Nouvelle Constitution : Un texte de sursis pour le régime ?

Nouvelle Constitution : Un texte de sursis pour le régime ?
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Parce qu’il est confortablement assis sur un matelas financier qui lui permet d’acheter la paix sociale, qu’il jouit de la bienveillance des chancelleries occidentales, qu’il est convaincu de l’incapacité de l’opposition à changer les rapports de force au sein d’une société clivée, divisée, méfiante, traumatisée et lassée, le pouvoir ne semble pas aujourd’hui s’encombrer des critiques de l’opposition, ni des mises en garde contre les dangers qui guettent le pays.

C’est probablement le dossier politique qui focalisera l’attention lors de la prochaine rentrée sociale : la révision de la Constitution. Décidée dans la foulée des révoltes de ce qui est communément appelé le Printemps arabe, le projet de révision de la Constitution n’a commencé à être mis sur orbite qu’en juin 2014 à travers des consultations pilotées par le chef de cabinet du président de la République, Ahmed Ouyahia, après une autre série, visiblement infructueuse, menée une année et demie plus tôt sous la férule du président du Sénat, Abdelkader Bensalah.

Comme il l’avait promis en juin dernier, Ahmed Ouyahia devrait théoriquement rendre au président de la République la synthèse des propositions recueillies lors des consultations ces jours-ci. Ne restera alors, après le quitus du Président, qu’à soumettre la nouvelle mouture au Parlement dont la reprise des travaux est fixée au 2 septembre prochain, avant de la soumettre à un référendum populaire qui, lui, devrait intervenir avant la fin de l’année en cours. Mais d’ores et déjà, d’aucuns s’interrogent sur le contenu de la future Constitution.

Sera-t-elle à la hauteur des aspirations du peuple algérien à la démocratie, de ses mutations et de celles opérées sous d’autres latitudes ? Ou va-t-elle consacrer, comme de coutume, quelques aménagements cosmétiques, mais qui ne remettent pas fondamentalement en cause la nature du régime ? À voir la démarche adoptée par les décideurs, il est, pour le moins, illusoire de s’attendre à un texte révolutionnaire. À peine si l’on concédera à la limitation des mandats, l’adoption d’un régime semi-présidentiel qui confère quelques prérogatives au Premier ministre, l’institutionnalisation de la réconciliation nationale et de quelques organismes.

Mais la place de la religion, des langues, la primauté du politique sur le militaire, en référence à la plateforme de la Soummam, le rééquilibrage des pouvoirs, la lutte contre la corruption peuvent attendre. Au-delà du contenu, le projet est aussi handicapé par l’absence d’un large consensus au sein de la société. En dépit des assurances d’Ahmed Ouyahia sur la possibilité d’un “consensus”, que les portes demeurent ouvertes à l’opposition, force est de constater qu’un nombre appréciable de partis représentant l’opposition laïque et islamiste n’a pas jugé utile de s’associer à la démarche.

Entre le pouvoir et l’opposition, les divergences sont telles qu’il est presque impossible de concevoir dans l’immédiat un consensus autour de cette mouture. Car les divergences portent essentiellement sur la nature même du régime, celui-là même qui chapeaute le projet. Alors que la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique plaide pour une période de transition, le FFS, lui, préconise la construction d’un consensus national avant d’aller à l’élaboration d’une nouvelle Constitution.

Mais parce qu’il est confortablement assis sur un matelas financier qui lui permet d’acheter la paix sociale, qu’il jouit de la bienveillance des chancelleries occidentales, qu’il est convaincu de l’incapacité de l’opposition à changer les rapports de force au sein d’une société clivée, divisée, méfiante, traumatisée et lassée, le pouvoir ne semble pas aujourd’hui s’encombrer des critiques de l’opposition, ni des mises en garde contre les dangers qui guettent le pays, préférant faire la sourde oreille, en menant à bon port, contre vents et marées, son projet. À bien des égards, la nouvelle mouture se décline comme un texte de sursis pour le régime. Il fait, pour ainsi dire, un changement dans la continuité, selon la formule consacrée.

k .K