Hadja n’a pas peur du fantôme. C’est ainsi qu’elle appelle un ordinateur
Comme des milliers d’autres vieilles, Hadja Fatima a trouvé par le biais du Skype un recours idéal pour voir sa fille unique que les péripéties de la vie ont poussé à vivre au Canada.
«Yemma, regarde-moi, j’ai une bonne mine aujourd’hui non? Le deuxième traitement que m’a prescrit le médecin m’a vraiment soulagée. J’ai repris mes forces. Tu n’as aucun souci à te faire», dit Djamila à sa maman avec laquelle elle discute par Skype. «Oui ma fille je te vois», répond Hadja Fatima, 70 ans, d’une voix lisse avant d’essuyer les larmes dégoulinant sur ses joues creusées par les rides. Figée devant l’écran, les yeux grand ouverts, Hadja n’a pas peur du fantôme. C’est ainsi qu’elle appelle un ordinateur. Elle laisse esquisser un sourire attendrissant sur ses lèvres tremblantes. L’image d’une vieille de 70 ans face à un micro-ordinateur, est captivante. Comme des milliers d’autres dames âgées, Hadja Fatima a trouvé dans le Skype un recours idéal pour parler et surtout voir sa fille unique que les péripéties de la vie ont poussé à l’émigration au Canada. Samir vivant à Alger n’arrive pas à décrire sa joie de voir sa mère, soulagée dès qu’elle s’approche du micro-ordinateur. «C’est toujours un bonheur pour ma maman de voir ses petits-enfants qui résident en France, face à face et c’est avec beaucoup d’émotion qu’elle leur parle», témoigne Samir pour qui il est impossible d’offrir un voyage à sa mère en France. Des fois, «ma maman remercie Dieu d’avoir cette chance de converser et voir ses petits-enfants grandir», poursuit-il. Le progrès technologique avance inexorablement, il ne s’arrêtera pas. L’adaptation de l’homme aussi. Car ne pensez surtout pas que les vieux, l’ancienne génération, ne peuvent pas s’accommoder des nouvelles technologies. Cette vieille femme n’est pas la seule à vivre cette situation où les distances sont abolies, où le rêve de voir le visage de celui ou de celle qu’on aime, se réaliser même s’il se trouve à des milliers de kilomètres. Grâce à Skype, des mamans ont pu suivre l’évolution de leurs enfants et voir naître et grandir leurs petits- enfants. Des amours sont nées, des couples se sont créés et des familles ont été fondées. Ce moyen de communication, compresse le temps, raccourcit les distances, accélère les faits et réconcilie la société avec elle même en dépit de toutes ses contraintes.
Meriem est férue de nouvelles technologies. Elle a repris contact avec de nombreuses personnes dont elle dit avoir perdu contact. «Skype, pour ainsi dire, m’a aidée à suivre de près mes amis alors qu’ils sont tous loin de moi», témoigne-t-elle.
Cheryn est née et vit en France, à 50 km de la ville où habite sa tante paternelle. Elle n’avait de nouvelles d’elle que par le biais de son père qui l’appelait de temps à autre. La vie a fait que Cheryn a déménagé à Alger avec toute ma famille. «Parfois, quand je déprime, j’ai besoin de parler à un parent, à un membre de ma famille. Internet est devenu le seul moyen de contact avec ma tante. Toujours connectée, toujours joignable… Voilà la clé du rapprochement avec elle», raconte Cheryn. Elle et sa tante deviennent alors plus proches l’une de l’autre tout en étant éloignées. Toujours disponible, sa tante n’avait plus qu’elle comme interlocutrice pour avoir des nouvelles du reste de sa famille. «Au cours de nos fréquentes discussions sur Skype, il y a comme un fil qui s’est rétabli entre nous», dit Cheryn. Pour les jeunes Algériens établis à l’étranger, le Skype est indispensable pour rester en contact avec leurs familles, particulièrement les mamans.
Nadia qui vit à Paris utilise plutôt Skype à titre strictement professionnel. «Je l’utilise uniquement quand je suis dans des congrès internationaux pour communiquer avec mes enfants. je n ai pas beaucoup de temps, ça me rassure de les voir quand je suis loin d’eux», a-t-elle dit. C’est le cas de Walid, journaliste branché aux nouvelles technologies, qui a trouvé en Skype le moyen miracle pour des interviews avec des personnalités et parfois même des reportages. Une Franco-Algéro-Russe vit ses trois pays en un, grâce à Internet. Lynda est de père russe immigré en France. Elle est née à Annaba en Algérie. Elle vit actuellement en France. Lynda a des contacts avec sa famille en Russie via mails et Facebook. Pour l’Algérie, les contacts se font plus réguliers à travers Facebook car ses proches et amis sont éparpillés partout dans le pays. Etant une très grande famille, ils s’envoient des nouvelles et se partagent les photos via le Facebook.
«J’ai désormais une relation sérieuse avec ma tante, 10 ans de plus que moi. Je suis allée en Algérie. Par mon biais, elle est au courant de tout. Je lui ouvre des horizons littéraires, musicaux, voyages, etc.», raconte Lynda. Pour les frères et soeurs, c’est plus par le biais du téléphone. Sa mère âgée de 83 ans, qui fait le lien dans la famille, se met aux nouvelles technologies. «Les gens n’écrivant plus de lettres, donc pour garder le contact on a recours soit au téléphone soit à l’Internet à travers ses réseaux sociaux», affirme Lynda qui reconnaît que «ces nouveaux moyens de communication recréent le lien qui existait autrefois quand les gens vivaient les uns près des autres». Lynda a décidé de retourner au «bled» en Algérie suite à un contact à Annaba où elle est née. Elle avait des amis à Alger qu’elle a connus en France et ils lui ont fait l’invitation. «Grâce au contact Skype de Annaba, j’ai passé une semaine dans ma ville natale, la première fois depuis 1962», témoigne Lynda.
Grâce aux réseaux sociaux, elle est en contact avec son pays natal. «Je vis au bled par la grâce du Net. J’ai pris le pouls en connaissant des gens différents, âge, parcours, ville,…histoire ce sont des échos différents», souligne-t-elle. Les témoignages se multiplient à l’infini jusqu’à «tutoyer» le temps et titiller les distances. Quelle belle invention de l’homme, ces nouvelles technologies! Fini donc l’ancien temps où un immigré pour donner signe de vie, doit se faire photographier, développer la pellicule et envoyer la photo dans une lettre qui durera des mois pour arriver à destination. Hadja Fatima, en génuflexion, lève la tête et ses prières montent en fumerolles diaphanes vers le Ciel. «Dieu, faites que l’exil de ma fille soit doux, faites qu’elle garde sa santé, celle de ses enfants et de son mari…Amen». Telle est l’histoire de la vieille femme avec le Skype.