notre existence en question

notre existence en question

«Il n’ y a point de vent favorable pour celui qui ne sait où aller» Sénèque l’Ancien

Cette citation de Sénèque l’Ancien va nous permettre d’articuler – modestement – un plaidoyer pour une Algérie de nos rêves, une Algérie fascinée par le futur, fière de son identité et de ses repères identitaires et religieux dans un monde de plus en plus anomique où tout se vend ou disparaît. Il en est de ressources et des peuples des Etats qui disparaissent au gré des humeurs et des intérêts des plus grands.. Dans des contributions précédentes, nous avons pointé du doigt l’horreur coloniale que rien ne peut justifier. Nous avons notamment décrit le mythe des races supérieures d’une certaine «destinée manifeste» et nous avons conclu que la colonisation ne pouvait pas être positive, que les crimes contre l’humanité ne pouvaient être prescrits. Nous avons ensuite décrit rapidement ce que l’Algérie traumatisée après l’indépendance a réalisé.

Les errements tragiques constatés expliquent d’une certaine façon cette panne dans l’action.(1-10)

Le Monde actuel et son évolution

Il nous faut d’abord décrire l’environnement international qui n’a jamais été aussi ensauvagé par un Occident sûr de lui et dominateur, notamment après la disparition de l’Union soviétique. L’Islam, le Satan de rechange, est partout montré du doigt. La géopolitique de la rapine sous les dehors des droits de l’homme est en fait, une nouvelle forme d’ingérence. Ce fut d’abord, le devoir d’ingérence, ensuite, le droit de l’ingérence. L’humanitaire et la démocratie aéroportée sont actuellement mis en action, notamment depuis l’annonce du GMO. La diminution inexorable des ressources de la planète, le GMO en action, l’apport considérable des réseaux sociaux avec la formation par l’empire de cyber-dissidents, a permis la chute des potentats arabes; ce fut la fable des printemps arabes.

Les changements d’alliance, le basculement du centre du monde vers l’Asie avec, notamment, l’émergence de la Chine et de l’Inde et les tentatives de coup d’arrêt données par la Russie et la Chine à l’hégémonie de l’Occident, ne feront que ralentir la machine occidentale et l’idéologie néolibérale malgré les dégâts de cette mondialisation laminoir. Les offensives impitoyables, dont font et feront les frais les pays les plus vulnérables. Il en faut peu pour affaiblir un État. La tentation d’empire toujours présente, les reflexes des anciennes puissances du XIXe siècle expliquent cette nouvelle curée avec toujours les mêmes arguments: la protection des minorités, les droits de l’homme blanc… Le niveau de vie des peuples occidentaux, qui n’est pas discutable comme le martèle Bush, quitte à faire sauter la planète malgré les changements climatiques erratiques et quitte à éclairer, le cas échéant, au napalm de leur lumière les peuples vulnérables.

Où en sommes-nous?

Dans cet environnement de plus en plus crisique, il est utopique de croire que l’Algérie fait exception. Nous sommes un pays musulman, arabe, disposant d’un grand territoire- le plus grand d’Afrique après la partition du Soudan- disposant aussi de ressources énergétiques aux portes de l’Europe. En clair, nous remplissons les conditions pour une «sollicitude» de grands de ce monde. Si on y ajoute les tentatives de remettre en cause l’unité du pays, les conditions sont réunies pour une remise en cause de la nation.

On le voit, rien de pérenne ne peut se faire sans un désir d’être ensemble. C’est, le croyons-nous, la première chose à laquelle il faut s’atteler pour consolider la citoyenneté. Il nous faut réveiller en chaque Algérien cette algérianité du nord au sud, de l’est en ouest comme l’a si bien réussi la glorieuse révolution de Novembre. Un peuple ne peut pas vivre sans mythes fondateurs. L’Islam maghrébin devrait nous servir de repère au quotidien dans un monde qui a perdu ses repères, il nous permettra de lutter contre l’éclatement du tissu social, à commencer par la cellule familiale. L’écriture de l’histoire de l’Algérie doit être totale, généreuse et doit embrasser toutes les époques depuis trois mille ans. L’identité amazighe doit être reconnue non d’une façon honteuse et ghettoïsée mais voulue et revendiquée par tous les Algériens. L’apprentissage de la citoyenneté se fera par l’Ecole et par le Service national qui est véritablement le creuset de la Nation. Le vivre-ensemble, le creuset du Service national. Evitez la ghettoïsation par wilaya où chacun naît, étudie, travaille et meurt dans la même wilaya. C’est le cas des institutions universitaires, à titre d’exemple, pour contribuer au brassage, il sera nécessaire de spécialiser les universités par grandes disciplines.

La marche graduelle vers un fédéralisme permettra à l’image des landers allemands, que chaque grande région se développe et donne la dimension de son talent au sein de l’Etat-nation. La rédaction d’une Constituante permettrait alors d’inscrire dans le marbre la démocratie, les libertés et l’alternance.

Bref état des lieux

Une inquiétude de plus! On apprend qu’en 2011, l’Algérie a importé pour 46,45 milliards de dollars. Pour des exportations de 73 milliards de $. Les recettes hors hydrocarbures ont représenté 2,15 milliards de dollars, principalement des produits miniers, fer, phosphates, un peu d’or, un peu de dattes et de vins qui se chiffrent à quelques millions de dollars; en clair pas de produits manufacturés, pas de création de richesse, on se contente de ce que recèle notre sol et notre sous-sol. Ce chiffre, un nouveau record pour les importations du pays, est en hausse de 14,77% par rapport à 2010 (40, 47 milliards de dollars). Est-ce une performance ou doit-on s’en inquiéter?

L’explosion de la facture des importations du pays, qui était à 39 milliards en 2009, à 38 milliards de dollars en 2008, contre 27 milliards en 2007 et 18 milliards en 2004, montre que la croissance des importations atteint 300% sur la période 2004-2009.

A quel mérite nous devons cela, à notre farniente? A la bénédiction divine? A nos certitudes d’un autre âge? La facture alimentaire a frisé les 10 milliards de dollars. Comment expliquer que l’Algérie ne couvre que 20% de sa consommation par sa production agricole? L’Algérien est tiraillé entre ce que lui martèle «l’Unique» à longueur d’antenne sur les exploits de l’agriculture. Souvenons-nous que par deux fois, le président de la République a annulé la dette des agriculteurs (d’abord 14 milliards de DA puis 41 milliards de DA, pour arriver à quelle performance?

Par ailleurs, les exploits dans le domaine laitier que valent-ils? On parle d’une production totale de 2,92 milliards de litres de lait cru mais la collecte n’est qu’à 572 millions de litres, (moins de 20%). Le reste est écoulé dans les circuits informels. L’importation de lait et dérivés a également augmenté de 53,5% par rapport à 2010. Dans le même ordre, les importations de l’Algérie en produits pharmaceutiques ont atteint 1,95 milliard de dollars en 2011, 60 opérateurs sont présents sur le marché national! Aucun ne crée de la richesse! Là aussi, que devient la production en Algérie du médicament? Que devient l’industrie des équipements médicaux? qui fait que nous importons tout, même les tabourets, les lits… Où est le génie national? Décidément, les responsables de ces secteurs manquent d’imagination!

Dernière estocade, il ressort de la séance de présentation du rapport 2011 sur l’évolution économique et monétaire en Algérie, présenté au siège de la Banque nationale d’Algérie, que tout va bien, mais cela repose sur du sable. Pour l’économie nationale mono-exportatrice, «désormais l’équilibre du budget de l’Etat dans un contexte de dépendance budgétaire totale aux recettes des hydrocarbures dont les cours sont très volatils, requiert des niveaux de prix des hydrocarbures autour de 110 à 115 dollars». En clair, nous allons avoir des finances indexées sur les cours du pétrole brut, ce qui stérilise toute velléité de développement.

Quels sont les défis à relever?

Il y a moins d’un an, les autorités nous disaient que tout allait bien, que l’Algérie n’était pas concernée par la crise, bref qu’elle pouvait donner des leçons aux Nations européennes engluées dans une crise multidimensionnelle. Depuis un mois nous nous tenons le ventre, la rente ne suffit pas un train de vie qui nous fait gaspiller 45 milliards de dollars en sous-traitant aux étrangers le fonctionnement du pays.

Dans cet environnement hostile et sans être exhaustif, nous allons décrire quelques principes qui doivent sous-tendre notre action. Nous avons une génération devant nous-si nous savons y faire – pour procéder sans attendre aux mutations nécessaires rendues nécessaires par la marche du monde.

Certes il y a des acquis incontestables, notamment dans le domaine social qui s’est indéniablement amélioré, mais cette amélioration est artificielle, elle ne crée pas de richesses.

C’est un tonneau des Danaïdes qui n’arrivera jamais à satisfaire une demande sociale en augmentation permanente et l’Algérien veut avoir un niveau à l’européenne, notamment en empruntant les signes extérieurs de la civilisation de l’éphémère (portables, chaussures de marque, jeans, Ray Ban, voire 4X4) sans aucune production de richesse endogène, Ce n’est pas cela le développement.!!!.

Le moins que l’on puisse dire est qu’il y a une débandade dans les importations. Faute de stratégie d’ensemble. Tout est importé. L’Algérie vend des matières premières et achète tout de l’étranger. Rien n’est fait pour favoriser la production nationale car l’Université, créatrice d’idées et incubateur de start-up, est absente du débat. Elle ne sert à rien dans les faits… Par ailleurs, on achète n’importe quoi: «Près de 60% des produits importés pour la revente en l’état sont contrefaits», a affirmé M.Bouderbala, le DG de la Douane algérienne, le 14 juin 2011, ajoutant que «la contrefaçon touche même les médicaments. Il a également cité les produits cosmétiques, les pièces détachées, les appareils électroménagers, la robinetterie à gaz, les cigarettes, ainsi que d’autres produits. Presque la totalité des cosmétiques importés sont contrefaits et tous les appareils de téléphonie mobile qui ne sont pas agréés par l’Arpt sont aussi de faux produits».

L’Algérie a importé 390.140 véhicules en 2011 contre 285.337 véhicules en 2010, en hausse de 36,73 d’après l’APS. La facture des importations des véhicules a ainsi augmenté de 30,85%, par rapport à 2010 (près de 4,8 milliards de dollars).

Il y a une quarantaine de concessionnaires activant en Algérie. En 2007, la facture était de 1,2 milliard de dollars. En 2011, elle a atteint 4,4 milliards de dollars. De 150 000 véhicules importés en 2007, on est passé à 350000 véhicules en 2011.

Le constat est plus grave encore si l’on pense à la contrebande de carburant aux frontières libyenne, tunisienne et marocaine, sans parler des convois qui vont jusqu’au Mali et au Niger. Ajoutons que l’Algérie achète pour 300 millions de dollars de gasoil – dont une partie s’évapore par les frontières – au prix du marché près de 0, 6 $ le litre, soit 50 DA, elle le vend quatre fois moins cher parce que les députés en ont décidé ainsi au nom du soutien des «tabakate el kadiha»

Nécessité d’une feuille de route pour le futur

Il est nécessaire, le croyons-nous, que la feuille de route soit articulée autour du triptyque éducation, autonomie (alimentaire, hydrique, énergétique)? Le modèle de développement agricole a atteint ses limites. Par deux fois les dettes des paysans ont été supprimées, ce n’est pas pour autant que l’on sent un frémissement annonciateur d’une future autonomie. Au contraire, la facture alimentaire est de plus en plus lourde: près de 8 milliards de dollars en 2011!

La refondation graduelle du système éducatif dans son ensemble.

L’échec ou la réussite d’un pays est indexé sur la performance du système éducatif. Il nous faut améliorer les méthodes d’éduction et les contenus en partant du principe que la finalité est de former un futur citoyen avec des savoirs utiles. Il devrait y avoir une continuité entre l’école, l’université, avec notamment la réhabilitation fondamentale des disciplines scientifiques.

Nous devons former les combattants d’un nouveau Djihad à la fois contre l’ignorance et pour l’obligation de donner une chance d’exister scientifiquement à l’Algérie dans un monde de Hobbes où c’est «la guerre de tous contre tous». L’Etat doit tout mettre en oeuvre pour former de bons enseignants, au minimum parfaits bilingues pour en finir avec les combats d’arrière-garde qui ont fait tant de mal au pays.

La formation professionnelle, qui devra jouer un rôle important dans le développement du pays, devrait s’astreindre à des formations dont le pays a cruellement besoin. Il est utopique et inutile pour le pays de former des milliers de médecins, d’ingénieurs s’ils sont pléthoriques, mal formés. Par contre, il y a un cruel besoin de maçons, de ferronniers, de plombiers, tout une panoplie de métiers qui avaient leurs lettres de noblesse. Comme l’écrit George Washington, président des Etats-Unis d’Amérique: «Aucune race ne peut prospérer si elle n’apprend qu’il y a autant de dignité à cultiver son champ qu’à composer un poème.»

S’agissant de l’enseignement supérieur, il est nécessaire là aussi que des états généraux définissant les métiers de l’avenir, les méthodes d’enseignement telles que le LMD seront réévaluées pour leur apport réel.

De plus, les formations technologiques, colonnes vertébrales de tout développement industriel, devront être réintroduites. Il sera alors nécessaire d’évaluer l’importance pour le pays de centres d’excellence dans le plein sens du terme sans les disciplines scientifiques économie, droit, médecine, technologies au sein de grandes écoles.

Une université créatrice de richesse, notamment par la création en son sein de start-up, doit pouvoir aussi avoir les moyens d’une vraie recherche avec notamment de grands axes structurants (la recherche agronomique, le développement durable, les énergies renouvelables, l’environnement). Qui empêche, sur les milliers de thèses soutenues, qu’il y ait des appels d’offres pour des sujets en prise directe avec les besoins du pays en termes de recherche appliquée?

Cependant, rien ne sera pérenne si le regard des gouvernants ne change pas vis-à-vis des enseignants, ces «gardiens du temple». Ils doivent au moins autant que les autres faire preuve de sollicitude de la part des hautes autorités, la méfiance vis-à-vis des élites doit cesser. Ce sont des Algériens sans qui rien de pérenne ne pourra être construit.

Pour une stratégie énergétique

La dépendance des hydrocabures depuis cinquante ans, exception faite de la période Boumedienne où il y eut réellement une tentative de développement à marche forcée qui nous a permis, après toute la «déboumediénisation», de garder l’outil de raffinage, ce qui reste de la Snvi et El Hadjar. Nous n’avons pas construit quelque chose de pérenne qui crée de la richesse. Au contraire, les dépenses de 2011 montrent à quel point nous sommes vulnérables. L’économie du container et du bazar a pris le dessus. Pratiquement, l’Algérien dépend de l’étranger pour se nourrir, se vêtir; être transporté, bavarder au portable à 1, 5 milliard de dollars et ceci tant que les barils de la rente produits d’une façon frénétique couvrent notre gabegie.

Dépendant des hydrocarbures, il nous faut en priorité savoir où nous allons. Il est utopique de croire que nous pourrons continuer à pomper d’une façon frénétique une ressource au prix que nous voulons. Le retournement durable du marché du fait que les Etats-Unis deviennent graduellement autosuffisants avant eux-mêmes d’exporter du fait qu’ils maîtrisent les nouvelles techniques de forages, fera que ce sera de plus en plus difficile pour l’Opep de maintenir les prix.

Ce sera le sauve-qui-peut qui vient de commencer avec une chute des prix du baril de 30 dollars en moins de trois mois. Doit-on continuer d’indexer l’avenir du pays sur le prix d’un baril de pétrole? Pourquoi ne pas mettre en place un modèle énergétique, une sorte de feuille de route qui trace le cap pour la stratégie énergétique épargnant les énergies fossiles, développant à marche forcée les énergies renouvelables et mettant en place une politique d’économie de l’énergie (gain d’au moins 25%) pédagogiquement expliqué au peuple car c’est lui, convaincu, qui fera ses économies. Si on explique aux Algériens la tragédie de la situation énergétique en le convainquant dans le cadre d’états généraux où chacun a son mot à dire, je suis convaincu que nous pourrions aller vers le développement durable avec la mobilisation de chacun, de l’écolier à l’imam, au ministre qui, par leurs comportements vis-à-vis de l’énergie, seraient irréprochables.

De même, un chantier important est celui de la formation des hommes, il consistera à revoir de fond en comble le système éducatif responsable de la débâcle actuelle. S’il y avait seulement un programme d’économie d’énergie, nous gagnerions 20% de la consommation d’énergie globale. «La meilleure énergie c’est celle que l’on ne consomme pas.» C’est l’équivalent de 6 millions de tonnes de produits énergétiques, soit 450 millions de barils, soit l’équivalent de 5 milliards de dollars.

Tout le monde est concerné par la stratégie énergétique. À titre d’exemple, nous importons des voitures qui émettent en moyenne 150 grammes de CO2 par kilomètre. En Europe, la norme 2011 est de 120g de CO2/km, elles sont de ce fait invendables, interdites. C’est 20% de consommation d’essence en plus. C’est donc plus d’un million de tonnes d’essence que nous allons à terme gaspiller; paradoxalement, nous avons beaucoup de GPL.

Pourquoi ne pas imposer la double carburation GPL/essence aux vendeurs? Par ailleurs, du fait d’une politique des prix erratiques, le gasoil a un prix du même ordre que le sirghaz (13 et 9 DA). Résultat des courses, tout le monde se met au gasoil. L’Algérie a importé 500.000 tonnes de gasoil en plus en 2009 pour 250 millions de dollars. Ce gasoil est bradé à un prix trois fois moins cher que son prix d’achat. S’il y avait une stratégie, elle concernerait aussi la vérité des prix. Avec un prix du kwh à moins de 5 DA et des équipements électroménagers, notamment les climatiseurs, sans aucune limite de consommation, tout le monde peut acheter n’importe quoi. L’Aprue (Agence pour la rationalisation de l’énergie), avec un budget publicité dérisoire, tente d’informer sur la nécessité d’acheter des équipements sobres en énergie (classe A ou B). Nous n’avons pas de stratégie en la matière. La stratégie énergétique ne doit pas être de la responsabilité d’un seul ministère, elle est supra-ministérielle.

Pourquoi ne pas adosser le programme de développent du renouvelable à deux ou trois champions: la Chine, l’Allemagne, les Etats-Unis et indexer les ventes d’énergie à un réel transfert de savoir? A titre d’exemple, la formation d’ingénieurs, de techniciens supérieurs, de techniciens, voire d’ouvriers spécialisés par le système dans son ensemble verront leur pleine participation pour la création de richesse. Il est tout à fait possible de construire des centaines de milliers, à titre d’exemple, de chauffe-eau donnant ainsi du grain à moudre à des milliers de jeunes qui créeront leur start-up. Ces exemples sont à multiplier si le pays décide d’intégrer dans un plan global ce qu’il achète du fait du tarissement inéluctable des ressources énergétiques. C’est cela la nouvelle vision de l’emploi.

Comment relancer la machine de la production

nationale?

Le Fonds monétaire international nous a prévenu: l’Algérie a un budget «vulnérable» à une éventuelle baisse des prix du pétrole, qui aurait des conséquences profondes sur l’économie du pays. Même son de cloche de la part de la Banque mondiale: «C’est de plus un panier percé» puisque les soutiens de prix ne profitent pas qu’aux Algériens. Pour le patron des patrons, Réda Hamiani, les subventions accordées profitent non seulement aux riches et aux pauvres, sans distinction, mais aussi aux populations limitrophes des pays voisins comme la Tunisie, la Libye, le Niger et le Mali.

Pour le Pr Abdelmadjid Bouzidi, il est possible de «produire algérien» par un taux d’intégration graduel comme on le faisait dans les années 1970. «On prend les produits qui plombent la facture de l’importation comme les médicaments, les matériaux de construction, l’agroalimentaire, les camions et autres engins, et on crée un couloir vert aux investisseurs nationaux et étrangers pour investir afin de les produire en Algérie. En leur disant, dans cinq ans, on veut produire ces produits ici, en Algérie», propose-t-il. «L’Algérie pourrait se suffire avec un programme d’importation global de 20 à 25 milliards de dollars. Bien sûr, sans les importations de biens destinés au plan de relance», ajoute-t-il. «En 1980-1985, le programme global d’importation était de 12 milliards de dollars», précise-t-il. Le Pr Bouzidi déplore que l’Algérie ne produise rien et qu’en 1985, il fallait 2 milliards de dollars d’importations d’inputs pour faire fonctionner l’industrie algérienne. «Le processus d’industrialisation du pays lancé par Belaïd Abdeslam durant les années 1970 a été cassé en 1980. Si nous étions restés sur ce projet, nous serions devenus des exportateurs aujourd’hui», soutient-il.

Il poursuit en déclarant: «Un Etat dont l’économie est intégrée, tout le monde contribue au bon fonctionnement de cette économie. A titre d’exemple, pour l’industrie du tourisme, on a besoin du concours de pas mal de corps de métiers pour pouvoir fournir un service digne pour les visiteurs. Ainsi, des compagnies aériennes, des hôtels, des restaurants, des artisans, etc. Et tout le monde participe à la captation des flux financiers venus des touristes.(11)

Dans une société où tout est basé sur l’extraction des richesses du sous-sol, la population est réduite juste à un tube digestif. Les gouvernants jouent la montre pour faire perdurer la situation, il n’est pas nécessaire de penser, tout juste dépenser. Pour le reste, il suffit de faire signe aux entreprises pétrolières internationales pour forer, extraire et vendre. Il est à noter que dans les programmes des partis politiques, il n’est nulle part fait appel à l’intelligence pour proposer un destin à ce pays. En Algérie on n’est pas incité à penser mais à dépenser et, depuis quelque temps, à gaspiller, penser mais à dépenser les miettes d’une rente qui tarira quand ils ne seront plus là. L’Algérien n’apporte rien, il est installé dans les temps morts, «tidjara chtara» «le commerce est une question de débrouillardise» devenant la proie de tous les marchands. Non! l’Algérie mérite un meilleur destin.

La Jeunesse, seule énergie pérenne

Et cette jeunesse en qui survit la vérité? Que fait- on pour elle? Représentant 75% de la population, elle est traversée par des dynamiques souterraines impossibles à évaluer du fait de l’inexistence de travaux sur la question. Que pense un jeune Algérien de 2012 de la Révolution des martyrs qui font que l’on soit indépendant? Que pensent les jeunes de la famille révolutionnaire? Pourquoi pensent-ils que l’Ecole n’est plus un ascenseur social, qu’elle ne sert à rien car même avec un diplôme on est chômeur, qu’il vaut mieux investir dans l’informel, dans le foot, saisir la première occasion pour se sauver, soit avec un diplôme- les harraga de luxe- soit sur une barque, soit enfin se tourner vers l’au-delà du fait que la vie ici-bas ne vaut pas d’être vécue. C’est une tragédie! Il est dangereux de caresser les jeunes dans le sens du poil en leur promettant la lune en les endormant avec une sous-culture des feuilletons, et des saharate de l’été ou encore en les berçant d’illusions le temps d’un match où ils oublient leur détresse. Ne peut-on pas faire comme l’avait fait Roosevelt au plus fort de la dépression, créer l’armée du développement national qui était chargé des grands travaux?

Mutatis mutandis. C’est un immense espoir qu’avait initié Boumediene avec le barrage vert, la nationalisation des pétroles, la transsaharienne et la construction des mille villages agricoles; seuls des travaux de cette envergure permettront de développer le pays, le Sud qui attend. Tout sera permis. On ne confiera plus aux Chinois la construction de logements, aux Japonais la construction de routes. On fera travailler les Algériens et on va sédimenter un savoir-faire en échangeant chaque calorie exportée au transfert d’un savoir-faire.

Conclusion

Que reste-t-il de ce feu sacré qui animait l’Algérie au sortir de l’Indépendance? Peut-être qu’il faille une révolution de l’intelligence. Il nous faut chaque fois réinventer le sens de l’indépendance nationale. Le nouveau langage n’est plus celui des armes mais celui de la technologie du Web2.0, des nanotechnologies, du génome, de la lutte contre le réchauffement climatique et des nouvelles sources d’énergie du futur. Il faut tourner le dos à la rente, qui a fait de nous des paresseux et qui, à tort ou à raison, cristallise les rancoeurs de tous ces jeunes sans qui il n’y aurait pas d’Algérie.

Nous avons tous vu la puissance du mouvement des jeunes capables du pire comme du meilleur comme lors du match Egypte-Algérie. A ces signes, on peut espérer qu’il n’est pas trop tard L´Algérie a besoin de tous ses fils et filles sans exclusive. Voulons-nous d´un tsunami qui emportera tout et qui fera de l´Algérie une zone grise? Seul un ciment puissant permettra à l’Algérie de ne pas voler en éclats. Prendre le pari de réussir en mobilisant tout le monde sans exclusive, en préparant une transition sans douleur, en donnant la parole aux sans-voix, en prenant le parti d’être impopulaire pour prendre des décisions qui garantissent l’avenir. Il faut en définitive faire émerger de nouvelles légitimités basées sur le savoir, bien dans leurs identités, pétries de leur histoire et fascinées par le futur. C’est un fait, nous avons des difficultés à être nous-mêmes et à réveiller la flamme du patriotisme que chacun, à des degrés divers, rêve de voir réanimer pour montrer que tout n’est pas perdu, qu’il est possible encore de tracer un destin pour ce pays qui doit retrouver le chemin de la sérénité. Il doit libérer les énergies en réhabilitant les valeurs du travail, de l’effort et du mérite.

Une Algérie forte n’aura pas à quémander une repentance. Il faut prendre notre parti: regarder dans le rétroviseur ne donne pas de visibilité pour avancer. Sans rien oublier, il faut, sans se faire d’illusion, dialoguer en tant que partenaire, l’intervention de de Villepin dans le monde, nous fait plaisir mais «en politique comme en toute chose, il n’y a pas d’amis ou d’ennemis, il n’y a, disait Churchill, que des intérêts permanents».