Nouvelle vague de dissidence au RND: «Ouyahia a été trop loin dans son coup d’Etat»

Nouvelle vague de dissidence au RND: «Ouyahia a été trop loin dans son coup d’Etat»

«Ahmed Ouyahia a été trop loin dans son coup d’Etat mais en accaparant le parti, il a créé un nouveau RND, ce qui favorise et facilite la scission».

C’est la sentence prononcée par plusieurs militants et cadres du Rassemblement national démocratique à la veille de la tenue de la première session de son Conseil national. En effet, Ahmed Ouyahia prévoit, les 3 et 4 juin prochains, d’installer le nouveau bureau national comme il l’a décidé à l’issue de la tenue, les 5 et 6 mai derniers, du congrès extraordinaire qui l’a confirmé au poste de secrétaire général du parti. Congrès dont la préparation avait été jugée antidémocratique par des dissidents. Aujourd’hui, les esprits continuent de bouillir au sein du parti y compris ceux qui ont été jusque-là «conciliants» et complaisants avec le règne du «raïs». Si la fronde des «chercheurs» qui avait éclaté pour empêcher Ouyahia de tenir ce congrès s’est dégonflée sans atteindre son objectif, en raison, nous avait-on dit, de l’instruction qui avait été donnée «d’en haut» de ne pas perturber le cheminement de son action, il n’est pas dit qu’elle l’est définitivement puisque à peine un mois après, les choses bougent sérieusement pour la réanimer. En plus du directeur général du Centre de recherche, le Professeur Mustapha Yahi, le secrétaire général du Syndicat national des chercheurs permanents (SNCP), Smati Kamel Zoghbi, signataire des communiqués dissidents à Ouyahia, ainsi que tous les autres cadres qui étaient dans ce mouvement, aujourd’hui, la liste s’élargit pour inclure de nouveaux contestataires entre responsables d’institutions, ministres à la retraite et d’autres en poste.

Ces nouvelles voix rallient la dissidence pour affirmer que «Ouyahia est allé trop loin dans son coup d’Etat et la stratégie s’avère peu productive». Bien qu’ils veulent pour l’instant garder l’anonymat «pour ne pas exposer le mouvement à un émiettement précoce», ils nous font savoir qu’«en accaparant le parti, Ouyahia a créé un nouveau RND, ce qui favorise et facilite la scission». Dans un écrit qui nous a été transmis, ils notent que «le RND organise, les 3 et 4 juin prochains, la première session du Conseil national, depuis le congrès extraordinaire tenu au début du mois de mai, dans une ambiance très instable pour le parti, marquée par de nombreux départs et démissions de ses vrais militants».

Nouvelle vague de dissidence à Ouyahia

Ils tiennent à rappeler que «les conditions du déroulement du congrès extraordinaire, transformé bizarrement en congrès ordinaire et où Ouyahia a tout confisqué, se traduisent par un malaise profond sur le terrain». Une transformation qu’ils qualifient «d’illégale pour qu’il s’assure d’être toujours à la tête d’un grand parti en 2019». Les dissidents à Ouyahia dénoncent «des départs massifs de militants au niveau d’Alger, d’Oran, Constantine, Bel Abbès…, y compris parmi ceux de la première heure, vers d’autres partis, en particulier vers le MPA de Benyounès. »Ils font part, en outre, de «demandes de retrait de confiance des responsables locaux dans de nombreuses wilayas». Et aussi des «suspensions totales des activités ou carrément des bureaux fermés alors que la période post-congrès devrait être plus animée pour réorganiser le parti et adapter ses structures aux nouveaux textes».

Cette nouvelle vague de dissidence contre Ouyahia pense, comme déjà avancé par des analystes, que «le recentrage du parti autour de sa personne relève clairement de sa stratégie d’utiliser, seul, la carte RND pour négocier l’accès à la présidence de la République au moment voulu». Ils rappellent «la fermeture hermétique de l’organisation du congrès» puisque, écrivent-ils, «c’est lui qui en a présidé la préparation, l’organisation et la conduite, ceci par la désignation par ses soins des 48 chefs de délégation, donc acquis totalement à sa cause et l’exclusion au départ de ceux qui ne le sont pas». Ouyahia a continué, selon eux, sa purge des rangs de ses détracteurs en, notent-ils, «excluant du Conseil national toux ceux qui l’ont contredit par le passé et ceux susceptibles de le contredire». Il a ainsi pris le soin, affirment-ils, «d’éliminer des listes certains cadres alors qu’ils ont été élus dans leur wilaya». Il a aussi, disent-ils encore, «exclu massivement du Conseil de la nation des cadres, membres fondateurs du RND, moudjahidine, enfants de chouhada, ministres (présents ès qualité uniquement), anciens ministres, anciens députés et sénateurs, hauts fonctionnaires, universitaires…».

Ils convoquent le passé pour souligner que «la position d’Ouyahia vis-à-vis des cadres est une vieille histoire puisqu’il a provoqué leur emprisonnement comme il plaît aux militants du FLN de le répéter, son élimination des 156 députés entre 1997 et 2002, ses rappels fréquents dans des réunions publiques de sa préférence aux militants sans niveau scolaire, au lieu des bacs plus 25, comme il l’a toujours dit, et a accepté sous son règne, des vice-présidents de l’APN et du Conseil de la nation sans aucun niveau scolaire».

«Des élections sans quotas et un départ dans la sérénité»

Parmi les membres du nouveau Conseil national qu’il a installé au lendemain du congrès du 5 mai dernier, Ouyahia a mis en place, écrivent-ils, «à la tête de chaque wilaya, un inconditionnel à lui, de préférence bien fortuné et d’un niveau d’instruction tout au plus moyen (on peut passer en revue les 48 wilayas pour s’apercevoir de l’amère réalité… en 2016». En plus, disent-ils, «d’un renouvellement illégal du Conseil national, Ouyahia y a introduit dans sa composante des militants dont l’adhésion au parti est récente et parmi les 37 qu’il a désignés, certains n’étaient même pas présents au congrès et 90% de ces 37 personnes viennent de trois wilayas uniquement».

Les adversaires d’Ouyahia sont ainsi persuadés que «ce ne sera plus une minorité qui s’opposera à lui mais un RND bis qui est en marche contre lui». Les actions «d’accaparement» du parti par Ouyahia s’inscrivent, affirment-ils, «dans des luttes de clans et sont pour marquer ses territoires et préparer ses hommes». Ses déclarations de foi en faveur du soutien à Bouteflika ne sont, selon eux, que «tactiques». Ils pensent qu’«il est important pour son clan qu’il reste le plus longtemps possible directeur de cabinet du président de la République, ce qui lui permet d’agir sûrement et efficacement». Ceci même si, avancent-ils, «Ouyahia n’a jamais cru en la démocratie ou en les élections et a foulé à ses pieds toutes les avancées de la nouvelle Constitution, à peine quelques jours avant le congrès, en matière de représentativité, de démocratie, d’accès aux responsabilités par des élections et non par l’argent sale, de la formation des élites, de la lutte contre la corruption»…

La tenue, aujourd’hui, mardi, d’un Conseil des ministres censé entériner des projets de lois importants pour la mise en œuvre des dispositions de la nouvelle Constitution, laisse penser à ces Rndistes dissidents que «Ouyahia n’en aura, en principe, pas pour longtemps, son maintien est d’ailleurs étonnant dans une conjoncture où le clan présidentiel laisse croire que le temps des quotas est révolu, seules les urnes devront trancher désormais dans toute élection». Les législatives de 2017 devront, selon eux, se tenir dans un paysage «assaini de tous les pseudo-démocrates et les mauvais responsables». 2016 devra être cette année charnière pour la mise en place des fondements de la Deuxième république à condition que «le chef de l’Etat continue de restructurer le système politique dans ses moindres alcôves et prépare son changement dans ses plus hautes fonctions pour qu’il puisse partir dans la sérénité comme il l’a toujours souhaité», avancent nos interlocuteurs.