«Notre souhait ne relève pas d’une vision rigide»

«Notre souhait ne relève pas d’une vision rigide»

Le ministre des Finances, Karim Djoudi a détaillé, dans un entretien à «Jeune Afrique», les objectifs économiques de l’Algérie.

Entre pragmatisme et protectionnisme, Karim Djoudi défend sa politique financière :

Le ministre des Finances, Karim Djoudi a détaillé, dans un entretien à «Jeune Afrique», les objectifs économiques de l’Algérie. Le premier argentier du pays a donné des réponses, certes de technocrate, mais qui ponctuent aussi les décisions politiques résolues à sauvegarder l’économie nationale.

Il a ainsi réaffirmé la détermination du gouvernement à accroître les efforts et les possibilités pour l’aboutissement des projets du quinquennal 2010/14. Les réponses de Karim Djoudi aux questions de «Jeune Afrique» sont pragmatiques, travaillées et argumentées. Diffusées sur le site du magazine, elles rendent compte des positions du gouvernement algérien et les résultats de ce que les observateurs appellent la nouvelle politique ou donne économique, entreprise depuis 2008.

A un mois de l’avènement de la nouvelle année 2011, qui devrait être dominée par plusieurs questions décisives, à savoir l’affaire Djezzy, la croissance, l’inflation et les IDE, le ministre des Finances a défendu avec ferveur sa politique économique. Pour assurer ce renouveau économique, Karim Djoudi a un concept phare dans ses réponses à «Jeune Afrique» : le contrat «gagnant-gagnant» ou d’«égal à égal» qui doit être le postulat à tous les engagements et tous les partenariats futurs. Il soulignera, dans cette optique, qu’«en économie, il n’y a pas de bons ou de mauvais schémas. Il y a le schéma qui correspond aux réalités économiques et qui s’astreint à des objectifs.

Quelles étaient nos réalités en 2008 ? Une crise financière internationale qui provoque un effondrement des cours des Hydrocarbures, accompagné d’une chute de près de 50% de nos recettes fiscales».

Derrière ces chiffres positifs, il y a aussi la protection de l’économie nationale qui est mise en exergue par le ministre et sa mesure du 49/51% : «en 2008, nous avons décidé de changer notre fusil d’épaule». Désormais, les investissements doivent être faits en partenariat avec des opérateurs algériens, publics ou privés, pour que les Algériens créent, apprennent et se développent avec leurs partenaires étranger». Et d’ajouter : «de nombreux groupes étrangers n’y sont pas insensibles, et nous voulons en tirer le plus de profit possible pour nos agents économiques. Notre souhait ne relève pas d’une vision rigide de l’économie, mais de la réalité de nos contraintes et des opportunités que crée notre forte demande, couplées à nos capacités de financement».

Ces mesures ont été salutaires pour l’Algérie dans un environnement de crise mondiale, selon le ministre qui se targue à dire que «malgré ce contexte difficile, l’avènement de la crise mondiale en 2008, ndlr), le bilan des nouvelles mesures est éloquent: une bonne croissance en 2008, fortement consolidée en 2009; une inflation stabilisée; des ressources externes qui n’ont pas fondamentalement diminué; un endettement externe quasi nul; une dette interne maîtrisée; et une épargne publique, représentées par le Fonds de régulation des recettes, évaluées à près de 48 % de notre PIB et qui a sensiblement augmenté».

La guerre aux importations «superflues», une réussite !

Après avoir donné un aperçu historique de l’économie algérienne des années 80 à nos jours, dans lequel, il a critiqué les faux pas et les inepties de ses prédécesseurs, Karim Djoudi soulignera qu’«il fallait relancer la machine économique au travers de la dépense publique.

Mais comme nos entreprises étaient déstructurées, cette dépense s’est orientée vers les importations. Nous espérions que les fournisseurs allaient investir localement et produire de la richesse». Et cela n’a pas été le cas. En effet, Karim Djoudi a avoué que «le développement non maîtrisé des importations menaçait la production locale et donc les perspectives d’investissement». La guerre aux importations superflues et de pacotille a été alors enclenchée.

«D’où l’instauration de charges et de taxes pour encourager la substitution de l’importation par l’investissement. Notre démarche part d’un contexte historique pour répondre à des besoins de transfert de technologies et de savoir-faire, de modernisation de l’économie, le tout sous-tendu par une conjoncture internationale de déprime économique où nous avons la chance de disposer de capacités de financement et de relance de la demande interne», a déclaré le ministre.

Et cette guerre au superflu a permis de réduire substantiellement la facture des importations. Sur ce registre, il s’est montré satisfait de son bilan : «la courbe des importations.

Elles étaient de l’ordre de 20 milliards de dollars en 2006 et de 27 milliards de dollars en 2007, pour atteindre 39,5 milliards de dollars en 2008. L’introduction des nouvelles mesures a permis d’infléchir cette courbe avec une stabilisation en 2009 et un recul sensible attendu pour 2010.

Les autres indicateurs sont tous aussi positifs. La croissance globale est bonne, avec 4%, et elle est soutenue par une remarquable performance hors Hydrocarbures, avec 9,6%, grâce à l’agriculture, le BTP et les services. Si à cela vous ajoutez un fort recul du taux de chômage et une augmentation de l’investissement…»

Le Crédoc maintenu

Dans la foulée des mesures des dernières Lois de Finances, même si Karim Djoudi a avoué que «le paiement sur facture est certes flexible», il dira qu’«il (le payement sur facture) a permis de siphonner nos réserves de changes (…). Il était temps d’assainir notre commerce extérieur. La généralisation du Crédoc a permis la traçabilité de toutes les opérations financières à l’importation.

Cela a également contribué à mieux contrôler la qualité des produits importés, et donc à protéger la santé du consommateur» et de poursuivre : «cela a posé quelques problèmes au niveau du traitement de la procédure, notamment les délais d’ouverture. La plupart des grandes entreprises ont assimilé les nouvelles mesures et ne rencontrent aucune difficulté».

Bilan en main, le 1er argentier du pays a affirmé défier quiconque : «il n’y a eu aucun impact négatif sur les intrants nécessaires à l’outil de production.

Une nouvelle fois, je fais appel aux chiffres pour prouver le bien-fondé de notre démarche: croissance consolidée, importations stabilisées, chômage en recul et activité en constante augmentation».

Et de conclure : «le Crédoc est une forme usuelle en matière de transactions de commerce extérieur. Les bienfaits de sa généralisation nous incitent à le maintenir».

L’Algérie et les IDE

Concernant le volet des investissements étrangers, le ministre a dit que «toutes les économies basées sur les IDE et les transferts ont été sévèrement touchées par la crise (mondiale), qui a provoqué leur reflux.

En termes financiers, nous avons enregistré, en 2009, une augmentation. Cependant, nous devons nuancer, car il s’agit d’augmentations de capital des Banques étrangères opérant en Algérie.

Même si cette démarche obéit à une mise en conformité avec la nouvelle législation, il n’en demeure pas moins que l’apport en devises, dans un contexte économique morose qui touche particulièrement les banques, traduit une confiance dans le marché algérien». Et à l’avenir, dans un environnement mondial incertain, l’Algérie, selon Karim Djoudi, continuera à attirer les étrangers.

Le marché algérien est «un endroit où l’on peut placer ses billes au moment où les marchés financiers perdent pied. Si, malgré la crise internationale et l’introduction de nouvelles mesures de régulation du commerce extérieur, les Banques étrangères importent des capitaux pour renforcer leurs capacités à financer le marché domestique, c’est un signe évident de confiance».

In fine, Karim Djoudi a encore une fois déclaré à propos de l’affaire Djezzy que l’Etat est «au stade de son évaluation financière». Pour conclure que les Télécoms est un des secteurs sur lesquels l’État porte un regard particulier».