Tout le monde a en tête l’élection présidentielle de 2014
Un nouveau gouvernement vient d’être formé d’une manière à mi-chemin entre le formel et l’informel.
Sans éclat et sans intérêt, à l’image du quotidien des Algériens depuis près de quinze ans. Mais on ne change pas un gouvernement pour le plaisir de changer et même si, dans sa forme, le très léger lifting apporté à l’équipe gouvernementale n’intéresse personne, il ne manque cependant pas de susciter beaucoup d’interrogations quant à ce qu’il cache ou pourrait cacher comme intentions et quant à ce qu’il révèle ou pourrait révéler comme tensions.
Au regard de la manière dont a eu lieu le changement à la tête du gouvernement, les Algériens ont senti que quelque chose a dû se passer. En effet, la désignation de Sellal semble avoir été pondue dans une sorte de précipitation, comme si cela correspondait à une décision de dernière minute ou, pire encore, comme si cela eut lieu sur un coup de tête. Ceci expliquerait, en partie seulement, la non-information de la presse nationale. Et ceci expliquerait aussi pourquoi beaucoup d’anciens ministres, donnés partants à cause de leurs résultats non satisfaisants comme Toumi, Harraoubia, Tou, Benbada, Ould Abbès, entre autres, ou parce que pressentis pour d’autres destins comme Ghoul, par exemple, refont surface dans la nouvelle équipe gouvernementale. Mais qu’est-ce qui aurait pu justifier cela sachant que le changement était programmé, au moins, depuis les élections de mai, ce qui laissait suffisamment de temps au président de la République de choisir le successeur de Ouyahia?
L’élément déclencheur
Il n’échappe à personne que, depuis quelque temps déjà, l’élection présidentielle de 2014 sert de toile de fond à toute activité politique nationale. Des élections que chacun essaie de préparer à sa manière et selon ses moyens et sa culture. Mais des élections qui, en plus de susciter déjà beaucoup d’interrogations quant à l’avenir du pays longtemps agressé, font bouger les uns et les autres qui, pour sauter au-devant de la scène, qui pour propulser les siens, qui pour redresser son parti, qui pour mettre les bâtons dans les roues de ses ennemis présumés ou réels etc.
Les résultats, réels ou non, des élections législatives de mai 2012 étaient, de ce fait, un élément déclencheur qui allait donner le coup d’envoi d’une période de préparation pour les partis et les personnes intéressés par la course à El Mouradia. En principe, le FLN étant sorti largement vainqueur de ces élections, le SG de ce parti devait être désigné Premier ministre bien que rien n’y oblige le président de la République. Toutefois, et comme s’il voulait éviter de tomber dans un guet-apens, Belkhadem annonça clairement qu’il ne refuserait pas de gouverner avec d’autres parties. Ce message très diplomatique voulait dire, en langue profane, que Belkhadem refusait le poste de Premier ministre qui allait le coincer et l’empêcher de présenter sa candidature en laissant le champ libre à Ouyahia, son rival du RND. En proposant une sorte de «co-gouvernement» Belkhadem entrouvrait la porte sur l’impasse politique. De son côté, Ouyahia, convaincu que «son tour» est enfin arrivé, ne pouvait que refuser poliment, et de manière aussi diplomatique, l’invitation au piège. La porte donnant sur l’impasse est donc béante. Pour sortir de cette situation, un nouvel élément surgit, il avait pour nom, le TAJ, un rassemblement national avec, à la tête, un ex-ministre connu pour ses compétences et qui pourrait prendre la fonction de Premier ministre, le temps de mener le pays jusqu’à la prochaine présidentielle. Le tapage médiatique qui accompagna la naissance et le baptême du TAJ n’avait d’égal que l’empressement mis à crédibiliser ce nouveau parti de toutes les bonnes intentions du monde, à lui attribuer tous les mérites et à lui reconnaître toutes les compétences à même de sauver le pays et l’univers s’il le faut. Mais alors que tout semblait s’acheminer vers cette solution qui consistait à libérer Belkhadem et Ouyahia, c’est-à-dire le FLN et le RND pour la préparation des élections locales qui, ne l’oublions pas, ont toujours été, chez nous, déterminantes pour les élections présidentielles, pourquoi ne voilà-t-il pas que tout est chamboulé d’un coup. Plusieurs questions se posent alors. D’abord, est-ce que Ghoul n’a pas été accepté par une des parties qui se disputent les sphères futures du pouvoir? En effet, nul n’est dupe et il est aisé de deviner que le départ, très probable désormais, de Bouteflika ouvre la voie à la succession d’El Mouradia certes, mais, d’abord et avant tout, à une lutte pour un nouvel équilibre des forces importantes gravitant autour du pouvoir en Algérie. C’est, à dire vrai, partant du nouveau rapport des forces que se configurera le devenir du pays. Il se peut, pour une raison ou une autre, que la carte Ghoul/Taj fut rejetée. On peut supposer que son ancienne appartenance à un parti religieux lui eût été reprochée par une des parties farouchement opposée à cette tendance. On peut penser aussi que l’invalidation de la candidature de l’ex-ministre des Travaux publics est due à une certaine idée, juste ou erronée, de l’Etat et de la République. Ou, peut-être est-ce, tout simplement parce que ceux qui ont proposé Ghoul n’ont-ils plus assez de puissance pour l’imposer? Tout devient possible à un moment où l’opacité est à son comble autour du pouvoir en Algérie.
Dans ce cas de figure, la nomination de Sellal serait soit une sortie de crise négociée au pied levé pour opérer le changement tant attendu à la tête du gouvernement soit, et c’est ce qui nous serait plus probable, une sortie imposée par une des parties en présence.
Ensuite, pourquoi est-ce que Ghoul ne serait pas prédestiné à un destin national? autrement dit est-ce que la communication organisée autour de TAJ viserait-elle à préparer la propulsion de Ghoul lors de la prochaine présidentielle? Peut-être!
Enfin, l’option Ghoul n’aurait peut-être jamais existé. Dans ce cas, à quoi avait servi toute la campagne médiatique faite autour de TAJ et de son président? Qui était derrière? Et puis, pourquoi la majorité des anciens ministres ont-ils été reconduits? Quelque chose cloche. Si l’option Ghoul n’existait pas, alors tout porte à croire que le président de la République n’avait pas les mains libres pour choisir le nouveau Premier ministre et le changement opéré n’aurait pu l’être qu’après des négociations avec les parties prenantes.
Le départ est donné
En reprenant presque les mêmes, Sellal donne l’impression de conduire un gouvernement provisoire dans lequel les ministres sont chargés de faire marcher leurs institutions en attendant l’élection présidentielle. Désignée pour une durée d’un an et demi à peu près, avouons que la nouvelle équipe n’a pas beaucoup de temps et ne peut prétendre faire des miracles. Si, en 19 ans, certains n’ont rien pu faire ce n’est pas en un an et demi que d’autres feront quelque chose. En tout état de cause, Ouyahia est parti, mal remercié. Belkhadem ne lui a pas survécu. Le départ est donné pour préparer une élection présidentielle comme l’on n’en a jamais vue en Algérie. Mais d’ici là, parions qu’il y aura beaucoup d’intentions certes mais, surtout, de tensions.
A suivre, donc!