Nouvelles manifestations hostile à Ben Ali à Tunis

Nouvelles manifestations hostile à Ben Ali à Tunis
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Des manifestants ont de nouveau crié des slogans hostiles au président Ben Ali vendredi dans le centre de Tunis

« Soulèvement continu, non à Ben Ali », criaient les manifestants, au nombre de 5000 au moins selon Reuters. Un barrage de police les a bloqués au milieu de l’avenue Bourguiba, pour les empêcher de marcher vers le ministère de l’Intérieur.

Au bout de près d’un mois d’émeutes, le chef de l’Etat s’est engagé jeudi soir à quitter le pouvoir en 2014.

« Le ministère de l’Intérieur est un ministère de la terreur », « hommage au sang des martyrs » ou encore « non, aux Trabelsi (ndlr: la belle-famille du président) qui a pillé le pays », scandaient les manifestants.

LG Algérie

Des internautes et étudiants se sont mobilisés dans la nuit et vendredi matin pour le maintien des rassemblements prévus dans la journée dans la capitale. Une grève de deux heures est notamment programmée dans la  région de Tunis, à l’appel du syndicat unique, l’UGTT.

Les manifestations, souvent violentes, se sont généralisées depuis la mi-décembre à toute la Tunisie, un pays miné par le chômage où le droit d’expression est bafoué. Elles ont gagné Tunis ces derniers jours. C’est le geste de désespoir d’un jeune de Sidi Bouzid (centre) qui a mis le feu aux poudres: il s’est immolé par le feu pour protester contre la confiscation par les agents municipaux de son étal de fruits et légumes.

Vers un gouvernement d’union nationale ?

Le chef de la diplomatie tunisienne a estimé vendredi qu’un gouvernement d’union nationale était « faisable »

Le chef de la diplomatie tunisienne Kamel Morjane, joint par téléphone par Europe 1 vendredi matin, a déclaré que la formation d’un gouvernement d’union nationale dans son pays était « tout à fait faisable » et « même normale ». Il serait envisageable avec des « gens comme M. Néjib Chebbi », le chef historique du Parti  démocratique progressiste (PDP), formation légale d’opposition mais non représentée au Parlement.

Ben Ali multiplie les promesses

Zine el Abidine Ben Ali, au pouvoir en Tunisie depuis 23 ans, a annoncé jeudi soir qu’il ne se représenterait pas en 2014, après des émeutes qui ont fait près de 70 morts depuis un mois.

Il a aussi annoncé la levée de la censure sur la presse et sur internet, qui a immédiatement pris effet, et ordonné l’arrêt des tirs contre les manifestants.

Au moment même où il prononçait son discours, un manifestant était tué par la police à Kairouan, dans le centre du pays, selon des témoins.

« Je vous ai compris », a martelé à plusieurs reprises le chef de l’Etat, dans un discours à la Nation, le troisième prononcé depuis le début des émeutes mi-décembre.

Il s’est engagé à ne pas briguer un nouveau mandat, disant refuser de toucher à la limite d’âge de 75 ans pour se représenter. Il aura 77 ans en 2014.

« Assez de tirs à balles réelles« , a-t-il ajouté dans ce discours prononcé en  tunisien dialectal, pour se faire comprendre par tous  les Tunisiens.

Le président Ben Ali a également promis la « liberté totale » d’information et d’accès à internet.

Il a ordonné une baisse du prix du pain, du lait et du sucre.

Il a en outre assuré avoir été « trompé » sur l’analyse de la crise sociale et affirmé que l’enquête qu’il a ordonnée serait indépendante et établirait les « responsabilités de chacun ».

Fin de la censure ?

Habituellement exempte de toute critique à l’égard du pouvoir, la télévision publique Tunis 7 a paru transformée dès après le discours du président. Pour la première fois jeudi soir, elle a invité des personnalités comme l’opposant Taoufik Ayachi, le président de la Ligue des droits de l’homme Mokhtar Trifi et  l’ancien leader du syndicat des journalistes Naji Baghouri.

Les téléspectateurs ont pu assister à un débat animé au sujet des médias tunisiens au cours duquel un intervenant a brisé un tabou en critiquant un membre de la famille du président. Pendant cette émission inédite, des appels ont été lancés pour la libération le  chef du Parti communiste des ouvriers de Tunisie  (PCOT, non autorisé), Hamma Hammami, interpellé mercredi à son domicile, près de Tunis.

Le changement était aussi perceptible sur internet, que les autorités tentaient auparavant de contrôler pour éviter la diffusion des images ou des mots d’ordre des contestataires. Les sites de partage de vidéos YouTube et Dailymotion ont recommencé à fonctionner et le site du journal français Le Monde était à nouveau accessible jeudi soir après plusieurs mois de blocage.

Le site de blogueurs Nawaat.org, très en pointe sur les événements, confirmait vers 21h la levée de la censure.

Réactions plutôt positives de l’opposition

Des Tunisiens sont descendus dans la rue jeudi soir pour exprimer leur joie après les annonces du président Ben Ali.

L’opposition tunisienne, longtemps muselée par le régime, a réagi plutôt positivement au discours du président Ben Ali.

« Le fait positif, c’est que le président ait décidé de ne plus se  représenter », a jugé dans une déclaration à la presse Mohammed Néjib Chebbi, chef historique du PDP (Parti démocratique progressiste), une formation légale mais non représentée au Parlement.

« Ce discours ouvre des perspectives », a déclaré Mustapha Ben  Jaafar, chef du Forum démocratique pour le travail et les libertés, membre de  l’Internationale socialiste. Mais « il reste à appliquer ces intentions », a-t-il toutefois ajouté.

« C’est positif, le discours répond à des questions qui ont été soulevées par notre parti », a jugé pour sa part, Ahmed ben Brahim, chef du parti Ettajdid (ex-communiste, un député au Parlement).

La militante des droits de l’Homme Bouchra Bel Haji a évoqué « un discours  historique ».

Sceptique, l’avocat et défenseur des droits de l’Homme  Mohamed Abbou a dit ne pas croire le président et déclaré que ce dernier « se moque des Tunisiens avec des promesses sans lendemain ».

Fillon condamne pour la première fois la répression

En France, le Premier ministre français François Fillon a pour la première fois jeudi condamné la répression des manifestations. »On ne peut continuer dans cette utilisation disproportionnée de la  violence », a-t-il dit, rejoignant les positions exprimées par l’Union  européenne et l’administration Obama qui avaient déjà condamné l’usage de la force dans des termes similaires.

Destructions et pillages à Hammamet

La station balnéaire tunisienne de Hammamet,  prisée par les touristes européens, a été livrée aux pilleurs jeudi en fin  d’après-midi, selon des journalistes de l’AFP arrivés dans cette cité située à  60 km au sud de Tunis.

Sur une page Facebook,  une vidéo intitulée « Un portrait de Ben Ali à Hamammet enlevé pour être brûlé » montre des manifestants s’en prenant à un portrait du président tunisien.

Plusieurs morts jeudi

Des affrontements meurtriers entre manifestants  et forces de sécurité ont encore eu lieu jeudi à Tunis et alentour, faisant au moins cinq morts.

Selon des témoins,  deux civils, cités par l’AFP, ont été tués par des tirs de la police dans la ville de Kairouan, dans le centre de la Tunisie, au moment du discours du président Ben Ali.

Deux jeunes gens ont été tués jeudi lors d’affrontements avec la police dans la ville côtière de Soliman, à une quarantaine de kilomètres au sud-est de la capitale, Tunis, ont déclaré trois témoins à l’agence Reuters. Et dans le centre de Tunis, un manifestant a été tué jeudi après-midi par les tirs de la police dans le quartier Lafayette, à proximité de l’artère centrale  de l’avenue Bourguiba, ont rapporté des témoins à l’AFP.

Les syndicats français dénoncent les « droits bafoués » par « un régime à bout de souffle »

Les syndicats français ont demandé jeudi le « retrait immédiat de l’armée des villes » en Tunisie, en proie à la répression de troubles sociaux, et exprimé « leur indignation devant les déclarations » de  membres du gouvernement français à ce sujet. Dans une déclaration commune, les syndicats CGT, CFDT, FO, FSU, Unsa et Solidaires « condamnent les tirs pour tuer de Thala, Kasserine et Ar-Reqab et  dénoncent le raid qui a détruit les locaux de l’UGTT (Union générale des travailleurs tunisiens) de Kasserine ». Ces organisations « se déclarent également solidaires des revendications des syndicalistes et du peuple tunisien qui aspirent à un régime démocratique, au respect des libertés publiques, de la presse et des médias, à l’indépendance de la justice et au respect des droits syndicaux, de manifester et de grève ». « Autant de droits bafoués par un régime à bout de souffle qui, d’année en année a renforcé sa répression et son autoritarisme », ajoutent-elles.

66 personnes tuées selon la FIDH

La présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), Souhayr Belhassen, a affirmé jeudi détenir une liste nominative de 66 personnes tuées depuis le début des troubles en Tunisie mi-décembre, dont 8 dans la nuit dans la banlieue de Tunis, dénonçant « un massacre qui continue ». « C’est un massacre qui continue. La priorité des priorités aujourd’hui et d’arrêter ce massacre », a-t-elle ajouté.

Un professeur français tué à Douz

Deux civils ont été tués mercredi par des tirs de la police à Douz (sud) lors d’une manifestation ayant dégénéré. L’une des victimes, Hatem Bettahar, 38 ans, franco-tunisien, était professeur d’informatique à l’Université de Technologie de Compiègne (France).

« Il était en Tunisie dans le cadre d’un échange universitaire avec un établissement d’enseignement à Gabès (sud-est de la Tunisie ) ». Lors de son point-presse quotidien, le ministère des Affaires étrangères a confirmé le décès le 12 janvier du professeur.

Internet, seul refuge de la liberté d’expression

Face à des médias muselés, des milliers de jeunes Tunisiens s’expriment sur Internet. Selon Libération, « en interdisant les sites d’information et de partage vidéo », le « régime a bien malgré lui fait migrer les Tunisiens sur Facebook, où près de 2 millions de Tunisiens (sur 11 millions) auraient une page personnelle. Mobilisation aussi sur Twitter avec le mot-clé #Sidi Bouzid. Et parmi les sites de référence, le « blog collectif indépendant nawaat.org reste largement en pointe », note également Libération.