Faute d’avoir pu s’adapter à la migration massive des usagers vers le mobile, les géants des nouvelles technologies donnent de sérieux signes d’essoufflement. A l’image de Microsoft qui table sur son nouveau Windows 8 pour intégrer le monde des tablettes et Smartphones ou de Yahoo dont la nouvelle stratégie est totalement orientée vers le mobile.
Les observateurs n’hésitent plus à parler d’une nouvelle révolution depuis l’avènement de l’Internet. Le monde des nouvelles technologies est de plus en plus mobile, et les opérateurs qui ne l’ont pas compris finiront bien par se rendre à l’évidence. Les résultats trimestriels décevants des géants tels Intel, Microsoft, Google et AMD, reflètent, selon le quotidien français Les Echos, « les difficultés des entreprises de la Silicon Valley – tant la vieille garde que la nouvelle – à tirer profit du transfert progressif de la demande des bons vieux PC vers les appareils mobiles, glissement tectonique le plus radical de l’histoire du secteur depuis l’apparition d’internet ».
« Les entreprises se rendent compte que ce n’est pas facile de trouver une formule qui marche avec le mobile », souligne Carolina Milanesi, analyste auprès du bureau d’étude Garner. « Le mobile ne s’avère pas aussi simple que nous l’avions imaginé », poursuit-elle, d’autant que « ces difficultés s’ajoutent à un environnement économique dégradé ». La plus grande surprise est venue de Google, dont la valorisation boursière a chuté cette semaine de plus de 20 milliards de dollars suite à l’annonce d’un ralentissement de la croissance de ses revenus publicitaires.
Certains analystes, parmi les plus sceptiques, jugent que ce ralentissement n’a rien de ponctuel. « Le coût moyen du clic (un baromètre qui détermine le prix que payent les annonceurs au moteur de recherche) a reculé pour le quatrième trimestre d’affilée, après avoir augmenté pendant huit mois consécutifs. C’est un élément négatif. C’est le problème du mobile », explique Colin Gillis, analyste auprès du cabinet d’expertise financière américain BGC. Courant octobre, le marché du PC aurait reculé de plus de 8%, à un peu plus de 87,5 millions d’unités, selon les cabinets Gartner et IDC.
Les constructeurs, premières victimes de cette baisse, ne sont pas les seuls touchés. Cette semaine, Intel a annoncé un chiffre d’affaires en baisse pour le troisième trimestre 2012, à 13,5 milliards, contre 14,2 milliards de dollars il y a un an. Cette baisse entraîne avec elle les bénéfices de l’entreprise, en chute de 500 millions de dollars sur un an, à 2,97 milliards de dollars. En difficulté depuis plusieurs années, son concurrent AMD a, lui, décidé de se séparer, d’ici à la fin de l’année, de 15% de ses 11 100 employés, soit environ 1 600, rapporte l’AFP.
La firme boucle son troisième trimestre 2012 avec des pertes s’élevant à 157 millions de dollars contre un bénéfice de 37 millions un an plus tôt. Le chiffre d’affaires est, lui, de 1,27 milliard de dollars, en baisse de 25% par rapport à l’an dernier. En mars, l’entreprise a abandonné son activité de production de processeurs pour se recentrer sur d’autres activités, comme l’informatique dématérialisée (cloud computing).
Ces acteurs ont d’ailleurs peiné à se tourner vers le marché mobile, en pleine expansion. Malgré une timide incursion d’Intel dans le Smartphone, le marché des terminaux mobiles smartphones et tablettes est désormais le domaine de concurrents de taille. La crise du PC n’épargne personne, pas même Microsoft. La firme de Redmond a publié ce week-end des résultats trimestriels décevants. Sur un an, son bénéfice net a chuté de 21%, à 4,5 milliards de dollars. Ses ventes ont reculé de 8%, à 16 milliards de dollars en raison d’un effondrement de la division Windows, en chute de 33%.
Et même si Microsoft justifie cette baisse par un report comptable lié à l’ajustement de revenus différés (préventes de Windows 8 notamment), un tel recul inquiète. Car le vrai problème, relève The New York Times, c’est que Microsoft s’est trop tardivement tourné vers les appareils mobiles. Avec l’iPad, Apple domine en effet déjà largement le marché des tablettes qui prend des parts de marché au PC. Et sur les Smartphones, iOS et Android équipent la quasi-totalité des appareils.
Avec la sortie imminente de Windows 8, un système d’exploitation conçu aussi bien pour les ordinateurs de bureau, les portables que des tablettes, ou les Smartphones, avec sa déclinaison Windows Phone 8, Microsoft joue gros. Interrogé par le site Forbes, Peter Klein, son directeur financier, y voit une « énorme opportunité de croissance ». Son interface tactile et son ergonomie sont totalement innovantes. Reste à convaincre les fidèles du monde PC de les adopter. Et à espérer que le logiciel ne fera pas des siennes…de bugs.
La révolution du mobile souffle aussi du côté des constructeurs. Le chinois Lenovo est devenu leader mondial, enterrant les six ans de règne de l’américain Hewlett Packard, selon des statistiques du cabinet Gartner. Dans un marché en berne, Lenovo est l’un des seuls à tirer son épingle du jeu, en misant notamment sur des marchés en développement. Il n’a cessé de grandir depuis le rachat de la section PC d’IBM en 2005.
Mais il sait qu’il ne pourra se contenter de sa réussite dans un marché en repli. Milko Van Duilj, président des régions Asie-Pacifique et Amérique Latine, a ainsi expliqué à Bloomberg que « le déclin des PC était une bonne raison pour se tourner vers les Smartphones ». Lenovo se verrait bien reproduire une nouvelle percée. Et il est d’ores et déjà le deuxième fabricant sur le marché chinois. Chez HP, la réactivité est plus lente. Au troisième trimestre, ses ventes ont chuté de 16%. Lui aussi s’est lancé dans une restructuration en profondeur de son activité.
Il prévoit la suppression de près de 27 000 emplois, soit 8% de ses effectifs. Il y a une semaine, l’action atteignait un nouveau plus bas depuis plus de 10 ans. Les constructeurs souffrent de l’envolée des ventes de tablettes, qui devraient croître de 140% en 2012, selon le cabinet Gfk ; si bien qu’ils attendent aujourd’hui Windows 8 comme le sauveur. En Chine, plus gros marché de la planète en nombre d’utilisateurs, les sociétés internet ont aussi du mal à dégager des bénéfices avec leur clientèle passée du PC au mobile.
Le moteur de recherche chinois Baidu a chuté en Bourse la semaine dernière suite à l’abaissement de la recommandation de Crédit Suisse sur le titre, en raison des inquiétudes concernant ses perspectives de profits. Fin juin, le nombre d’utilisateurs chinois accédant à Internet via leur téléphone mobile a dépassé celui des personnes qui y accèdent à partir de leur ordinateur personnel.
Alors que tous les voyants sont au rouge et que des redéploiements stratégiques drastiques s’imposent à toutes les grandes sociétés des nouvelles technologies, certains gardent un œil d’optimiste sur l’évolution de la situation. Le DG de Google, Larry Page, considère que le transfert de la demande vers les appareils mobiles représentait en réalité une opportunité à long terme. « Nous sommes vraiment en train d’entrer dans une nouvelle réalité », a-t-il dit à des analystes lors d’une conférence téléphonique. « Cela va créer un immense champ d’opportunités pour les annonceurs, auquel ils (…) s’adapteront avec dynamisme, cherchant parmi une multitude de supports différents à atteindre le bon public au bon moment. »
R. M.