Les notaires, les avocats et les agents immobiliers ont été pointés du doigt et accusés, hier, de blanchiment d’argent et de fausses déclarations. Les autorités publiques sont sollicitées à intervenir d’urgence pour mettre un terme à des pratiques frauduleuses qui ont fortement souillé le Trésor public.
En effet, des professionnels du secteur ont dénoncé hier ces intervenants qui ne respectent la loi 05-01 relative à la lutte contre le blanchiment d’argent. Ces derniers font zéro déclaration de soupçons par an à la cellule de traitement et du renseignement financier (CTRF).
C’est du moins ce qui ressort d’une journée de sensibilisation sur le blanchiment d’argent dans les métiers de l’immobilier, tenue hier à l’hôtel El Biar à Alger. S’exprimant à l’occasion, le fondateur du site immobilier Lkeria.com, Lotfi Ramdani, ex-inspecteur à la Banque d’Algérie, certifié dans la lutte contre le blanchiment, a souligné le rôle important des professionnels ciblés, dont les intervenants dans le marché immobilier à l’instar des agents immobiliers, notaires…, dans ce dispositif, et ce, eu égard au fait que le secteur immobilier demeure très prisé par les criminels pour transférer ou dissimuler des revenus illicites.
De même que l’immobilier permet de blanchir rapidement de grosses sommes d’argent, s’agissant d’investissements de grande valeur et à forte rentabilité. Ramdani a estimé que le cadre réglementaire de l’Algérie est bien ficelé, mais-a-t-il regretté, le problème réside dans l’application des lois. Des assujettis (notaire, agent immobilier…) ne remplissent pas leur devoir pour lutter contre ce fléau qui a «sali la réputation du pays». Le groupe d’action financier (Gafi) a reconnu les progrès de l’Algérie dans l’amélioration de son régime de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme et l’a retirée de la liste noire, mais, a-t-il dit, cette réalité peut très vite basculer dans la conjoncture actuelle. «L’Europe est frappée de plein fouet par le terrorisme.
Ce qui implique le durcissement des mesures de sécurité. La prochaine étape du Gafi est d’évaluer l’efficacité de notre système juridique et de son application sur le terrain», a-t-il averti. Pour lutter contre le blanchiment d’argent, l’intervenant indique qu’il y a deux possibilités. La première est de soumettre des déclarations de soupçons de fraude à des commissions habilitées à faire des enquêtes comme la CTRF.
«Cette dernière se chargera de transmettre le dossier au parquet s’il y a une quelconque contravention», a-t-il précisé.
Entre 1 à 10 millions de DA d’amende
La seconde possibilité est de se doter d’un système de filtrage de clientèle basé sur la liste noire de l’ONU. «Ce dispositif permet de contrôler la clientèle pour déceler l’origine de ses capitaux», a précisé le même responsable. Ramdani trouve anormal que les métiers non financiers, à savoir les notaires, avocats, promoteurs immobiliers font zéro déclaration de soupçons par an alors que les banques font une moyenne de 100 déclarations. Il soupçonne ces derniers d’être impliqués dans des affaires de fraude ou de ne pas avoir assez de moyens pour s’équiper d’un système de filtrage. «Les banques publiques dépensent 500 000 euros pour ce genre de solution», a fait savoir Ramdani. Mais, peut-on exiger à un agent immobilier les mêmes conditions qu’à une banque qui fait un bénéfice de 30 milliards de DA par an ?, s’est-il interrogé. Interrogé sur les pénalités appliquées sur les assujettits qui ne déclarent pas des soupçons de fraude, l’expert signale qu’ils risquent des amendes variant de 1 à 10 millions de DA.
De son côté, le président de la Fédération nationale des agences immobilières (FNAI), Abdelhakim Aouidat, estime que pour remédier à cette situation, il est impératif d’assainir le marché immobilier.
«Trois-quarts de la population interviennent dans des transactions immobilières. N’importe qui peut vendre ou louer des biens immobiliers», a-t-il déploré. Les intervenants dans ce secteur s’adonnent à des fausses déclarations depuis des années pour éviter de payer leurs impôts.