La frontière algéro-marocaine, fermée depuis 1994, est de nouveau l’objet de marchandages et de pressions. Il a suffi que le RCD mette les pieds dans le plat, en demandant l’ouverture de cette frontière, pour que le gouvernement algérien se cabre.
Traditionnellement discrète sur le sujet, l’Algérie a réagi, coup sur coup, par deux canaux différents, tous les deux officieux, mais suffisamment précis pour être audibles.
Le quotidien gouvernemental El-Moudjahid et l’ancien ambassadeur Abdelaziz Rahabi se sont chargés d’apporter la contradiction, alors que le gouvernement faisait mine de regarder ailleurs.
Mohcène Belabbas, qui a succédé à Saïd Saadi à la tête du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie, a demandé, au cours d’un meeting organisé samedi 13 février, la réouverture de la frontière algéro-marocaine. « Il faut ouvrir les frontières. Ceux qui s’opposent à l’ouverture de la frontière, en Algérie et chez le pays voisin, sont ceux qui profitent de cette situation d’isolement », a déclaré M. Belabbas.
Une semaine auparavant, la commémoration du 40ème jour du décès de Hocine Aït-Ahmed, organisée par le FFS, avait pris une tournure résolument maghrébine, consacrant une dimension peu connue de l’ancien dirigeant du mouvement national. Une présence remarquée de militants historiques maghrébins avait notamment donné une dimension inattendue au personnage.
Pressions
La pression était d’autant plus forte sur le gouvernement algérien que des dirigeants tunisiens, membres du quartette qui avait obtenu le prix Nobel de la paix, avaient peu auparavant critiqué la fermeture de la frontière algéro-marocaine. « Il est inacceptable que deux pays du Maghreb liés par l’histoire, la religion et la langue continuent à garder leurs frontières fermées », avait ainsi déclaré M. Ahmed Ben Tahar Galai, vice-président de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme.
« Un ensemble maghrébin fort et uni constituerait un contrepoids pour le dialogue avec l’Europe et tous les autres groupements régionaux », avait-il dit, reprenant un argumentaire en vogue, selon lequel la fermeture de la frontière algéro-marocaine coûterait au moins un point de croissance à chaque pays maghrébin.
Hocine Abassi, secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) enfonçait le clou, affirmant, selon la presse marocaine, que les peuples de la région « paient aujourd’hui le coût du non Maghreb ». Il a lui aussi qualifié le maintien de frontières fermées d’ »inadmissible ».
Douche froide
A ces pressions, Abdelaziz Rahabi, qui semble exprimer une position officieuse, répond que la réouverture des frontières doit être « l’aboutissement d’un processus de normalisation des relations » bilatérales, mais « en aucun cas un préalable ». Selon lui, l’Algérie a veut « un processus progressif et global, gage de solidité et de durabilité ».
Rappelant les griefs de l’Algérie envers le Maroc –absence de solidarité face au terrorisme, « chantage », attitude « inamicale », « violation de l’immunité d’une représentation consulaire », attaques répétées du Roi Mohamed VI contre l’Algérie, accusations non fondées lors de l’attentat de Marrakech, etc.-, M. Rahabi affirme que « la diplomatie n’est pas l’œuvre de ceux qui n’ont pas de mémoire ». « Rien n’indique qu’elles sont appelées à s’améliorer à brève échéance », ajoute-t-il.
Quant au quotidien El-Moudjahid, il a, dans un éditorial autorisé, mentionné ce qui s’apparente à des conditions algériennes pour normaliser la situation , ce qui constituerait une grande nouveauté. « Tant que le Makhzen ne répare pas cette injustice envers les nombreux ressortissants algériens qui ont été spoliés de leurs biens et expropriés de leurs terres, tant qu’il ne présente pas ses excuses aux Algériens touchés dans leur dignité, tant qu’il ne cesse pas sa guerre des stupéfiants, la réouverture de la frontière terrestre ne sera jamais à l’ordre du jour », écrit El-Moudjahid, précisant, ce qui est inédit : « C’est la position officielle »