Il est des romans qui vous emmènent sur le rivage des contes et légendes, un peu par la main mais c’est pour vous conter en réalité l’histoire de l’Algérie. Entre les thèmes et la narration soutenue par une formidable écriture au style familier, le dernier roman d’Akli Tadjer publié en Algérie en 2010 aux éditions APIC, vous plonge la tête la première dans une histoire bien singulière écrite dans une oralité pétillante de vie.
L’auteur né en 1954 a déjà signé six romans dont «Le porteur de cartable » qui a fait l’objet d’une adaptation télévisuelle et ce dernier qui a reçu le prix «Révélation littéraire de l’année» en France en 2009. «Il était une fois, peut-être pas» raconte avec la voix très affectueuse d’un narrateur dont l’âge se situe approximativement entre 40 et 42, l’histoire d’un lien en apparence filial dans le roman entre Mohamed et sa fille Myriam dont on connaîtra que dans les dernières pages du roman le secret que cache volontairement l’auteur tout au long de la fiction pour tenir en haleine le lecteur.
Au commencement de ce livre, il y a ce père qui a tissé avec sa fille une relation d’attachement parental si forte que l’on se pose des questions sur ce Mohamed qui n’évoque avec sa fille jamais le prénom de sa mère, cette dernière comme une énigme dont on connaîtra la vérité, est toujours absente, pour peu, on la croirait morte et inexistante.
C’est justement ce que nous laisse croire cette fiction à la fois mélancolique voire nostalgique et envoûtante, lorsqu’elle fait place au déroulement dans ce récit à une autre histoire qui se déroule comme un conte des Mille et une nuits.

En fait Mohamed qui est un papa poule qui adore sa fille Myriam au point d’oublier sa vie sentimentale, est bousculé du jour au lendemain par l’apparition de Gaston Leroux, un français de souche dont s’est éprise sa fille.
Gaston a le teint blanc comme neige et le type nordique tandis que Myriam est une jeune fille aux boucles brunes au visage et aux traits nord-africains . Cette dernière qui poursuit ses études à Toulon décide d’installer chez son père, son petit ami qui n’a plus où aller parce qu’il a quitté ses parents qui refusaient cette petite arabe. Les deux hommes vont vivre une relation au départ difficile mais qui finit par être véritablement celle d’un père et d’un fils . Cet attachement qui va grandissant entre les deux hommes se complique lorsque Mohamed apprend de la bouche de sa fille qu’entre –temps elle est tombée follement amoureuse d’un apprenti imam qui veut faire d’elle son épouse mais surtout une fanatique religieuse qui va faire le djihad au Pakistan . Mais l’autre histoire que le lecteur découvre en filigrane c’est l’histoire d’une généalogie métissée du peuple algérien, celle-là même que se raconte Mohamed tout seul devant les peluches de sa fille Cruella et Lucifer . Et c’est l’autre voix du narrateur qui récite des contes et légendes venus d’Algérie comme cette ancêtre de Myriam qui se prénommerait Awa comme Eve la première femme et qui aurait été la favorite du Dey Hussein d’Alger qui fut subjugué par la confection des éventails que tissait Awa . Là-dessus on découvre à travers cette romance l’histoire célèbre de l’éventail qui mis en colère les roumis lorsque le Dey avait demandé au roi de France de payer la dette du blés .D’autres récits entre légendes et histoire de l’Algérie s’entremêlent dans cette fiction dont l’intrigue qui se noue à la fin du roman cache en vérité l’histoire des origines de Myriam qui est une enfant adoptée par le narrateur. Pour sauver le bébé d’un carnage sanglant en Algérie, d’une famille de sept enfants fruits d’un amour fabuleux entre la belle Shéhérazade et l’Etranger Charles, le narrateur a du faire croire à Myriam qu’il était son père.
Le roman dont on aura apprécié la langue d’écriture, apporte aux lecteurs avertis une belle perspective romanesque qui tout en étant ancrée dans les paramètres historiques algériens, transforme le mode d’écriture en s’inspirant des contes du terroir mais surtout nous introduit dans le monde familier d’un narrateur qui déborde d’affection pour autrui .
Lynda Graba