Notre pays vu par les étrangers: Si tu vas en Algérie

Notre pays vu par les étrangers: Si tu vas en Algérie
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Sa nature est belle et la sécurité y est garantie, mais l’Algérie attire peu les étrangers.

Elles étaient trois étrangères à se baigner en bikini l’autre jour à Zéralda et semblaient heureuses de se trouver en Algérie. Deux Européennes du Nord, comme le montrait leur teint et le laissait entendre leur accent, batifolaient dans l’eau dans une insouciance joyeuse.

Un peu plus loin, une Française accompagnée de son mari algérien et de ses enfants paraissait, elle aussi, apprécier l’ambiance du littoral algérois.

Il est vrai que la plage était protégée des regards indiscrets par une haie de roseaux et des agents de sécurité car toutes les femmes portaient le maillot. Toutefois, venant du large sur des jet-skis, de jeunes trublions qui ne brillaient pas par la finesse de leurs manières avaient envahi la petite crique et zigzaguaient à toute vitesse parmi les nageurs.

LG Algérie

Le tumulte qu’ils avaient provoqué a mis toute les mères en alerte et gâché la tranquillité de la baie.

Une altercation assez houleuse s’en est alors suivie et a failli se transformer en pugilat entre les voyous montés sur les bolides de mer et les gérants de station soutenus par les parents.

La violence des échanges augurait d’une bagarre générale, mais fort heureusement, le calme était vite revenu.

Deux jours plus tard, à Chenoua dans la wilaya de Tipasa, de jeunes estivants de Hadjout ont été sauvagement battus pour s’être révoltés contre le puissant ordre des plagistes autoproclamés.

Ces barbouzes leur avaient exigé un accès à 1500 dinars per capita, en plus de 200 dinars en frais de parking et devant le refus et protestations, ils les ont corrigés à coups de matraques jusqu’à l’hémorragie.

Les victimes sont alors rentrées chez elles et ameuté cousins, amis et frères. Fort de l’appui de la smala, les garçons sont revenus à la tombée du soir sur les lieux du délit pour déclencher, sabres et gourdins à la main, une bataille rangée avec les agresseurs.

La vendetta a fait plusieurs blessés dont certains dans un état grave. Comme si, en Algérie, la violence était la règle et la paix était l’exception.

Un pays sûr

Mais non, il ne faut pas se fier aux apparences! Un récent sondage de l’institut américain Gallup annonce que, en 2017, l’Algérie figure à la septième place des pays les plus sécurisés au monde, juste derrière la Suisse et la Norvège. C’est vrai que le maillage du territoire par un dispositif de sécurité hermétique a rendu l’activité terroriste difficile. Il se trouve aussi que, après avoir subi dix ans l’enfer des attentats, les citoyens considèrent la paix civile comme la plus précieuse des priorités. Un bien qu’ils ont protégé même lorsqu’en 2011 tous les pays autour d’eux s’embrasaient et sombraient dans le chaos.

Alors pourquoi l’Algérie traîne-elle, plus de quinze ans après la fin de la décennie noire, une réputation sulfureuse qui en fait une sorte de repoussoir pour les étrangers?

En comparaison, la Turquie a connu une soixantaine d’attaques de grande ampleur entre 2015 et 2016 ainsi qu’une tentative de coup d’Etat, mais elle continue d’attirer les touristes.

Mieux! L’Algérie a été décrétée le pays le plus heureux d’Afrique et le 53e dans le monde en 2017. Alors pourquoi tant de haine?

«Le problème n’est pas là, dit un Algérien établi en Suisse. La qualité de vie et celle des services, le conservatisme archaïque et la paranoïa héritée de l’ère socialiste de Boumediene font fuir les étrangers.»

Un beau pays, mais…

Pas tous, en tout cas. Jonathan, un Irlandais de passage à Alger est tombé amoureux de la ville. «Je suis étonné à chaque instant. J’avais une image catastrophique du pays et de ses gens mais je suis agréablement surpris. Même les bars d’Alger sont plus calmes que ceux d’Irlande.» Hamza, un sculpteur de fruits pakistanais dans un grand hôtel estime que les Algériens sont «plus disciplinés» que ses compatriotes. Il trouve la vie agréable ici et dit vouloir s’installer pour toujours au pays. Frédéric a épousé, pour sa part, une fille du bled avec laquelle il coule maintenant des jours heureux. Il a appris quelques expressions algéroises et parle sa langue maternelle avec l’accent de Bab El Oued.

Tous les étrangers interrogés, qu’ils soient résidents ou en visite en Algérie, ne tarissent pas d’éloges sur le pays et ses habitants. Ils considèrent que chez nous les rapports sont plus sincères et chaleureux que dans les pays touristiques de la région. Mais, parce qu’il y a un grand mais, l’envers du décor n’est pas reluisant. La saleté d’abord qui déborde dans tous les coins de rue. «E sporca!» (C’est sale) s’est ainsi écriée de dégoût une Italienne qui venait de passer une dizaine de jours sous notre beau ciel.

«La nuit tombe très vite sur Alger, renchérit ironiquement un autre Français. A 21 heures, tout ferme et ça fait peur de marcher dans la rue.»

Un Américain qui venait à la découverte du pays l’a beaucoup aimé, mais n’a pas supporté d’avoir été privé de la liberté d’aller où il voulait.

Pour se déplacer d’une wilaya à une autre, l’étranger doit obtenir une autorisation spéciale et, au besoin, être escorté par des agents de la sécurité.

La peur des kidnappings ou des assassinats a imposé une vigilance que Mathew trouve «ridicule» car «imaginez que vous ayez des millions de touristes par an. Comment allez-vous faire?».

Pétrole contre tourisme

Depuis son indépendance, l’Algérie n’a jamais été vraiment un pays touristique. «Faux! rétorque un nationaliste nostalgique et de bon aloi. Dans les années 1970, ça grouillait de touristes étrangers.»

Un enthousiasme rétroactif que les chiffres de l’époque contredisent. En 1974, environ 245.000 visiteurs sont venus en Algérie contre 700.000 en Tunisie et plus d’un million au Maroc.

Cette année-là, le pétrole fournissait 95% des rentrées en devises au pays et participaient à hauteur de 50% au PIB. Quarante-trois ans plus tard, les choses n’ont pratiquement pas changé.

D’autre part, à l’exception des expatriés qui s’y installent avec un contrat préalablement signé, l’Algérie demeure assez fermée à ceux qui voudraient y vivre pour travailler et commercer. Ce post publié dans un forum de renseignement sur l’immobilier donne une partie de l’explication: «Depuis ma tendre enfance, j’entends dire qu’un étranger ne peut devenir propriétaire d’un bien en Algérie, mais il doit sûrement y avoir des exceptions. Après tout Gérard Depardieu a bien acheté des vignobles.»

Réponse: «En connaissance de cause, je peux te répondre que tu n’as pas le droit en tant que Française d’acheter de façon légale un bien en Algérie. Sauf les entreprises. Je suis française, mariée à un Algérien et j’y vis depuis 2 ans environ (…) Mon mari, pour diverses raisons souhaitait mettre l’appartement à mon nom (…)» mais le notaire «nous a dit que cela n’était pas possible car l’Etat algérien ne l’autorisait pas».

En tout état de cause, l’Algérie reste un pays assez fermé à la diversité ethnique et, pour telle ou telle raison, attire très peu les étrangers. Certes, les Chinois y viennent pour travailler dans les chantiers, les Occidentaux pour les salaires mirobolants qu’offrent certaines sociétés, les Syriens pour fuir la guerre et ouvrir des gargotes «chawarma» et les subsahariens pour tenter de gagner l’Europe et entre-temps mendier.

En règle générale, cependant, l’Algérie, Etat et société, n’ouvre pas grands les bras à l’étranger pour lui souhaiter sans retenue ni équivoque la bienvenue.