Inattendue, la querelle entre le Maroc et la France s’exacerbe. Entre parenthèses le tapis rouge sur les marches de l’Élysée en mai 2012 foulé par le roi du Maroc Mohammed rendant visite à son ami François Hollande ! Oublié aussi l’accueil fastueux des mille et une nuits d’avril 2013 au président français par le Maroc après ses visites en Algérie et en Tunisie !
Ce qui en d’autre temps aurait été vite oublié a pris de grandes proportions. Mohamed VI donne l’impression d’être prêt au pire : jusqu’à rompre les relations avec son soutien historique.
Rabat, qui a digéré plein de couleuvres de la part de la France, dont les péripéties de l’assassinat de Ben Barka, figure de la gauche marocaine, au cœur de Paris, par des barbouzes du royaume, ou encore les retombées, également en France, de la disgrâce du général Oufkir, père des services et sévices marocains, et de son incarcération dans ses propres geôles, ou encore les scandales récurrents de peoples français se conduisant en maîtres au Maroc, ne digère pas aujourd’hui le dépôt d’une plainte contre le patron de son contre-espionnage, Abdellatif Hammouchi, pour “complicité de torture”. Plus que la plainte elle-même, dans ce feuilleton, l’ami maghrébin de la France n’a eu droit à aucun égard. Des flics français, au nombre de sept, s’étaient brutalement présentés, armes au poing, avec un juge, dans la résidence de l’ambassadeur marocain, traquant un officiel de poids, de surcroit membre d’une délégation officielle conduite par le ministre marocain de l’Intérieur à l’invitation de son homologue français. Celui-ci, d’habitude très prolixe, n’a pas dit grand-chose. Pas même l’idée que ce remue ménage pouvait être, par exemple, un “complot” contre le pouvoir socialiste, en ces moments de grands mécontentements en France. D’autant que la présence dans la délégation du chef des barbouzes marocains pouvait bien signifier que les discussions entre les deux pays portaient principalement sur des questions sécuritaires et de terrorisme. Accessoirement de renvoi à la frontière de ressortissants marocains indésirables : sujet privilégié du ministre français. A Rabat, on ne s’y est pas trompé, on lui a collé l’adage : “qui ne dit rien, consent”. La question du pourquoi la France n’a pas utilisé les canaux diplomatiques pour se saisir de cette affaire sensible est pour le moment sans réponse. Tout porte à penser que la colère du Maroc ne vise qu’à obliger la France à poursuivre son soutien inconditionnel dans la question du Sahara occidental. En effet, la France a montré ces derniers temps des signes d’impatience sur ce sujet, lasse des tergiversations et fuites en avant de l’occupant d’un territoire qui reste, aux yeux de la communauté internationale, une question de décolonisation à achever sur la base de l’exercice de son peuple de son droit à l’autodétermination. Il faut savoir que François Hollande, qui cherche à s’affirmer au sein de l’Union européenne, est isolé dans cette perspective, particulièrement dans le nord de l’Europe et au sein du Parlement européen, sensibles à la question sahraouie. En outre, François Hollande, qui assume désormais ouvertement son rôle de «gendarme en Afrique», ne souhaiterait plus traîner la casserole d’un soutien à un principe fondateur chez tous les régimes du continent : celui de la décolonisation. Soutenir la présence marocaine au Sahara occidental est plus que malencontreux. Cela contredit les motivations officielles avancées par le président français pour ses opérations militaires au Mali puis en Centrafrique. Le roi n’ayant pas décoléré depuis jeudi dernier à la descente des flics français dans son ambassade parisienne et à l’annonce du dépôt, par une ONG, de deux plaintes pour complicité de torture contre le patron de son contre-espionnage, le président français s’est résigné à le contacter par téléphone afin de lui apporter des “clarifications”. Le contact n’est pas rompu, les deux dirigeants ayant décidé de le poursuivre, ce qui signifie en terme diplomatique que la crise est encore ouverte. Ces débordements dans une relation entre la France et le Maroc d’ordinaire bien cadrée, expriment un nouveau chantage de la part de Mohamed VI, pressé par l’ambassadeur américain Christopher pour le Sahara occidental de revenir aux résolutions de l’Onu. Cette fois-ci, Christopher a l’oreille de la Maison Blanche, du Département d’État et du Pentagone. Pour les États-Unis, colonie espagnole sous occupation marocaine, le Sahara occidental est une pièce du puzzle géostratégique du Sahel saharien, cette vaste contrée où les djihadistes sont implantés et qu’ils tentent de transformer, à l’image des zones tribales à cheval entre l’Afghanistan et le Pakistan, en base avancée pour des conquêtes au Maghreb et dans l’Afrique noire.
D. B