derniers minimisaient, bien entendu, les événements de la nuit : les Arabes ne sont pas près de rééditer le coup des Vietnamiens car la France est à 900 kilomètres et les Chinois – qui ont armé les Vietnamiens – sont à plus de 5 000 kilomètres. Ce sont ces arguments qu’évoquaient les analystes politiques et les experts en géostratégie à l’époque. Ces commentaires ont rassuré les colons qui étaient partis nombreux ce matin dans les églises pour implorer Dieu de les laisser maîtres de leur plus importante colonie.