La question du week-end oppose l’idéologie au pragmatisme.
Le vendredi reste une journée « sacralisée », presque intouchable, pour la partie la plus conservatrice de la société.
Même si le gouvernement a pris tout le monde de court en instaurant un nouveau week-end, il n’a pas voulu aller jusqu’au bout de sa logique, sans doute pour ménager la susceptibilité des islamistes.
La valse-hésitation du département de l’Education sur l’organisation de l’emploi du temps des écoliers révèle la crainte de soulever l’ire des islamistes.
La journée du vendredi doit-elle absolument être chômée ? « Non », répond Ghaleb Bencheikh, auteur de livres sur l’Islam.
Il estime que contrairement à la journée du chabbat où les juifs doivent observer le repos total, il n’est pas interdit de travailler le vendredi.
« Le vendredi a un caractère sacral dans la mesure où c’est le jour de prière de la communauté. Mais dans le Coran, il est dit qu’après la prière, chacun doit vaquer à ses occupations. Il n’est pas dit que les gens doivent aller dormir après la prière. Le repos total du vendredi n’a aucune explication religieuse », explique M. Bencheikh.
Il ajoute que « les islamistes devraient penser à l’intérêt de leur pays et ne pas tenir mordicus au repos total du vendredi. Le pays gagnerait ainsi un milliard de dollars par an, c’est quand même mieux que ces inepties ».
Selon M. Bencheikh, il est nécessaire de savoir garder raison. Il serait ridicule, dit-il, de vouloir se préparer, dès le matin, à la grande prière de la « djoumouâa » au détriment de notre économie.
Quand bien même le vendredi serait sacralisé, il nous faisait perdre beaucoup d’argent.
« Je salue la décision prise par le gouvernement. On a trouvé un bon compromis, Il ne faut pas fléchir », souligne-t-il.
Mais depuis l’institution du week-en du jeudi-vendredi le 11 août 1976, les habitudes ont la dent dure.
Dans le débat sur l’instauration du week-end semi-universel, il y a ceux qui voient le verre à moitié plein et ceux qui le voient à moitié vide.
Certains observateurs estiment que l’ancien week-end offrait une tribune aux activistes islamistes ayant participé à l’émergence du mouvement islamiste en Algérie entre 1980 et 1990.
Le fait de ne pas travailler le vendredi matin ne changera pas tellement les choses puisque le monde des affaires continuera à tourner pendant ce temps.
D’autres considèrent, au contraire, qu’un week-end serait une manière de « s’aligner sur les Occidentaux ».
Le leader du Mouvement de la société pour la paix (Msp), Bouguerra Soltani, a déclaré qu’il aurait été très réticent à l’idée d’un vendredi « ouvrable ».
« J’étais préoccupé de savoir si le vendredi allait être totalement dédié au repos ou alors, comme pour le jeudi du week-end actuel, il allait être institué semi-ouvrable. Des membres du gouvernement m’ont expliqué que le président les a informés que le week-end sera tout le vendredi et samedi, alors j’ai dit OK », a révélé Soltani, dans une récente intervention médiatique.
Le syndicat estudiantin, l’Ugel, qu’on dit proche du parti de Bouguerra Soltani, a lui aussi manifesté son refus de voir les cours dispensés le vendredi.
Ce débat ferait presque oublier le fait que le week-end instauré par le défunt Houari Boumediène était anti-économique et répondait uniquement à des considérations idéologiques.
Ce week-end-là ne pouvait faire face au libéralisme et à l’ouverture du marché.
Amel B.