Nouvelle Libye,Un pays miné par les rivalités tribales

Nouvelle Libye,Un pays miné par les rivalités tribales

Pendant la guerre civile de l’an dernier, les Toubous étaient plutôt du côté de la rébellion, tandis que les populations arabes de Sebha, à 660 km au sud de Tripoli, soutenaient Mouammar Kadhafi.

Après six jours de combats qui ont fait environ 150 morts en mars, les deux camps ont accepté un cessez-le-feu et des soldats de l’armée libyenne ont été dépêchés sur place pour maintenir l’ordre. Mais le calme reste précaire et la population craint de voir les affrontements reprendre.

Des heurts se sont également produits fin février dans l’oasis de Koufra, dans le sud-est du pays, entre des Toubous et des Zwais. Il y a également eu des fusillades entre Berbères et Arabes dans l’ouest du pays, près de la frontière tunisienne rapporte Reuters.

Des rivalités séculaires, des dissensions au sein des différentes communautés qui ont récupéré une partie des stocks d’armes abandonnés par l’armée de Mouammar Kadhafi ou livrés aux rebelles l’an dernier sont autant de facteurs de risques.

Face à ces menaces, un gouvernement provisoire, le Conseil national de transition (CNT), peine à assurer son autorité sur tout le territoire. A Tripoli même, la capitale, des milices fortement armées contrôlent toujours certains quartiers, cinq mois et demi après la mort de Mouammar Kadhafi.

Sous le règne du « Guide », qui a duré quarante-deux ans, le pouvoir jouait de ces rivalités tribales ou claniques pour neutraliser toute opposition. C’était « diviser pour régner » mais aussi « la carotte et le bâton »: menaces ou privilèges accordés, selon les nécessités, à telle ou telle famille.

Par ce moyen, en entretenant les tensions entre les différents groupes, Kadhafi barrait la route à l’unification de l’opposition et assurait son pouvoir. Lorsqu’il voulait frapper, comme ce fut le cas en 2009 face à une rébellion tribale, il n’hésitait pas à employer les grands moyens, envoyant ses hélicoptères de combat bombarder et mitrailler les insurgés.

Dans le Sud, où les liens tribaux sont bien plus étroits que sur la côte méditerranéenne, la porosité des frontières, la contrebande et la présence massive d’armes sont autant de défis lancés au CNT. Les islamistes sont actifs dans la région, comme l’a illustré l’appui qu’ils viennent d’apporter aux rebelles touaregs pour prendre le contrôle du nord du Mali.

Comme la plupart des affrontements tribaux, les combats de Sebha ont été provoqués par un incident assez banal, une tentative de vol de voiture qui s’est soldée par un mort. En l’absence d’une force de sécurité digne de ce nom, l’affaire a vite dégénéré en bataille rangée.

A Sebha, la capitale du Fezzan, le quartier de Tayouri porte les marques des fusillades. Des caisses de munitions sont abandonnées sur le sol. Des familles ont fui leurs maisons à la hâte et se sont réfugiées dans les villages voisins pour échapper aux tirs.

Dans un petit dispensaire, des gants en plastique et des pansements ensanglantés sont éparpillés sur le sol, parmi toutes sortes de débris. « Le calme est revenu mais on a toujours peur. Les combats peuvent reprendre à tout moment », déclare Khadija Issa, une infirmière.

Pour ramener le calme, le Premier ministre libyen Abdourrahim El Keib, un universitaire qui a longtemps vécu aux Etats-Unis, s’est rendu à Sebha – trop tard, selon ses détracteurs.Des dizaines de femmes sont descendues cette semaine dans les rues de la ville pour réclamer plus de sécurité. « Nous respectons El Keib en tant que personne mais il a une mentalité occidentale. La société libyenne a besoin d’un homme à poigne », a déclaré une enseignante de 50 ans, Khadija Taher. « Il faut que le gouvernement fasse quelque chose, sinon il y aura une autre révolution. » « Il faut nous donner les moyens de régler les problèmes dès qu’ils apparaissent. Il nous faut une police, une armée. Tant qu’il n’y a pas d’armée officielle, on ne peut rien faire », a déploré Ayoub Azarouk, le maire de Sebha.

Par : R.I